Le Fantôme de l'opéra : critique totale masquerade

Fabien Braule | 23 juin 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Fabien Braule | 23 juin 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Hommage au réalisateur Joel Schumacher, décédé à 80 ans.

Joel Schumacher aurait-il été touché par la grâce ? C'est la question qui s'est posée face à son Fantôme de l'Opéra, son adaptation de la célèbre comédie musicale d'Andrew Lloyd Webber, menée par Gerard Butler, Emmy Rossum et Patrick Wilson. Oubliez Batman Forever et Batman & Robin, oubliez Le Client et Le Droit de tuer : le réalisateur de Chute libre et Génération perdue effectuait là un nouveau virage, après Tigerland et Phone Game.

FANTÔME FOREVER

Tour à tour, cette adaptation à l'écran tirée du musical d'Andrew Lloyd Webber (lui-même librement adapté du roman de Gaston Leroux) fascine et nous emporte corps et âme dans les méandres tourmentés et flamboyants de ses lieux et de ses personnages. D'un classicisme étonnant, Le Fantôme de l'opéra version Joel Schumacher transcende tout ce qui aura été fait sur le sujet depuis bien longtemps, si l'on excepte la version quelque peu détournée de Brian De Palma, Phantom of the Paradise.

Ici, tout est assimilé à l'excès. Des décors aux costumes en passant par la somptueuse photographie de John Mathieson (Gladiator, Hannibal, et d'autres Ridley Scott), l'univers de ce Fantôme semble tout droit sorti de celui de Visconti (on pense surtout à Senso et au Guépard). C'est dire si l'évocation de ce nom exprime à lui seul l'envergure du projet, sa puissance et sa beauté plastique.

Des coulisses jusqu'aux souterrains, l'iconographie de l'opéra Garnier, ses colonnes et ses statues, ses dorures et son lustre magnifique, s'inscrivent aussi bien dans l'époque peinte (le XIXe siècle), que dans une logique formelle et obsessionnelle amorcée par le cinéaste avec Batman Forever. À l'image des statues géantes et gothiques de Gotham City, l'Opéra se transforme ici en un lieu gargantuesque, une ville dans la ville aux multiples corps de métiers, tissée de couloirs sans fin, de passages secrets et de miroirs sans tain.

 

photo, Gerard ButlerDe la pointe de mon épée

 

OPÉRA MASQUÉ

Au gré des péripéties de ce triangle amoureux et des meurtres, les tableaux se succèdent, affichant d'extraordinaires ballets, dont l'hymne d'amour de Christine (magnifique Emmy Rossum), Think of Me, s'affirme comme le plus pur et le plus innocent. De cette aria, balayée par l'étrange pouvoir de séduction du fantôme, Schumacher et Lloyd Webber marquent les âmes de nos héros et font s'échapper, le temps d'un hiver, les joies et l'innocence des lieux et de ses occupants.

Avec son sens de la démesure et ses orchestrations sur le modèle de l'opéra rock, Lloyd Webber multiplie les prouesses et décline ses thèmes avec aisance et singularité. Autant dire que si Evita vous a laissé de marbre, celui-ci n'est pas pour vous. Ici, la puissance de l'œoeuvre se trouve dans la symbiose parfaite de ses deux artistes, dans leur sens commun du grandiose et de l'excessif. Et les séquences se suivent avec une telle aisance, une telle fluidité, que l'on en oublierait quasiment la forme cinématographique ;– en témoigne l'extraordinaire séquence au titre éloquent de Masquerade (l'une des plus belles pièces).

 

photo, Emmy RossumThink of Me pour les Oscars (ou pas)

 

Dans une débauche de costumes et de masques, le cinéaste transforme ses personnages en poupées de porcelaine, les multiplie à l'écran jusqu'à ce que les corps ne fassent plus qu'un avec le cadre, effaçant derrière eux un décor de carton-pâte fait d'ornements précieux. Cette Saint-Sylvestre s'affirme comme point de non-retour entre la vie et la mort, la passion et l'obsession amoureuses du fantôme et de sa muse.

Dès lors, Le Fantôme de l'Opéra bascule inexorablement dans un univers où la froideur de l'hiver rencontre le fantastique, où la peur efface la beauté des décors pour des lieux bien plus sombres, plus proches de l'enfer que des ciels peints sur la coupole de l'Opéra de Paris.

 

photo, Emmy RossumUne étoile est née

 

À CONTRETEMPS

Cependant, Le Fantôme de l'Opéra possède aussi ses faiblesses. La plus évidente demeure sans doute son problème de rythme, Schumacher n'arrivant pas toujours à gérer les différences de timing entre le musical façon Broadway, et son adaptation cinématographique. Aussi, lors de quelques séquences, l'ennui pointe-t-il le bout de son nez, tant et si bien que pour beaucoup, au bout du compte, le style romantique XIXe tombe sous une pluie de clichés.

Pourtant, ces scènes s'avèrent a contrario tout à fait audacieuses et parfaitement inscrites dans les règles du genre et de l'époque, à l'image du personnage du fantôme, où le pathos si propre aux codifications du mélodrame l'emporte largement sur la figure horrifique qu'on aura bien voulu lui attribuer depuis quelques années.

 

photo, Patrick WilsonPatrick Wilson était là, oui

 

Enfin, l'utilisation de nombreuses références cinématographiques peut aussi aller dans ce sens. L'ouverture malheureuse sur une carte postale aux teintes sépia rappelle beaucoup trop le film de Baz LuhrmannMoulin Rouge !, tandis que se suivent les citations d'œoeuvres se rattachant à l'époque peinte, qu'il s'agisse de Freaks, la monstrueuse paradeElephant Man ou bien encore de La Belle et la Bête (autant la version de Jean Cocteau que celle des studios Disney).

Toute une panoplie de références qui s'accordent souvent avec beaucoup de justesse à l'univers du conte, et qui peuvent paraître trop mal amenées de la part du cinéaste. Là encore, tout n'est qu'une question d'acceptation de la part du spectateur, de recul nécessaire face aux excès les plus fous de Joel Schumacher.

 

Affiche officielle

Résumé

Le Fantôme de l'Opéra s'affirme comme une oeuvre démentielle, grandiose et extrême, sorte de folie des grandeurs pour Joel Schumacher et Andrew Lloyd Webber. Sans nul doute l'un des meilleurs films du réalisateur.

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commentaires
Fred Farmer
24/06/2020 à 21:36

Ce film est superbe.. il met en image la sublime musique et les chansons de Webber. Déjà vu un nombre incalculable de fois. La version live du 25ème anniversaire de cette comédie musicale est juste topissime

Bob nims
23/06/2020 à 21:07

Je préfère celui d'argento

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