John Wick 4 : critique d'un Keanu Reeves létal

Déborah Lechner | 22 mars 2023 - MAJ : 04/04/2023 17:08
Déborah Lechner | 22 mars 2023 - MAJ : 04/04/2023 17:08

Après avoir vengé son chien dans le premier John Wick, avoir été excommunié dans John Wick 2, puis pris en chasse par des dizaines de tueurs à gages dans John Wick : Parabellum, la machine de guerre campée par Keanu Reeves a rechargé ses armes. A l'occasion, l'acteur a enfilé son plus beau costume en kevlar pour renverser La Grande Table et régler le problème de surpopulation mondiale dans John Wick : Chapitre 4.

Attention : légers spoilers !

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Après un John Wick 3 impressionnant sur le plan technique, mais rébarbatif sur le plan narratif, John Wick 4 se devait de frapper encore plus fort tout en remettant de l'ordre dans la mythologie défaillante de l'univers. Concernant le premier point, comme espéré au vu du casting démentiel (d'autres diraient carrément orgasmique), l'action est plus spectaculaire et démesurée que dans les précédents volets.

 

 

Si elles se comptaient sur les doigts de la main et se dégustaient comme des mets fins au début de la saga, les scènes de bastons et de fusillades de ce nouvel opus sont beaucoup plus nombreuses, plus longues et plus harrassantes, avec plus de beignes, plus de cadavres, plus de coups de feu, plus d'armes, plus de bagnoles désossées, plus d'adrénaline par procuration. Bref, plus de tout.

Avec une durée de presque 2h50, ce quatrième volet est sans conteste le plus généreux de la franchise, mais aussi un des plus inventifs et diversifiés dans la mise en scène (mention spéciale pour la course-poursuite délirante sur le rond-point de l'Arc de triomphe et l'ascension périlleuse et comique de la Butte Montmartre).

 

John Wick : Chapitre 4 : photo, Keanu ReevesQu'est-ce qui est plus dangeureux que John Wick ? John Wick avec un nunchaku

Les chorégraphies qui croisent différents styles de combats sont également plus ambitieuses et malines, notamment celles pensées spécifiquement pour l'assassin aveugle de Donnie Yen (plus convaincant encore que dans Rogue One : A Star Wars Story), pour le parrain du crime joué par un Scott Adkins ventripotent (qui plie en quatre les préjugés du public), et pour la Concierge énervée incarnée par la star Rina Sawayama (bluffante pour ses débuts au cinéma). 

Plus globalement, ce dernier volet a tout d'un best-of de la saga, celui-ci reprenant plusieurs motifs phares dans une logique d'autocitation autant que d'identification : la bagarre en boîte de nuit sur une musique électro (qui va jusqu'à reprendre des morceaux du premier film), la bagarre dans une pièce remplie de vitres et autres surfaces morcelables (idéales pour faire passer les figurants à travers), sans oublier le fidèle toutou, la saga John Wick étant encore plus dog-friendly que Beethoven ou Air Bud

 

John Wick : Chapitre 4 : Photo Donnie YenDonnie Yen qui pète la classe et des gueules

 

Cependant, s'il se permet quelques démonstrations de style aguicheuses et accentue son identité visuelle avec une triple (over)dose de néons et de flashs lumineux, John Wick 4 n'échappe pas à quelques redites et impressions de déjà-vu lassantes, que ce soit certains décors et situations confondables ou le personnage raté de Bill Skarsgård. Le Marquis et émissaire à La Grande Table s'avère être un antagoniste ennuyeux, qui n'est qu'une déclinaison du chef de la Camorra joué par Riccardo Scamarcio dans John Wick 2. Tout aussi riche, influent, bien habillé, sadique, premier-degré et oubliable.

Les vétérans de la franchise, Winston (Ian McShane) et Bowery (Laurence Fishburne), s'ils font partie du puzzle, ont quant à eux du mal à réaffirmer leur place et leur rôle au sein d'un récit qui ne cache même plus son désintérêt pour eux. Il en va de même pour quelques nouveaux personnages tertiaires, à l'image du messager de Clancy Brown qui sert uniquement à faire de l'exposition et à ajouter un autre chouette nom au générique. 

 

John Wick : Chapitre 4 : photo, Ian McShane, Bill SkarsgårdUn film riche qui aime le gras

 

LE TOUR DU MONDE 

Depuis John Wick 2, l'univers mafieux s'est considérablement étendu, ne serait-ce qu'avec l'introduction de La Grande Table. Pour continuer de cartographier l'univers et lui donner plus d'ampleur, John Wick joue davantage les globe-trotters dans ce quatrième film, enchaînant les voyages au Japon, en Allemagne, en Jordanie et en France. Ces escales sont l'occasion de chapitrer et donc de rythmer le film (qui évite le ventre mou de Parabellum), mais aussi de décupler le pouvoir et l'omniprésence de l'organisation criminelle pour faire basculer la saga dans une autre dimension.

