Argylle : critique qui donne sa langue au chat

Antoine Desrues | 31 janvier 2024 - MAJ : 01/02/2024 19:19
Antoine Desrues | 31 janvier 2024 - MAJ : 01/02/2024 19:19

Non content d’avoir signé le meilleur film X-Men (Le Commencement), Matthew Vaughn s'est approprié l’énergie des comics avec beaucoup de réussite. Que ce soit au travers de Kick-Ass ou de Kingsman, son inventivité visuelle s’accorde à sa frénésie, mixant dans un même élan des inspirations de pop-culture variées, à la manière de cases de BD qui s’entrechoqueraient. Même si Argylle adapte cette fois un roman (enfin soi-disant...), il est évident que le film porté par Bryce Dallas HowardSam Rockwell et Henry Cavill fonctionne sur le même mode, trop heureux de pouvoir réagencer et dynamiter les codes du cinéma d’espionnage. Pour le meilleur, mais aussi pour le pire.

L'espion qui aimait les livres

Appréhender Argylle en tant qu’objet de cinéma est loin d’être chose aisée, que ce soit en ce qui concerne sa qualité ou sa nature. À vrai dire, on se demande si le jeu de piste lancé par Matthew Vaughn, Universal et Apple n’est pas plus intéressant que le film en lui-même. À la base présenté comme une adaptation d’un roman d’espionnage de l’inconnue Elly Conway (pour lequel Vaughn aurait sauté sur les droits après avoir lu le manuscrit), le long-métrage est en réalité une mise en abyme dudit roman, visiblement publié pour brouiller les pistes entre le réel et la fiction.

 

 

Si Argylle (le livre) raconte les aventures du personnage éponyme dans un énième concentré d’espionnage à la James Bond, Argylle (le film) imagine comment Elly Conway (Bryce Dallas Howard), accompagnée de son fidèle chat, se retrouve malgré elle pourchassée par de véritables agents secrets à cause de ses ouvrages. Un postulat plutôt amusant et cohérent avec le reste de la filmographie de Vaughn, faite de quotidiens banals propulsés dans des imaginaires pop.

 

Argylle : Bryce Dallas Howardici, c'est Paris on aime Matthew Vaughn !

 

C’est même ce qui fascine avec le cinéaste : la virtuosité de sa mise en scène est tournée vers la notion de fusion. Au-delà des styles et des genres qu’il s’amuse à mixer, son travail avec les outils numériques ne cherche que l’assimilation, le choc volontairement cartoonesque de ses calques et de ses plans pour donner l’illusion d’une continuité endiablée – symbolisée au mieux par les plans-séquences des Kingsman.

Plus que jamais, Argylle embrasse cette artificialité. Dès sa scène d’introduction, Henry Cavill, attifé d’un balai-brosse du plus bel effet, traque dans une rue grecque Dua Lipa en cassant sur son passage un maximum de maisons en CGI. Les effets visuels piquent les yeux, mais on serait presque tenté d’y voir (pour une fois) autre chose que de l’incompétence. Vaughn a toujours su utiliser ses VFX avec une inventivité qui transcende leur photoréalisme douteux, notamment dans ses mouvements de caméra improbables.

L'amusement prône sur le reste, et dans un premier temps, on est prêts à embarquer gaiement dans cette fantasmagorie tirée des lignes de Conway. D’ailleurs, Argylle est à son meilleur lors d’une session d’écriture, où la page et les mots de l’autrice se mêlent à la situation représentée, comme si une matrice littéraire se dessinait autour des personnages.

 

Argylle : Henry Cavill, Dua Lipa"I'm levitating"

 

L’argylle aux pieds de colosse

Malheureusement, Vaughn ne réussit jamais à dépasser cette promesse enthousiasmante. Alors que son nouveau-né se donnait des airs de méga-best-of, il montre bien vite les limites d’une formule en bout de course. À force de tourner autour de la notion du mensonge et du faux-semblant inhérent au monde de l’espionnage, le scénario de Jason Fuchs se montre complaisant avec la mise en place de ses éléments, jusqu’à implémenter un fusil de Tchekhov “très” littéral autour du méchant patron de l’Agence (Bryan Cranston, qu’on aurait rêvé plus cabotin).

