Sakra - La Légende des demi-dieux : critique d’un sacré Donnie Yen

Antoine Desrues | 21 septembre 2023
Antoine Desrues | 21 septembre 2023

De Rogue One à John Wick 4Donnie Yen est maintenant une star internationale, qui trouve la place qui lui revient dans les blockbusters américains. Néanmoins, l’acteur et artiste martial n’en oublie pas Hong-Kong, ou du moins ce qu’il reste du cinéma local. Sakra - La Légende des demi-dieux, qu’il réalise également, lui permet de revenir à du wu xia pian bien nerveux et épique.

Le film est disponible en DVD, Blu-ray et VOD depuis le 20 septembre.

Hong-Kong, mon amour

Avec ses cheveux au vent, sa moue boudeuse d’adolescent et son maquillage très marqué pour cacher ses rides, Donnie Yen veut clairement prouver avec Sakra qu’il a encore 40 ans, alors qu’il approche des 60. Autant dire qu’on n’est pas dupes, et que la posture jeuniste de la star hongkongaise prête à sourire pendant une bonne partie de son nouveau long-métrage en tant que réalisateur.

Pour autant, il y a dans cette naïveté quelque chose de touchant, en accord avec la foi inébranlable de l’acteur dans le pouvoir du septième art. Ou plus particulièrement, dans le pouvoir du cinéma hongkongais à l’ancienne, de ses expérimentations stylistiques assumées, de ses raccords viscéraux, et de son découpage virtuose, capable de précipiter ou de dilater le temps.

La suspension consentie d’incrédulité est étroitement liée à celle des mouvements et des corps, soutenus par l’irréalisme d’une mise en scène qui s’attarde en priorité sur des sensations, des réactions, et la manière de les retranscrire les plus efficacement au spectateur.

 

Sakra : Photo Donnie YenTai-Chi Master

 

Sur ce point, la première scène d’action de Sakra est une note d’intention claire : nous voilà dans un pur wu xia pian, avec ses mouvements de caméra improbables, ses inserts précis sur des gestes et bien sûr, ses acteurs câblés. La modernité de l’approche tient ici à la présence d’éléments numériques (des pouvoirs magiques) venant contraster avec les prouesses martiales de Donnie Yen et de son équipe de cascadeurs.

Adapté du roman Demi-Gods and Semi-Devils de Jin Yong, le film revient à du blockbuster en costumes épique et ampoulé, où Donnie Yen s’octroie le beau rôle de Qiao Feng, un chef de clan respecté au sein d’un gang de brigands. Mais le voilà accusé à tort d’un meurtre au même moment où ses origines sont remises en question.

 

Sakra : Photo Donnie YenC'est l'heure de pleurer, Donnie

 

Bien décidé à prouver son innocence, le bougre se retrouve embarqué dans un complot assez confus, où gravitent pelletée d’événements tragiques et de personnages aux motivations floues. Pour le formuler simplement, Sakra ne brille pas pour la simplicité de son intrigue, inutilement plombée par des séquences de dialogue imbitables et un sens du mélo très appuyé. Donnie Yen prend très au sérieux son histoire – au demeurant assez manichéenne – mais il en assume justement la dimension romanesque et romantique, avec une absence de cynisme presque déconcertante.

Les rituels et autres traditions de cette Chine du Xe siècle sont abordés sans aucune ellipse, notamment lors d’une séquence de partage d’alcool, qui promeut sa répétitivité comme reflet d’un monde s'écroulant de façon inexorable autour de son personnage. Cette générosité presque boulimique se retrouve heureusement dans les séquences d’action.

 

Sakra : Photo Donnie YenPour quelques Yen de plus

 

Le Yen intrépide

Même si elles ne sont pas si nombreuses, Donnie Yen profite de chaque set-piece pour étirer au maximum leurs possibilités scénographiques. Au-delà d’un final qui renvoie aux grandes heures de Tsui Hark et de Yuen Woo-Ping, on retiendra surtout le grand morceau de bravoure qui conclut le premier tiers du film. Qiao Feng y affronte une quantité vertigineuse d’adversaires dans un temple, autour d’une grande table qui sert de référent spatial pendant tout le combat.

Malgré le chaos ambiant, la clarté du découpage impressionne autant que la créativité chorégraphique qui réveille ce plaisir si galvanisant d'une fluidité de mouvements surhumaine. Comme souvent avec Donnie Yen, ce dynamisme s’affranchit d’un maximum de barrières, comme si la caméra arpentait un monde plus spirituel que physique. On en veut pour preuve ce plan aussi malin que jouissif où l’objectif suit dans un travelling une tête s’écraser dans une table, jusqu’à passer sous l’objet en même temps que le pauvre occiput.

