Madame Web : critique pire que Morbius

Déborah Lechner | 14 février 2024 - MAJ : 15/02/2024 17:59
Déborah Lechner | 14 février 2024 - MAJ : 15/02/2024 17:59

Après VenomVenom : Let There Be Carnage et Morbius, l'univers Spider-Man (sans Spider-Man) de Sony continue sa descente aux enfers vertigineuse avec Madame Web, un film réalisé par S.J. Clarkson, avec Dakota JohnsonSydney SweeneyIsabela MercedCeleste O'Connor et surtout aucune idée de ce qu'il fait. 

ATTENTION : SPOILERS !

DESTINATION FINALE (dans le mur, donc)

Qu'est-ce qu'on pouvait bien attendre de Madame Web après les deux premiers Venom et Morbius, sinon une autre catastrophe ? L'univers Spider-Man (toujours sans Spider-Man) de Sony s'est cassé la gueule plus rapidement et violemment encore que la carrière de Tobey Maguire après la trilogie Spider-Man de Sam Raimi, et il est difficile de blâmer autre chose que la nonchalance du studio qui n'a toutefois pas fini de se foutre ouvertement de son public.

 

 

Il y avait déjà eu la scène post-générique de Venom 2 qui tentait désespérément de créer une passerelle vers le MCU, avant que Spider-Man : No Way Home ne se fasse une joie de la démolir. Puis la mauvaise blague a continué avec Morbius, qui a rassemblé le vampire de Jared Leto et le Vautour de Michael Keaton en vue d'un affrontement contre le Peter Parker de Tom Holland (qui n'aura très certainement jamais lieu). Désormais, Sony n'essaie même plus de promettre ne serait-ce qu'un caméo de Spider-Man (n'importe lequel), bien qu'il continue d'avancer à l'aveugle

Avec Madame Web, l'univers "étendu" semble dans un premier temps hurler au public d'abandonner tout espoir, celui-ci devant officiellement se contenter d'autres personnages super-arachnéens, en l'occurrence les quatre nouvelles héroïnes introduites : Cassandra Webb, Julia Cornwall, Mattie Franklin et Anya Corazon. Il y a pourtant de fortes chances pour que vous n'ayez JAMAIS entendu leur nom avant, et que vous n'en entendiez plus jamais parler après.

 

Madame Web : photo, Dakota JohnsonMessage subliminal

 

Parce que si Venom a empilé suffisamment de dollars pour poursuivre sa route bien sinueuse, il n'y a pas besoin de voir l'avenir pour constater que Madame Web et ses padawans n'en ont aucun. Cependant, et c'est là le plus risible, le film insiste lourdement et de façon quasi méta sur le fait que l'héroïne de Dakota Johnson est la seule qui peut changer l'avenir funeste qui pèse sur tout le monde, et ainsi sauver le futur des nouvelles héroïnes destinées à reprendre le flambeau. Cette origin story sur Cassandra Webb est donc logiquement censée ouvrir tout un nouvel arc narratif, avec l'acquisition des pouvoirs des trois ados dans une prochaine aventure. 

Pas besoin de relire la précédente phrase, vous avez bien compris : aucune des trois adolescentes n'a de super-pouvoirs ou de costumes, quand bien même ils sont teasés sur l'affiche officielle et présentés dans les bandes-annonces. Autrement dit, Madame Web est un film de super-héros sans super-héros, ni super-héroïnes, mais seulement une porte entrouverte sur du vide. Et ce n'est même pas le pire.

 

Madame Web : photo"Aragna Exime"

UN GRAND POUVOIR IMPLIQUE que dalle

Le pire, c'est que même en tissant sa toile sans Spider-Man, Sony n'arrive pas à abandonner tout ce qui gravite autour de l'homme-araignée que tout le monde connait. En même temps qu'il impose Cassandra Webb comme la nouvelle boss omnisciente de l'univers et de New York, le film ouvre aussi la voie à un nouveau Peter Parker, comme s'il s'agissait de garder une carte joker dans la main, au cas où. Il façonne également trois bribes de mythologie autour de la tribu Las Arañas pour mettre le plus de (mal)chance de son côté, sait-on jamais. 

