Chicken Run : La menace nuggets - critique qui marche sur des œufs sur Netflix

Mathieu Jaborska | 15 décembre 2023
Mathieu Jaborska | 15 décembre 2023

Les origines de la vague de conversion au végétarisme et au véganisme qui a frappé la génération née dans les années 1990 sont très débattues. Mais nous, on sait qu'elle est due à la sortie en 2000 de Chicken Run, génial remake de La Grande Évasion avec des poulets signée Aardman. En 2023, le film de Nick Park et Peter Lord a droit à sa suite sur Netflix, intitulée Chicken Run : La menace nuggets et réalisé cette fois par Sam Fell. Suite qui pourrait faire passer le goût de la volaille en chapelure à une toute nouvelle tranche d'âge.

Poules élevées en plein air

Certes, la production d'une suite de Chicken Run rentre dans la politique d'acquisition de franchises de Netflix et se doit de renflouer les caisses d'Aardman après la petite déception de Shaun le mouton 2, mais surtout l'échec au box-office du pourtant sympathique Cro-man. Toutefois, ce retour aux sources va quand même de soi dans un monde où les réseaux sociaux ont sensibilisé des portions non négligeables de population aux conditions affreuses d'élevage en batterie.

La menace nuggets ne pouvait donc plus se contenter de répéter la formule, même si à première vue, il utilise un schéma de suite classique. Ginger et Rocky ont bien eu, comme ils disent, leur "happy ending". Ils vivent dans un havre de paix, où ils donnent naissance à une poulette avide d'aventure (doublée par Bella Ramsey). Eux qui avaient tout fait pour s'échapper, ils se retrouvent à priver leur fille de liberté. Un récit simple (comme souvent chez Aardman), mais logique : tôt ou tard, les évadés allaient forcément devoir recroiser la route de l'Homme, et c'est un type d'élevage bien différent qui va bien évidemment enlever la jeune Molly à ses vétérans de parents.

 

Chicken Run: Dawn of the Nugget : photoQui de la poule ou de l'oeuf ?

 

Le film aurait pu mettre en scène l'élevage intensif pour rattraper l'air du temps, mais il préfère se moquer des promesses absurdes – et hypocrites – des industriels les plus vicieux, qui garantissent à coups de labels douteux et de démonstrations technologiques absurdes le bien-être artificiel des poulets qu'ils vont transformer en nuggets. Et ce non pas pour améliorer leurs conditions de vie... mais bien pour attendrir la viande. Le scénario de Karey Kirkpatrick, John O'Farrell et Rachel Tunnard enchaine les piques envers différents maillons du mensonge de l'industrie, de la promotion si savamment utopique qu'elle va jusqu'à convaincre les poulets eux-mêmes aux expérimentations des géants du fast-food.

Une actualisation des thèmes du premier volet d'autant plus maligne qu'elle permet à Aardman d'éviter sa tonalité hyper sombre, qui aurait difficilement sa place sur la plateforme. Certains regretteront de ne plus pouvoir traumatiser leurs gosses comme eux-mêmes avaient été traumatisés par la cruauté de l'horrible Madame Tweedy (par ailleurs également de retour). Reste que l'ambiance dystopique qui prévaut désormais est particulièrement adaptée à l'ère de la communication de masse, lavant le cerveau des poulets... et des consommateurs.

 

Chicken Run : La Menace nuggets : photoUn lundi au siège de KFC

 

Protocole fantoche

Outre son contexte et ses thématiques plus morbides que la moyenne, Chicken Run premier du nom était surtout, en tant que long-métrage inaugural des rois de la pâte à modeler (en collaboration avec DreamWorks à l'époque), un étalage d'inventivité et d'humour anglais parfaitement dosé, qui avait convaincu un très large public (dont l'auteur de ces lignes) de la beauté de la stop-motion. Grâce à son pitch et surtout à son superbe décor d'élevage ultra-moderne digne d'un repaire de méchant bondien, La menace nuggets se hisse presque à sa hauteur.

"L’idée centrale s’est vite résumée à un concept : le premier était un film d’évasion, celui-là allait être un film de casse", résumait le nouveau réalisateur Sam Fell, déjà auteur du génial Paranorman pour Laika, à nos confrères de Première. Et en effet, cette intrigue enfantine permet au cinéaste et à ses scénaristes de retourner le concept : plus question de s'exfiltrer, mais de s'infiltrer. De quoi renouveler les gags, mais surtout les références.