Le Trocadéro privatisé, la Tour Eiffel qui sert de QG à la pègre, l'arrêt de métro Porte des Lilas redécoré façon étal d'antiquaire, les rues de grandes capitales entièrement vides, l'inexistence de la police... Plus que jamais, le film grossit le trait de l'invraissemblance dans une démarche jusqu'au-boutiste qui aurait pu virer au risible, mais braque finalement les projecteurs sur une donnée à peine assumée jusqu'ici : le monde volontairement factice de John Wick appartient aux criminels, et aux criminels seulement.

 

John Wick : Chapitre 4 : photo, Ian McShane, Keanu Reeves, Laurence FishburneEncore de la faute de Valérie Pécresse ça

 

Les citoyens lambdas se contentent de remplir le cadre ou de le vider selon les besoins de la narration. Ils servent occasionnellelment de boucliers, de camouflage ou d'armes par destination quand ils sont en voiture, mais n'ont aucune existence à part entière, la franchise ne s'étant jamais intéressée à un seul d'entre eux. 

Les tueurs à gages et toutes les personnes qui gravitent autour n'ont donc rien de secret ou de réellement clandestin. Ils ont ouvertement pris possession des lieux publics et se sont appropriés le patrimoine mondial. Les nouveaux personnages soulignent également l'impossibilité des assassins de mener une vie normale et de fonder une (vraie) famille : John n'a pas pu vivre avec sa femme, et son cancer n'a fait qu'avancer l'échéance, tout comme Caine n'a pas pu vivre avec sa fille ni Sofia (le personnage d'Halle Berry) avec la sienne. Une barrière se dresse depuis le premier opus entre la vie de criminel et la vie civile, les multiples anti-héros, Wick compris, n'ayant aucune possibilité de réhabilitation ou de rédemption

 

John Wick : Chapitre 4 : photoPlus c'est gros, plus ça passe

 

FLIP THE TABLE 

Cette idée d'une délivrance impossible se retrouvait dès la bande-annonce qui l'a clairement annoncé : ce quatrième film marque le point de non-retour pour le protagoniste. Les rôles sont cependant inversés par rapport à Parabellum, John n'étant plus en cavale, mais en chasse (comme le confirme peu subtilement la scène d'ouverture). Ce nouveau changement dans le rapport de force renvoie ainsi au premier volet de la franchise et amplifie son aspect cyclique, qui renvoie lui-même à la vie de Wick et au cercle vicieux qu'il ne sera jamais capable de briser. 

Depuis le départ, le Babayaga est un mort-vivant condamné à errer sans raison de vivre ni de mourir. Dans Parabellum,  le Grand Maître lui dit qu'il n'a jamais vu un homme se battre autant pour finir au point de départ, et John Wick 4 approfondit cette notion de désespoir, de pari perdu d'avance et de mission kamikaze. John Wick tourne en rond, il est dans une impasse, métaphoriquement mort depuis le premier film et ne fait depuis que fuir face à l'inévitable (Néo, John Wick, même combat). 

 

John Wick : Chapitre 4 : photo, Keanu ReevesEn route pour aller nulle part

 

Le scénario a également la bonne idée de ne pas s'enliser dans sa mythologie foireuse, d'assumer le fait que John ne pourra jamais vaincre La Grande Table, celle-ci n'étant qu'un écran de fumée, une idée abstraite dont on n'aura jamais de vision d'ensemble, ni de réponse claire quant à son fonctionnement, son histoire ou les visages qui la composent. Telle une hydre, chaque tête tranchée en fait pousser deux autres. Chaque membre est remplaçable et donc dans un sens immortel, à l'image du Grand Maître, qui n'est plus campé par Saïd Taghmaoui et dont la figure toute puissante est désacralisée en moins d'une minute. 

La fin poursuit dans cette voie à contre-sens, avec un anti-climax inattendu, un duel noble et protocolaire, sans volonté de finir en apothéose, mais au contraire de revenir au pathos et à la mélancolie sur lesquels la saga a débuté. La boucle n'est pas bouclée, mais John Wick peut enfin déposer les armes, définitivement, après ce qui se rapproche le plus d'un happy-end pour lui (et le public).

 

John Wick : Chapitre 4 : affiche française

Résumé

En plus d'être plus grand et plus fou, John Wick 4 a la bonne idée de faire Table rase de sa mythologie, à laquelle il colle symboliquement une balle entre les deux yeux. 