Après, étant donné que la tribu en question est composée de trois à quatre personnes maximum, elle ne devrait pas être trop encombrante pour les prochains films hypothétiques. De fait, Madame Web est aussi un spin-off de Spider-Man sans Spider-Man, ou plutôt un prequel qui ne s'assume pas comme tel et n'assume pas non plus l'importance que son héroïne éponyme est appelée à prendre. Le film souffre ainsi d'un sérieux trouble dissociatif de l'identité, en plus de nombreuses carences en tous genres

 

Madame Web : photo, Dakota Johnson, Sydney Sweeney, Isabela Merced, Celeste O'ConnorLe truc embêtant avec l'avenir, c'est qu'il n’existe pas encore

 

Parlons donc du film en lui-même, de ses qualités et défauts, à commencer par son écriture désastreuse. Cassandra Webb voit l'avenir, et le public aussi puisque TOUS les enjeux et grandes étapes du récit sont balancés dans les 15 premières minutes. Les spectateurs sont condamnés à voir lentement se dérouler tout ce que le long-métrage annonce dans ses flashbacks et visions, sans autre élément de surprise ni inconnue susceptibles de déjouer ses propres prophéties et de nous tenir éveillés. 

Les personnages sont quant à eux des parodies, entre les ados à trauma habillées comme des Bratz, l'héroïne orpheline qui cherche sa place et le self-made-man psychotique qui sert d'antagoniste. Sa psychologie pourrait d'ailleurs réanimer Freud tant elle est complexe : s'il tue des gens, c'est parce que personne n'a été gentil avec lui quand il était petit et qu'il a dû se débrouiller tout seul, bichette. Voir Tahar Rahim embarqué là-dedans est une double, voire triple peine.

 

Madame Web : photo, Tahar RahimMieux vaut Tahar que jamais, quoique...

 

Enfin, on pourrait insister sur l'absurdité ambiante, la laideur de la photo et des effets spéciaux, l'illisibilité de la plupart des scènes (et même pas forcément d'action), la niaiserie des dialogues ou le ridicule des hommes-araignées, filmés comme Edward Cullen dans le premier Twilight. Mais à ce stade, il faut le voir de ses propres yeux pour vraiment prendre la mesure du désastre, et surtout de la fraude.

Madame Web est donc le premier séisme de 2024, mais deux autres répliques arrivent, d'abord en août prochain avec Kraven le chasseur, puis en novembre avec Venom 3. Mais ça, ce sera le problème d'un.e autre rédacteur.rice. 

 

Madame Web : affiche française

Résumé

Attention, ceci n'est pas un exercice mais bien un éboulement facturé plusieurs dizaines de millions de dollars. Fuyez sans vous retourner, et réfugiez vous dans n'importe quelle autre salle de cinéma, même celles qui passent Maison de retraite 2 ou Cocorico

Autre avis Antoine Desrues
A ce stade, on va se retrouver à réhabiliter le premier Venom. C'est dire à quel point nos standards sont en train de tomber bien bas.
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commentaires
Flo 1
27/02/2024 à 23:06

« Madame, Messieurs, Bonjour ! »

C’est une drôle de chose, le Destin… Imaginez que, sans préjugés, vous soyez prêt à voir un film que tout le monde déteste d’emblée, c’est bon, vous avez un créneau confortable…
Puis qu’un imprévu arrive, que c’est peut-être la Fatalité, vaut mieux s’abstenir, ça disparaîtra bien vite des écrans…
Et finalement on a une deuxième chance, le film est encore à portée d’yeux, sans problème, et il est pas si mal que ça en plus. Qui l’eut cru ?
Mais encore faut-il comprendre ce qu’on a vu.

On le sait bien maintenant, le studio Sony (très joli logo pour fêter les 100 ans de la Columbia, très à propos) a ses propres franchises super-héroïques (entre autres blockbusters)… ce sont celles liées de près aux aventures de Spider-Man. Des personnages qui peineraient à exister tout seuls, sans l’Araignée, tellement ils le complètent parfaitement en tant que antagonistes ou alliés.
Mais c’est quelque chose qui vaut aussi pour bien d’autres personnages secondaires tirés d’une œuvre écrite… leur potentiel est limité pour un passage sur grand écran, parce-qu’ils font trop doublons avec leurs prédécesseurs, ou qu’ils ne peuvent pas créer une mythologie plus grande que nature.
Depuis quelques années, les adaptations super-héroïques sont en plein dedans : les grandes icônes ont toutes bouclé leurs arcs narratifs. Celles qui essayent de se renouveler ne convainquent pas toujours, et leurs successeurs et émules présentent un intérêt plus mineur… jusqu’à faire perdre patience à ceux qui critiquent le plus fort.

