Amelia’s Children : critique d'un Blanche-Neige (pas très) familial
Amelia’s Children est un film d’horreur portugais, second long-métrage de Gabriel Abrantes qui avait auparavant réalisé Diamantino en 2018 et de nombreux courts-métrages. Dans ce nouveau film, le scénariste et metteur en scène raconte l’histoire d’Edward et Riley (Carloto Cotta et Brigette Lundy-Paine), un couple de jeunes Américains invités à rencontrer la mère et le frère jumeau dont Edward a été séparé à la naissance. Une proposition un peu trop classique et imparfaite, mais aux bonnes idées indéniables qui lui a valu le prix du Jury à Gerardmer 2024.
children of no revolution
Pour ce premier pas dans l’épouvante format long-métrage, Gabriel Abrantes a joué la sécurité, et notamment au niveau de l’écriture. Si des influences comme celle de Bayona ou Plaza se font sentir, c’est le côté trop “déjà vu” qui prend souvent le dessus au scénario. Ce qui n’empêche pas, cela dit, que les bases du récit classique d’épouvante soient maîtrisées : en effet, si la scène d’introduction fait un effet tiède, la première partie du film qui présente le couple et leur recherche du passé d’Edward est efficace.
Pas de surprises, mais des personnages auxquels le spectateur s’identifie sans mal et une l’histoire dans laquelle il se laisse volontiers embarquer, grâce à un postulat intrigant. Qu’est-ce qu’Edward va découvrir en rencontrant sa mère et son frère jumeau pour la première fois, dans un pays dont il ne sait rien ? Comment Riley va-t-elle s’accommoder de sa nouvelle et étrange belle-famille ? Oui, les grandes lignes de l’histoire sont (très) prévisibles, mais grâce à un rythme équilibré et une mise en scène solide, elles se suivent sans déplaisir.
Cela dit, le premier tiers du film passé, un certain ventre mou s’installe. Aussi bien dans le rythme que dans la manière dont s’enchaînent les éléments trop téléphonés. Une nouvelle occasion de rappeler, d’ailleurs, que le trope “petit copain qui refuse de croire sa compagne quand elle lui prouve par A+B qu’ils sont en danger” devrait être officiellement interdit dans les séries B d’horreur à partir de maintenant (et même à partir d’il y a dix ans).
Pour conclure une accumulation de plus en plus maladroite de motifs galvaudés (même Abuela de Paco Plaza est original, à côté, dans sa manière d'utiliser le cliché de la peur de vieillir chez les femmes comme menace horrifique), la fin du film est un peu frustrante dans le sens où elle parvient à être confuse tout en étant simpliste. Ce n’est donc pas tellement dans son histoire ou dans sa narration qu’Amelia’s Children se démarque, mais il y a heureusement d’autres choses à retenir.
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La bonne came-lia
Notamment, la découverte de la fameuse mère cachée d’Edward et de son jumeau parvient à créer le malaise. Petit à petit, ce personnage étrange (et défiguré par la chirurgie esthétique) se change de figure vulnérable à ombre menaçante et lubrique. Là encore, rien de bien nouveau sous le soleil, mais Amelia’s Children ressert ses clichés avec un certain talent. C’est encore plus vrai pour les séquences dévoilant petit à petit la présence d’un cinquième être dissimulé dans la maison, au cours desquelles le spectateur est amené jusqu’au plaisir d'une véritable flippe. Seul regret : que le film n’aille pas plus loin dans cette sous-intrigue et ne se contente que de deux ou trois courtes scènes pour l’exploiter.
L’autre atout évident du film est évidemment Brigette Lundy-Paine, interprète de Riley, véritable personnage central du film. Avec son charisme et sa justesse, l’interprète parvient à donner de l’épaisseur à un rôle qui aurait pu avoir du mal à se démarquer de l’éternelle héroïne-copine de film d’horreur qui garde les pieds sur terre et se bat tandis que son jules se fait embobiner par les forces du mal.
Une histoire complètement marteau
Sa présence fait la différence et Amelia’s Children a le mérite de montrer que Lundy-Paine fait partie des jeunes talents à surveiller de près. Grâce à iel, on en oublie presque le look un peu ridicule de la version dark d’Edward (le jumeau à la perruque longue et à l’accent exotique) et les ressorts assez misogynes sur les bords de la marâtre maléfique et perverse, de l’âgisme et de la chirurgie monstrueuse.
Pour finir, il faut aussi souligner le choix des décors, qui vont plus loin que de miser sur le manoir abandonné : la bâtisse dans laquelle se passe l’histoire est baroque par endroits mais froide et bétonnée par d’autres, et est autant filmée de jour que de nuit. Cette utilisation d’un environnement pas si interchangeable participe à donner au film une certaine personnalité. Et il faut le reconnaître : sans être ni un chef-d'œuvre ni une révolution dans son genre, tant s’en faut, Amelia’s Children tente de belles choses dans le carcan qu’il s’impose, et elles valent bien un petit coup d’œil.
Lecteurs
(3.3)31/01/2024 à 13:15
Tiens, Écran large censure les critiques sur l'utilisation fautive de la langue française par la rédactrice. C'est une attitude très saine, évidemment.
31/01/2024 à 09:21
Un de mes films préférés du festival de Gérardmer.
Je trouve que le look du frère d'Edward excellent, son côté grotesque et ridicule fonctionne du tonnerre, et ce mélange de manière général dans le film également. Riley est un super personne très bien interprété.