Argylle ne demande qu’à être décortiqué, à être analysé pour sa structure et son respect inaugural des codes du genre. La différence, elle tient finalement à la volonté d’immersion du réalisateur, qui prônait jusque-là une forme de transition permanente de ses personnages vers un autre monde, à la manière d’un terrier de lapin dont on ne verrait jamais le fond.

 

Argylle : Bryce Dallas Howard, Sam RockwellSam Rockwell, toujours au top dans le registre comique

 

À l’inverse, son film à tiroirs assume dès le départ la présence inévitable d’un twist, qu'il garde dans son chapeau de façon très mécanique. Certes, la révélation est aussi surprenante que plaisante dans la direction empruntée, mais elle réveille trop tardivement la dimension pulp attendue par un tel spectacle.

Il y a donc bien deux films dans Argylle : une première moitié assez pénible dans ses péripéties et ses set-ups scénaristiques, et une seconde, plus fun et libérée. Ce petit aveu d’échec, s’il n’est pas des plus dramatiques, résume cependant notre déception. Plutôt que de miser sur son habituel art de la fusion, Matthew Vaughn se repose sur le motif de la scission, visuelle et narrative. On le constate d’ailleurs par l’effet de style principal du long-métrage : face à ses traumas passés, Elly fantasme le personnage d’Argylle (Cavill), et le mélange avec le véritable espion venu lui sauver la vie (Sam Rockwell). Lors des scènes d’action, chaque transition est bonne pour passer d’un corps à l’autre, au point de lasser malgré l’inventivité de certaines chorégraphies.

 

Argylle : Henry CavillUne artificialité à double détente

 

Quand bien même le réalisateur s’amuse encore avec des morphings improbables et des passages fluides d’une scène à l’autre, l’hétérogénéité de son film l’emporte, et marque les multiples à-coups de sa progression laborieuse. Par extension, l’indulgence technique au profit de la créativité n'est plus aussi évidente, d’autant qu’Argylle plombe régulièrement ses meilleures idées par des effets visuels laids et indigents pour un blockbuster de ce calibre.

Difficile donc d’aborder ce projet bâtard sans être tiraillé par deux extrêmes. Après tout, sans compter son chat trop mignon (du moins quand il n’est pas réalisé en CGI moches), le film possède un charme évident, soutenu par un casting cinq étoiles qui semble s’amuser dans l’artificialité de l’univers vaughnien (Sam Rockwell remporte évidemment la palme dans le domaine, tandis qu’on aurait aimé voir Samuel L. Jackson et John Cena plus présents). Après la dégringolade de la saga Kingsman, on espère juste qu’Argylle ne symbolise pas la chute continue d’un réalisateur sympathique.

 

Argylle : affiche française

Résumé

Narrativement, c’est foutraque. Visuellement, c’est souvent laid, et Matthew Vaughn perd le nord avec son univers d’espions où réel et fiction se mêlent. Reste qu’Argylle réveille par instants les qualités évidentes de son réalisateur, qu’il s’agisse de ses castings inspirés ou de son inventivité en matière d’action.

Autre avis Mathieu Jaborska
La recette Vaughn sent le réchauffé... Mais le copieux plat qu'est Argylle préserve quelques-unes de ses saveurs dans un climax gourmand. Dommage que le classement PG-13 laisse un arrière-goût aussi amer.
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commentaires
Trac
11/03/2024 à 14:27

Matthew Vaughn qui ce caricature ça donne argylle , le film est trop dense , trop de musique, trop de twist , trop de rebondissements tue le rebondissements ça en devient ridicule et des effets spéciaux parfois a la limite du vomissement... Divertissent mais trop lourd et indigeste et puis Bryce Dallas Howard elle a un truc flippant dans son regard elle m'insupporte

Trock
09/03/2024 à 01:22

Plus de deux heures sans temps morts, des tiroirs à foison, au final un divertissement tout-à-fait honorable et digne d'intérêt. Désolé de ne pas partager la majorité des avis négatifs ou au mieux dubitatifs, j'ai bien aimé ce film sans le décortiquer des plombes après visionnage, juste un bon film.