Après des Venom et Morbius lorgnant sur le cinéma horrifique, pour mieux le trahir, voilà un film qui se prétendrait Slasher, sans aller vraiment jusque là…
Et tant mieux, en un sens.
Après avoir tourné autour du pot avec le Sens d’araignée du Tisseur, jadis simple gadget souvent mal utilisé, puis enjeu à maîtriser face à un adversaire particulier (Mysterio dans « …Far from Home »), voilà un film qui décide de bâtir son scénario autour de cette capacité assez surnaturelle, permettant d’anticiper le danger. Voir même d’infléchir le Destin.
Pour ça la production à pioché du côté de deux personnages qu’on peut considérer comme controversés dans les comics de Spider-Man. Rares en apparitions car leurs participations ont tendance à renverser la dynamique d’action de Peter Parker, la faisant basculer dans le Mystique plutôt que la Super Science (d’ailleurs le héros regimbe encore à se lier à tout ça).
D’autant plus que Cassandra Webb et Ezekiel Sims ont toujours plus ou moins ressemblé à des versions « maléfiques » de May et Ben Parker : une vieille femme à l’apparence fragile, mais qui apparaît comme une éminence grise, et un riche homme mature tenant lieu de mentor, mais qui sera prêt à tout pour garder son confort et échapper à la mort (y compris en séquestrant une adolescente).

Le film est assez fidèle à ça, déplaçant temporellement certains détails (c’est de coutume dans les adaptations), et donc mixant plusieurs personnages en un pour augmenter leur potentiel au sein d’un film.
Il semble clair que Webb (qui finira par bien raccorder à son modèle) a été ici mélangée avec une autre femme araignée au potentiel limité, la Spider-Woman Jessica Drew – un lien aux araignées dès la naissance, une apparence jeune similaire. Le film contient même un équivalent technologique, joué par Zosia Mamet.
Et pour Sims, en plus de son costard porté pieds nus, il hérite aussi de visions funestes, d’un toucher mortel et d’un costume de combat qui évoque le Spider-Man violent appelé Kaine… ces deux hommes sont souvent vu comme des harceleurs pervers, et Tahar Rahim avait déjà joué un personnage aussi obsessionnel dans « L’Aigle de la Neuvième Légion » (il y était certes plus impressionnant).
Trois autres héroïnes venues des comics sont là en tant qu’enjeux à protéger – et menaces futures bizarres, si on était du point de vue d’Ezekiel… Et si celui-ci avait pu créer une forme d’empathie avec le public, autrement qu’avec une phrase en début de film, et grâce à un acteur charismatique…

Plus que les héroïnes ? Certes ce n’est pas le Joker ou Thanos, mais le problème est là : le film se tient, dans son déroulé, ses vraies/fausses révélations (le prologue est finalement trompeur), bien que le principe des visions prophétiques soit évidemment répétitif.
Mais il a plus le niveau d’un film d’action avec des femmes, lesquelles sont plutôt présentées comme des bonnes copines très archétypales :
Dakota Johnson joue bien la grande sœur malgré elle, Sydney Sweeney celle qui manque cruellement de confiance en elle, Celeste O’Connor la rebelle, Isabela Merced la pragmatique. Pas besoin d’écrire en gros le mot Sororité, on est en plein dedans.
Pourtant il ne s’agit pas trop d’un film de super-héros ou d’un film de Spider-Man, malgré le fait qu’on y trouve un parcours héroïque typique – le trauma initial, le fait de ne pas savoir s’intégrer, l’accident déclencheur, la culpabilité due à la passivité, la reprise en main, les points communs entre héros, le lien intime avec le vilain, la révélation, la transcendance et les voltiges, le sacrifice.

Ce qui a pourtant irrité jusqu’à la moelle des spectateurs et critiques, un peu trop contaminés par la fièvre Geek, laquelle n’est globalement pas très ouverte quand on montre des jeunes femmes qui ne se contentent pas d’être des déesses, ou bien masculinisées. Pas de bol pour les allergiques aux voix qui vont jusqu’à trois octaves, on a là beaucoup de femmes (et quelques hommes) en train de parler aussi de tout et de rien, prenant le temps d’avoir aussi des interactions banales qui ne sont pas spécialement liées à la puissance, ou à leur survie. On n’est pas dans une comédie légère, mais en même temps rien n’empêche que ça arrive… depuis des années, les héros de films d’action ne se privent plus de tchatcher pour se détendre quelques minutes, comme nous.
Et avec une femme aux commandes d’un film, cette sensibilité semble plus systématique.
Surtout lorsque le sujet du film se confond avec l’image publique du film, c’est à dire tout ce beau monde n’est attendu par personne, que le monde se porterait tout aussi bien si ces filles n’existaient pas… et n’avaient pas le droit de juste vivre, sans avoir à être nécessairement « excellentes ».

