Drive-Away Dolls : critique d'un Coen en mode solo (et pas drôle)

Geoffrey Crété | 7 avril 2024
Geoffrey Crété | 7 avril 2024

Trois ans après Joel Coen pour The Tragedy of Macbeth, c'est au tour d'Ethan Coen de tracer sa route solo comme réalisateur, après le documentaire Jerry Lee Lewis: Trouble in Mind. C'est à peu près la seule raison d'être un peu curieux de voir Drive-Away Dolls, road movie à deux balles avec Margaret Qualley et Geraldine Viswanathan, qui emprunte le pire des clichés des frères Coen avec un soupçon d'American Pie. Si ça fait peur, c'est normal.

a not serious man

Si quelqu'un se demande encore pourquoi les frères Coen ont arrêté de réaliser ensemble, leurs premiers films en solo se chargent de répondre à leur place. En 2021 (sortie début 2022 en France), Joel Coen s'est lancé le premier avec The Tragedy of Macbeth : un film très grave et très sérieux, en noir et blanc, léché à l'extrême, et avec des acteurs plus que confirmés (Denzel Washington, Frances McDormand). Ethan Coen n'aurait probablement pas pu faire plus différent que Drive-Away Dolls, petite farce inoffensive sous forme de road movie comique, qui raconte le périple de deux copines lesbiennes (Margaret Qualley et Geraldine Viswanatha) en quête de sexe et de problèmes.

Sous ses airs de film écrit sur un coin de table et qui n'aurait probablement jamais été financé sans le nom Coen, Drive-Away Dolls ressemble pourtant à un projet passion. Développée depuis une vingtaine d'années, la comédie est en réalité autant celle d'Ethan Coen que de sa femme Tricia Cooke. En plus d'être la monteuse du film, comme sur ceux des frères Coen, elle est productrice, co-scénariste et officieusement co-réalisatrice selon Ethan.

C'est bien beau tout ça et on est ravis pour eux, d'autant que le film transpire une certaine allégresse et légèreté. Mais Drive-Away Dolls est tout de même une petite chose incroyablement simple et oubliable, qui devient potentiellement crispante malgré sa durée très courte (1h24).

 

 

GODE BLESSE AMERICA

Il y a deux gros problèmes dans la blague trop longue et pas assez drôle de Drive-Away Dolls. Le premier : tout ça a déjà été vu, raconté, moqué et parodié des centaines de fois. Le deuxième : le film veut tellement "être cool" que tout devient rapidement très artificiel et se complaît dans la posture un peu facile du petit film décalé et déglingué (jusqu'aux effets, transitions et ruptures de style). Ce qu'il n'est absolument pas, sauf à considérer qu'un running gag à base de godemichets est un summum de punk en 2024.

Bienvenue donc dans le royaume des gangsters capables de tuer de sang-froid, mais également d'être tabassés par Beanie Feldstein, pris pour des veaux par un groupe d'adolescentes et ridiculisés du début à la fin. Bienvenue également dans le road trip très original de la copine sexuellement libérée et aventureuse et de sa pote très réservée qui doit se décoincer. Rajoutez à ça une histoire d'ex-copine légèrement colérique, de mallette secrète et de poursuite à travers les États-Unis et vous avez toute la recette de Drive-Away Dolls, coincé dans un triste entre-deux mi-Coen mi-teen movie. Si c'était quelqu'un d'autre, on aurait envie de dire que c'est du sous-Coen. Mais comme c'est Ethan Coen, c'est particulièrement cocasse.

 

Drive-Away Dolls : photo, Margaret Qualley, Geraldine ViswanathanSous-Tarantino avec ce plan aussi

 

Muy bien muy lesbienne

La seule spécificité de Drive-Away Dolls réside dans sa thématique queer, comme l'indique le titre alternatif Drive-Away Dykes ("Dyke" signifiant "gouines"). Des road movies avec des lesbiennes, ça ne court pas les rues, surtout avec un récit qui leur donne la liberté d'exister et faire du bruit avec leurs corps, leurs excès, leurs désirs et donc leur valeur politique à travers l'Amérique (la toute fin, avec la tante).

De toute évidence, c'était la note d'intention, et nul doute que c'est d'une grande sincérité – Tricia Cooke est elle-même lesbienne, elle décrit son mariage avec Ethan Coen comme non-traditionnel, et elle avait co-réalisé le court-métrage Don’t Mess With Texas autour d'une idée similaire.

 

Drive-Away Dolls : photo, Beanie FeldsteinRevoyez Booksmart, c'est un ordre

 

Et les actrices jouent le jeu. Margaret Qualley est parfaite dans le rôle le plus facile, Geraldine Viswanathan est excellente dans le rôle le plus difficile et Beanie Feldstein rappelle encore une fois son talent (revoyez donc Booksmart, réalisé par Olivia Wilde, qui partage la thématique queer avec bien plus de finesse et encore plus d'humour).

Mais tout ça ne suffit pas à faire un film, et encore moins un bon film. Peu importe si Pedro Pascal et Matt Damon font de la figuration de luxe, peu importe si la légèreté est assumée et revendiquée. Sans un Coen dans l'affaire, Drive-Away Dolls aurait probablement été gentiment ignoré, comme il se doit.

 

Drive-Away Dolls : affiche officielle

Résumé

Peu importe les intentions et les actrices, Drive-Away Dolls est une blague trop longue et pas drôle. Un mauvais sous-Coen réalisé par l'un des frères Coen, en voilà une curieuse expérience.

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commentaires
Heu
09/04/2024 à 09:18

L'affiche partagée dans l'article est officielle ??? Nan parce que c'est écrit Ethan CoHen partout....

Fou Dubulbe
08/04/2024 à 11:29

Bon ben je fais partie de la minorité qui a apprécié le film. Ça ne réinvente pas la roue mais j'ai trouvé ça bien fun ^^'

Sanchez
07/04/2024 à 20:54

Rien que la bande annonce c’est une horreur visuelle

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