Ozymandias
07/02/2024 à 08:54

@Cylon

J'approuve totalement !

Marc en Rage
04/02/2024 à 14:27

Bon, je vais me concentrer pour faire une Critique de ARGYLLE. Mais sérieux la scnénes ou Elly et l'espoin danse et fight des méchant de la Division ils ont lancé des fumigènes qui balance de la fumé ROSE . SO AMAZING SO BARBIE , Bordel j'ai encore vomi du ROSE, Désolé pour les âme sensible.
ARGYLLE Un NANAR avec du ROSE.

Tonto
02/02/2024 à 09:05

En tous cas, je ne peux que conseiller à tous ceux qui ont été déçus de se tourner vers le roman qui a été publié ! Le récit est soigné, les retournements très maîtriés, rien d'artificiel, et il y a une qualité dans les scènes d'action et la narration qui sont top.
C'est vraiment du Kingsman en sérieux, rien à voir avec la loufoquerie déconcertante du film !

Josunobō
01/02/2024 à 12:01

Pour les personnes qui n'aiment pas le langage utilisé par les journalistes d'Ecran Large, vous pouvez demander à ChatGPT de le simplifier et de vous l'expliquer en termes simples. Ca donne ça pour celui-ci :

"Argylle" est un film d'action et d'espionnage réalisé par Matthew Vaughn. Si tu as déjà vu "X-Men : Le Commencement", "Kick-Ass" ou "Kingsman", tu sais que Vaughn a un style unique. Il aime mélanger différents styles et genres, et il utilise des effets spéciaux pour créer des scènes d'action incroyables.

Dans "Argylle", il adapte un roman écrit par Elly Conway. Le film raconte l'histoire d'Elly Conway (jouée par Bryce Dallas Howard), qui se retrouve poursuivie par de vrais agents secrets à cause de ses livres. C'est un peu comme si ton quotidien normal devenait soudainement une aventure incroyable !

Le film a aussi des acteurs géniaux comme Sam Rockwell et Henry Cavill. Il y a une scène au début où Henry Cavill, habillé avec un balai-brosse, poursuit Dua Lipa dans une rue grecque, en détruisant plein de maisons en CGI sur son passage. Les effets spéciaux sont un peu bizarres, mais ils ajoutent à l'ambiance du film.

En gros, "Argylle" est un film amusant et plein d'action qui te fera voir l'espionnage sous un nouvel angle. Si tu aimes les films d'action et les histoires d'espionnage, tu devrais vraiment le voir !

Geoffrey Crété - Rédaction
01/02/2024 à 10:17

@Cylon

Merci d'avoir pris le temps d'écrire ce message ! Et merci de nous suivre fidèlement, même en silence :)

Cylon
01/02/2024 à 02:48

@Geoffrey Crété : "Ce qui vous déplaît peut plaire à votre voisin, donc on va simplement continuer à faire de notre mieux !"

Bonjour, je suis le voisin, parce que ça me plaît ce que vous faites. C'est pour ça que je viens tous les jours silencieusement lire vos critiques construites, argumentées, bien rédigées, agréables et souvent amusantes. Et j'écris pour une fois, car je trouve que vous avez une patience et un courage admirables pour supporter et chercher à répondre aux mécontents qui peuplent notre triste époque. MERCI, continuez !

Grand fan de Vaughn (Kick Ass et Kingsman sont dans mes films préférés des années 2010, et Stardust est une masterclass très sous-estimée), je verrai cet Argylle, même avec un œil refroidit et méfiant suite à ces réserves.

Run run run
01/02/2024 à 00:32

Un blockbuster con comme ses pieds que même Antoine Desrues ne défend pas ? Fuyez, pauvres fous...

zetagundam
31/01/2024 à 23:14

J'espère que le film n'est pas au niveau de la bande-annonce parce sinon le résultat ne doit pas être glorieux

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