De plus lorsqu’y apparaît des scènes avec les héroïnes costumées, ça sonne comme une anomalie, quelque chose d’extérieur au rythme du film.
Bien entendu ces scènes peuvent témoigner des limites de ces productions Sony, nous donnant une part de looks tirés des comics mais ne pouvant pas utiliser trop d’éléments Marveliens sans que la maison-mère n’intervienne (des tas de scénaristes à la manœuvre… mais on a quand-même une référence indirecte à « Dr Strange »).
Par exemple il semble que Peter Parker devait lui aussi être un enjeu, façon John Connor. Mais ça n’a finalement pas eu lieu…
Et tant mieux, en un sens. Il n’éclipse pas les héroïnes, et Adam Scott est un îlot de bienveillance en Ben Parker – voilà, lui est ici mais pas May, tandis que chez le Spider-Man de Tom Holland c’est l’inverse.

Mais si on regarde le CV de la réalisatrice S. J. Clarkson (c’est son premier film), on y trouve beaucoup de séries mettant en scène des héros ou anti-héros ne portant pas de super costumes, tout en ayant une apparence graphique reposant sur des codes couleurs très identifiables – « Heroes », « Dexter », Jessica Jones »… Pas assez pour en faire une autrice aux thématiques récurrentes, mais ça valait le coup de le signaler.
Et on peut même considérer que tous ces moments en costumes ne sont que des interprétations métaphoriques (Ezekiel scellant tout seul son sort). Voire, des flashs d’un univers parallèle, lié à la Toile Multiverselle qu’on a déjà vu dans d’autres films.

Reste que tout ça est bien sympathique, finissant par être attachant, avec un budget suffisamment confortable et de l’action plutôt acceptable
Pas honteux, même si le film tend régulièrement le bâton pour se faire battre (le look d’écolière à jupette de Sydney Sweeney, le taxi furtif, les années 2000)… et qu’il n’essaie pas de se faire plus gros qu’il n’est, comme « The Marvels ».
Plutôt un bon moment à passer. Comme quoi…
C’est étonnant, le Destin.

Pieriku
20/02/2024 à 21:09

Honnêtement, je m'attendais à bien pire. J'ai trouvé le film distrayant. Bien sûr, ce n'est pas le film de l'année mais ce n'est pas la bouse que certains décrivent. Il y a très largement pire.
Par contre, c'est vrai que le méchant n'a aucune motivation particulière d'être méchant et certaines scènes font mal aux yeux tellement elles sont illisibles (principalement au début avec les arañas ou l'ambulance et la scène finale).

T-Bib
20/02/2024 à 11:56

Je dirai pas que c'est pire que Morbius, parce que celui la, bien que ca soit un méga nanard, au moins c'est un nanard divertissant et drole tellement il y a d'incoherence. Morbius c'était mauvais et pas drôle à regarder

Leo
18/02/2024 à 15:44

Ce n est pas le film de l année mais il ne faut pas exagérer non plus !!! Ça se laisse regarder...

[)@r|{
18/02/2024 à 10:32

Sortie en famille pour découvrir ce film. [samedi en fin d'après-midi]

Pour être honnête avec vous, ce "Madame Web" ne se résume qu'à du vent ! Voilà pourquoi, rien dans "ce film" ne vaut la peine d'être évoqué...

Mes enfants ont qualifié ce soi-disant divertissement "d'inintéressant et d'ennuyeux" !

Par ailleurs, durant la séance, de nombreux spectateurs ont quitté la salle de cinéma. Quelques-uns ont même émis des sifflements ! Je n'avais jamais vu cela auparavant.

Bref, j'ai ressenti la projection de ce blockbuster comme une arnaque.

Donc, je suis tenté de dire à l'industrie du divertissement que les spectateurs ne sont pas dépourvus de raisonnement et que je ne suis pas d'accord avec l'idée qu'on puisse me prendre pour un crétin et coprophage.

En conclusion, j'ai acheté 5 places de cinéma pour assister à une séance où il n'y avait rien à voir. Par conséquent, je ne vous recommande pas ce film !

Ciao a tutti !

john mcdo
18/02/2024 à 09:50

C'est illisible cette écriture inclusive, sans déconner....

Cocorico
18/02/2024 à 08:32

S'il vaut mieux voir cocorico et maison de retraite, pourriez vous faire leur critique ?

Geoffrey Crété - Rédaction
16/02/2024 à 09:51

@Garyus

C'est vrai, immense problème de la vie qui traumatise au moins 4 personnes chaque année. Du coup, on continuera.

Tonto
16/02/2024 à 09:00

J'aimerais bien que Kraven le chasseur soit juste un peu moins pire, non pas que je veuille sauver le film, mais juste pour ne pas dire que J.C. Chandor a commis un immonde navet dans sa plutôt belle carrière... ^^
(Pour Russell Crowe, c'est déjà mort)

Garyus
16/02/2024 à 05:16

Quelle horreur cette écriture inclusive de mes deux.

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