Nowhere : critique qui veut enterrer Les Fils de l'homme sur Netflix

Ange Beuque | 4 octobre 2023 - MAJ : 04/10/2023 14:21
Ange Beuque | 4 octobre 2023 - MAJ : 04/10/2023 14:21

Anna Castillo (Un conte parfait) réussit le grand bingo de la lose dans Nowhere, réalisé par Albert Pintó : traquée par un régime autoritaire, clandestine, enceinte, séparée de son compagnon (Tamar Novas) et finalement livrée à elle-même dans un container flottant à la surface de l'océan. Également à l’œuvre sur 47 Meters Down et sa suite, Ernest Riera co-scénarise un nouveau cauchemar d'enfermement conceptuel dans la lignée de Buried, à découvrir sur Netflix.

Le Buried besogneux

La cage claustrophobe de Buried avec l'eau en lieu et place de la poussière qui s'infiltre, le cadre aquatique de 47 Meters Down, l'héroïne contrainte de s'émanciper comme dans Gravity... pour donner corps à son high concept survivaliste, Nowhere pioche allègrement dans ses modèles. Reste que les scénaristes redoublent d'inventivité pour imaginer de nouveaux pièges : ce container à la dérive ménage un peu d'originalité en induisant des problématiques qui lui sont propres.

Sauf que le film retarde l'exploration de son postulat, avec une première partie dystopique dans une Espagne confrontée à une grave pénurie de ressources. Le renversement des vulnérabilités et la recomposition géopolitique sont habiles (les migrants, ce ne sont pas forcément "les autres") et génèrent une certaine puissance symbolique, avec ce container qui objectifie l'humain mondialisé.

 

Nowhere : photoProchainement à l'affiche, le maladroit enfermé en soute dans sa valise

 

Si le choix de mettre en exergue l'insoutenable réalité des migrants clandestins est plus pertinent que jamais, difficile de trancher entre intention louable ou opportunisme tant ces éléments de contexte sont traités sans finesse. Sur le thème de la maternité traquée, Les Fils de l'homme se montrait infiniment plus percutant.

Le plan-séquence inaugural est plutôt immersif, mais les méchants hyper caricaturaux et leurs costumes cheapos laissent clairement penser que Nowhere aurait pu entrer directement dans le vif de son sujet et se cantonner au hors-champ économe que son concept appelait.

 

Nowhere : photoNothing, nowhere, all at once

 

outrance et outrages d'une héroïne

C'est lorsqu'il assume sa promesse survivaliste que le film donne son plein potentiel de série B pas finaude, mais extrêmement divertissante. Certes, Nowhere fausse un peu le contrat, en laissant entre les mains de son héroïne quelques outils bien commodes (perceuse, conserves, batteries...). Il évite au moins la facilité du flashback... mais pas celle de l'hallucination, si pratique pour générer un arc rédempteur lourdingue à peu de frais.

Le réalisateur s'empare avec gourmandise de son postulat, quitte à en faire des caisses sur le mélo ou les épreuves traversées. Anna Castillo donne de sa personne dans un calvaire jalonné de moments épiques, capturés de manière extrêmement frontale.

 

Nowhere : photoPerdre les eaux dans une telle situation, ça ne manque pas d'ironie

 

La scène très graphique de l'accouchement reste en mémoire, avec ce plan frappadingue de bébé expulsé façon torpille sous-marine. Les férus de parturientes sans artifice apprécieront. À ce sujet, l'exposition sans fard du corps de l'actrice interroge : volonté de représentativité sans fausse pudeur des trivialités féminines ou attrait calculé pour le photogramme sensationnaliste ? Le spectateur se fera son opinion.

Le rythme de la traversée ne retombe jamais, au point de passer en quelques minutes d'une jeune femme apeurée à une survivaliste hardcore, fille illégitime de MacGyver et Rambo aux lèvres constamment perlées de sang. Jusqu'à son dernier acte, Nowhere ne se refuse pas grand-chose, et c'est pour cette raison qu'on le savoure.

Nowhere est disponible sur Netflix depuis le 29 septembre 2023.

 

Nowhere : Affiche anglaise

Résumé

Alors que son high concept d'enfermement l'incitait à jouer au maximum sur la suggestion, Nowhere en montre sans doute trop pour son propre bien, mais sa générosité et ses outrances de série B le rendent éminemment divertissant.

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Lecteurs

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commentaires
Bob
27/12/2023 à 11:23

Un mièvre salmigondis de clichés de survivalistes.
Le film n'a jamais trop l'air de savoir où il va, et se permet d'outrepasser les règles de la physique, sur laquelle est tout de même censée reposer la tension.
On termine avec la secouriste la plus indécise de l'histoire du cinéma, qui vient poser la cerise incohérente sur le gâteau du ridicule.

Bob
08/10/2023 à 15:53

@dams50 :
C'est Neverwhere... ;)

Alex styles 77
08/10/2023 à 12:33

Franchement très réussie cette série b. Alors oui c'est too much et outrancier mais dans le sens généreux du terme, perso je valide. J'ai même naïvement céder au côté émotion. Je conseille.

dams50
04/10/2023 à 21:01

déception ; j'espérais au titre une adaptation du Nowhere de Gaiman

Sigi
04/10/2023 à 16:01

C'est extrêmement mauvais. Manichéen à outrance.
Et oui Pseudo1, la scène est entièrement reprise de Gibson (en 1000 fois moins bien foutue, tu l'auras deviné).

Pseudo1
04/10/2023 à 14:06

J'ai pas vu Nowhere, mais concernant votre critique et le plan d'accouchement, ça me fait penser direct à la scène similaire dans Apocalypto...

Sinon le concept du film me rappelle aussi All is Lost (pour le côté maritime).

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