Autre avis Antoine Desrues
A chaque nouvel opus, John Wick se veut toujours plus boulimique et généreux dans son rapport à l'action. C'est grisant, mais ce quatrième chapitre souffre tout de même de sa répétitivité et de son manque de crescendo. Reste que la saga s'impose définitivement comme l'une des meilleures adaptations indirectes d'un jeu vidéo.
Autre avis Geoffrey Crété
Beaucoup de longueurs et de bruit pour parfois pas grand-chose, mais aussi et surtout : une baston folle contre Scott Adkins, et une tournée parisienne dantesque qui réinvente le concept de rond-point et d'escaliers (avec quelques plans proprement ahurissants).
Autre avis Mathieu Jaborska
La saga commence à sérieusement se prendre les pieds dans sa mythologie, bridant son inventivité au passage. Toutefois, malgré quelques recyclages et lourdeurs, comment bouder son plaisir face à un spectacle d'une telle générosité ? Hollywood ne méritait pas John Wick.
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commentaires
aiyou
21/07/2023 à 14:34

De plus en plus con

SoCorsu
07/07/2023 à 11:31

Vu, j'ai adoré le premier, moins les suites
Et là je dis stoppe, c'est too much,

Il faut savoir s'arrêter sinon ca va ressembler à Fast & Furious.

@tlantis
07/06/2023 à 01:32

Enfin vu et le film est bcp trop long et cela n’est pas justifier . Me suis pas embêter mais même dans les Bastons j’ai regarder ma montre car trop répétitif


23/05/2023 à 13:19

C'est marrant, ici et là le consensus est plutôt positif sur le personnage de Donnie Yen. De mon côté, je le trouve... Juste insupportable.
Je n'ai aucun problème avec le côté too much des bastons, tout ça est calibré, voulu, et a un but précis.
Mais pour le personnage de Yen, j'y arrive pas. L'épéiste aveugle, oui, ok, pas de souci, c'est un personnage culte de la culture asiatique, ça me va très bien.
Mais le gunman aveugle ? Là, non, ça passe pas. Désolé, mais non, aucun aveugle, aussi aiguisés que puissent être ses sens, ne peut tenir la route avec une arme à feu, ni dans le feu de l'action, ni en duel à 30 pas (sans déconner, il n'en met pas une à côté, ho, faut arrêter de nous prendre pour des jambons quoi...).
Là on est dans la science fiction, la magie, ce que vous voulez, mais pas de l'action (même bourrine au dernier stade).
D'autant qu'en prime c'est goupillé de façon assez incohérente : il shoote sans problème dans certaines scènes, met dans le mille à tous les coups, mais dans la cuisine il a besoin de poser des sonnettes à la noix pour savoir où sont ses adversaires (ah, tiens, son sonar personnel a une portée limitée ?), mais une fois que ça a sonné, hop, il n'en rate plus une.
C'est pour le coup du portenawak total et ça, ça passe pas....
Au délà de ça, moi qui suis un fan de Yen, je le trouve mauvais comme la gale dans son rôle, lui qui est tellement capable de transmettre des émotions sans dire un mot, est ici aussi expressif et convaincant qu'un honnête pot d'fleurs. Et s'agissant de jouer les blind swordsman, il aurait du prendre quelques cours avec Takeshi !
Même Mr Nobody est plus intéressant (et pourtant dieu sait qu'au fond, c'est un perso pour ainsi dire inutile et qu'on soupçonne d'exister juste pour remplacer Charon à l'écran, dans une pathétique logique de quota).


10/04/2023 à 23:31

Au vu des commentaires y'a pas mal de gens qui ont rien compris au cinéma d'action, du 1 contre 50 quand ca viens du cinéma de hong kong ou quand c'est bruce lee ou jackie chan c'est genial, mais quand c'est dans un jhon wick c'est abusé... pppfffff
Vous etes allé voir le film pour ses scenes d 'action ou pour avoir un scenario a la nolan ?
Vous voulez des scenes de dialogues interminable avec des acteurs qui chialent ? allez voir un film d auteur francais chiant.
Vous avez yen, adkins, zaror, sanada, des scenes d'actions et de combats lisible, des plans de timbré et des cascadeurs qui prennent leur pied.
Si vous etes pas content retournez voir les marvel et leur scènes d 'action ultrats cut , incompréhensibles, avec de la shaky cam a en gerber.
Et apparemment nombreux parmi vous qui se pose la question, si c'est le dernier film de la saga, ne sont pas resté jusqu"a la fin pour voir la scène post genérique....