 

Chicken Run : La Menace nuggets : photoTom Crête

 

Chicken Run parodiait La Grande Évasion. Sa suite parodie de toute évidence les Mission : Impossible, le compositeur Harry Gregson-Williams allant jusqu'à reprendre plus ou moins explicitement le célèbre thème de Lalo Schifrin. Quant à Rocky, doublé non plus par Mel Gibson mais par Zachary Levi, il ne se prend plus pour Steve McQueen, mais pour Tom Cruise. Ce running gag, très adapté au pastiche des nouvelles technologies de l'industrie alimentaire, fait mouche. Enchainant les séquences techniquement impressionnantes (certains plans contiennent plusieurs dizaines de personnages en mouvement) et les idées visuelles brillantes, le film se réapproprie le meilleur de la saga de blockbusters et de ses héritiers.

Car en fin de compte, comme le brillant fusil de Tchekov central – du popcorn – le sous-entend, c'est bien une forme de divertissement intelligente que vise Aardman, figée quelque part entre une réalité peu reluisante et les cascades surréalistes du cinéma hollywoodien le plus déconnecté. Le studio avait un peu dévié de cette position dans le néanmoins amusant Shaun le Mouton 2. En revenant à son premier succès au cinéma, il retrouve définitivement sa place : celle du roi de la stop-motion.

Chicken Run : La menace nuggets est disponible depuis le 15 décembre 2023 sur Netflix.

 

Chicken Run : La Menace nuggets : Affiche US

Résumé

En retournant l'idée du premier volet et en actualisant sa vision de l'élevage industriel, Aardman signe l'un de ses longs-métrages les plus divertissants et reste en poule position dans le coeur des amateurs de stop-motion.

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Lecteurs

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commentaires
Eusebio
23/01/2024 à 09:31

Je vous trouve aussi très indulgents dans votre article... Certes, la réalisation est impeccable et c'est un régal de maîtrise du stop-motion.
Mais niveau scénario, ça ne va quand même pas chercher bien loin... Dans le premier il y avait plusieurs couches d'intrigues : l'évasion, le mensonge de Rocky, la scène dans la machine, l'entraînement des poules... Ici on suit une ligne droite toute tracée depuis les premières minutes, et il n'y a aucun effet de surprise (si ce n'est de temps en temps de saisir la ref).
Quant aux voix, c'est extrêmement décevant de ne pas retrouver l'énergie des voix originelles. Thandiwe Newton fait le minimum syndical et n'insuffle aucune énergie à Ginger. Faut le faire !
Petite déception pour ma part.

ThisisSparta
01/01/2024 à 12:08

Un bijou, ce film est une merveille de travail et de patience, d'une inventivité rare, et plutot bien rythmée.

bof
19/12/2023 à 02:31

@Demoiselle_Lili
Il n'est pas interdit de réfléchir 30 secondes (ou de s'informer) avant de poster une énormité.

Princesse entre parenthèses happy
18/12/2023 à 17:27

Coucou

BATMALIEN
16/12/2023 à 17:19

Hâte de voir ce que ça donne !

"poule position" :)

GTB
16/12/2023 à 17:08

@Demoiselle_Lili > Vous parlez de quel making of? Celui où on voit les décors, les personnages et les animations manuelles ? Ce n'est pas parce qu'ils utilisent des logiciels que ça devient miraculeusement de la CGI. Donc oui, effectivement regardez les making of pour constater toutes les animations à la main, robotique et la mise en place des décors.

Demoiselle_Lili
16/12/2023 à 14:28

"celle du roi de la stop-motion" : LOL, le film est entièrement en images de synthèse, les gars ! Regardez le Making-Of, ils ont même créé un logiciel pour imiter le stop-motion.

Pseudo2
16/12/2023 à 10:10

Je vous trouve très indulgent : le film a d'énormes problèmes de rythme et surtout, après si longtemps, il reste tristement anecdotique.

Poulet
15/12/2023 à 20:45

J’étais très excité à l’idée de cette suite… mais sans les voix françaises d’origine…

Flash
15/12/2023 à 18:45

C’est génial Chicken run ! Je vais regarder avec plaisir.

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