 

Sakra : Photo Donnie YenAttention, ça va piquer

 

Et rien que pour ça, on a envie de pardonner à Sakra ses errances, tant son énergie se réfère à celle, communicative, des classiques du cinéma HK. À l’heure où ce dernier a été plus ou moins enterré à la suite de la Rétrocession, repris en main par une industrie chinoise plus contrôlée et nationaliste, Donnie Yen cherche avec une pointe de mélancolie à en raviver la flamme par du wu xia carré.

Cependant, à l’instar de son héros qui court en vain après son passé, l’acteur et réalisateur semble se mettre en scène au cœur d’une période révolue, qui n’a pour elle que le souvenir de son âge d’or. On pourra même y voir la raison qui pousse la star à se rajeunir à l’écran : il a sans doute conscience d’être le dernier vétéran d’un héritage porté par Jackie Chan. Mais contrairement à son illustre modèle, Donnie Yen est sans doute né un peu trop tard, ou alors a-t-il connu un succès d’estime trop tardif pour pleinement profiter de ce temps béni. Lui n’a connu que la course contre-la-montre vers les années 2000 et le lissage progressif de leurs productions, malgré quelques coups d’éclat (Ip Man, SPL).

Quoi que dise officiellement le comédien, qui jouit à l’heure actuelle de sa célébrité à l’internationale et d’un discours très sage concernant le Comité Central, Sakra porte la frustration nostalgique d’une certaine idée de cinéma, dont son auteur essaie de rappeler en permanence la valeur.

 

Sakra - la Légende des demi-dieux : photo

Résumé

Donnie Yen se prend les pieds dans le tapis lorsqu’il essaie de développer son récit pataud, mais réveille par ses scènes d’action toute la maîtrise et la virtuosité du cinéma HK à l’ancienne.

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Lecteurs

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commentaires
Marielle Lapin
24/12/2023 à 19:32

Ce film c'est du n'importe quoi, il y avait du LSD sur le plateau ou quoi ?
Donniez Yen est bouffi, shooté à la cortisone, encore un film à regarder alcoolisé pour rire une partie de la nuit !

Rico 74
24/09/2023 à 02:11

Film que j'ai bien apprécié. J'aime beaucoup ce genre, dommage qu'il en arrive si peu chez nous...

Shrebubo
23/09/2023 à 13:03

Des supers combats mais une histoire incompréhensible.
G décroché à la moitié du film pour le regarder comme on regarde un film de boules ... des avances rapides jusqu'au scène de combat.

Cidjay
21/09/2023 à 19:29

@Kyle Reese : haha oui j'en ai bien l'impression !
si ils pouvaient faire la même pour Tigre et dragon !

Deelve
17/05/2023 à 11:09

Quel deception, c'est trop long, l'histoire n'a aucun sens, les effets speciaux sont ratés.

Fox
14/05/2023 à 14:07

@La Rédaction

Je me suis posé la question dès le début concernant le maquillage (numérique ?) de Donnie Yen pendant tout le film.
D'un côté, j'ai pensé comme vous : tel un Tom Cruise qui n'assume pas vraiment son âge, il fait tout pour paraître bien plus jeune, au risque que ça se voit carrément (trop).

ATTENTION SPOILERS (pour ceux qui n'auraient pas vu le film)

D'un autre côté, s'il n'était pas maquillé, ça n'aurait pas collé avec l'âge du personnage et de la chronologie de l'histoire : Qiao Feng n'est pas si vieux que ça dans le récit (quand on réfléchit un peu au temps qui s'est écoulé entre sa jeunesse et le présent). Donc il fallait le rendre moins vieux, inévitablement. Ce qui devait en plus trancher avec le Donnie Yen "vieux" de la fin qui joue son père (là, pour le coup, il n'y a plus de maquillage et ça fait sens).

FIN SPOILERS

Ceci dit, je rejoins la rédaction : l'intrigue devient très confuse dans sa 2e moitié et ce de manière totalement inutile. On s'est d'ailleurs regardés avec ma femme en se disant : "Il manque des scènes là, non ?"
Mais le film est généreux et ça fait du bien de voir un peu de Chine (ou HK) par chez nous !

Bleh
11/05/2023 à 18:41

Étonnant que ça arrive à sortir en salles chez nous, mais on va pas bouder notre plaisir.

Kyle Reese
10/05/2023 à 13:00

Donc faudrait une version courte director's cut pour bien en profiter.

Leepifer
10/05/2023 à 11:42

D'autres films devraient suivre pour en faire une belle saga.

Leepifer
10/05/2023 à 11:40

Ne pas bouder son plaisir et à voir sur grand écran. Bon moment de cinéma évasif assuré.

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