Matrix R
10/04/2023 à 21:36

Une franchise digne d'un tueur comme le cinéma n'en a jamais vu. Des castagnes sans fin

Kyle Reese
04/04/2023 à 00:23

Beaucoup aimé ce JW4. Peut être le meilleur pour moi parce que le plus fou. Mais alors oui de la pure folie filmique. Du pure cinéma dans le sens kinématique, la capture du mouvement, avec des mouvements toujours plus fou. Des plans magnifiquement composé, des cascades de dingo, des scènes anthologiques. Le film commence sagement, du moins comme un Wick avec des scènes "basiques" de fights déjà très bien filmé et chorégraphié, très stylisé et puis ça monte en puissance progressivement avec déjà un combat avec Scott Adkins "énorme" et ensuite ça ne s'arrête pas c'est assez incroyable à vivre ça. C'est à s'en décoller la rétine parfois, le rond point de l'étoiles transformé en jeu de flipper ou billard au choix, mais comment font-il pour imaginer un truc pareil. La scène de gun fight vu du dessus inspiré d'un jeu vidéo, superbe. Et j'en passe. Film hyper généreux, hyper jouissif, complètement WTF mais parfaitement assumé et excellemment mis en scène avec des acteurs totalement investis. Le duo Reeves/Yen est fabuleux. Le pire, c'est qu'on s'attache à ces personnages sortie tout droit d'une bd ou un manga, alors que les dialogues sont rares et courts mais amplement suffisant pour ce genre d'histoire et de situation.

Gelain
01/04/2023 à 15:52

Un scénario qui se résume en une ligne, des dialogues plutôt primaires, une bande son qui agresse les oreilles, une photo qui fait pleurer les yeux, et des scènes de baston, plutôt bien filmées, mais qui sont vraiment trop nombreuses et trop longues !
De plus ce film sans intérêt (à l'opposé du premier volet), dure 2h50.
Ce film est pour moi un simple jeu vidéo, mais dont on aurait pas les manettes.
Le cinéma, c'est autre chose !

Flo
28/03/2023 à 13:22

"- Tu sais qui j'ai vu hier soir ? C'est John Wick-han...
- Qui ça ?
- John Wick-han...
- Haa, John Wick-han ! Ah ben lui il est grave hein, c'est genre il dit un truc intelligent, il se retourne pour voir si c'est pas un autre qui l'a dit..."

Une série B d'action et de vengeance jouant sur l'image du "Keanu Triste", devenu ici un mélange de Jésus violent (portant la souffrance du monde - mais la redistribuant aussi !), et de guerrier Mongol, en costard cravate aux deux types de chemises, funèbrement noire ou au blanc plus optimiste.
Un croque-mitaine désigné... mais qui ne fait pourtant peur à personne.
L'Humanité perdue puis recherchée étant symbolisée par un amour mort, des chiens (une civilisation moderne se doit de les protéger, surtout aux USA), et l'amitié.
Également une métaphore de la vie active, où l'on doit toujours courir après du temps, des privilèges, que des patrons et des collègues peuvent vous donner, puis vous prendre, puis qu'il faut quémander, puis s'endetter sans fin.
C'est juste montré à travers des bastions hargneuses et pas trop découpées, à travers le monde.

Formellement, une série de films reprenant les codes de jeux vidéos du type Beat them all :
Un protagoniste qui doit tout le temps avancer, taper avec une série d'enchaînements qui lui sont propres (à part si on peut débloquer de nouvelles capacités, ça reste limité), récupérer des points de vie et autres privilèges...
Des ennemis qui déboulent un par un ou en petits blocs, de plus en plus résistants au fil du jeu, et qui se ressemblent tous, jusqu'à ce qu'on atteigne un boss de niveau plus original...
Des foules civiles qui n'ont aucune substance, qui sont des décors vivants mais avec aucune interaction, au contraire de tels objets et décors inertes (jamais on n'y menace qui que ce soit, jamais un quidam pour vous filer un coup de main)...
Des décors justement, reprenant des environnements réels et des clins d'œil à la Pop Culture, juste pour faire de l'illustratif cool...
Répétitif, mais assez cathartique.
Tout y est dans ces films, à condition d'accepter de ne pas avoir la manette en main.
Et d'accepter aussi que les règles strictes de la matrice du jeu ne soient pas toujours respectées par les personnages, peinant à trouver pour ça des justifications.

Matrice ? Oui car Chad Stahelski et Keanu Reeves ne sont pas sortis de l'univers qui les a fait se rencontrer au milieu des cascades... Toutes ces références ci-dessus conjuguées (et avec la présence de trois des acteurs de "Matrix"), il s'agit au final d'une histoire où un élément perturbateur, pour une question d'amour, est le point central d'une opposition larvée entre une élite bien sapée, et un groupe plus indépendant habillé en clodos. La Matrice et ses agents, Zion et ses résistants prêts un jour à en découdre, et dans le coin quelques hommes d'affaires plus neutres (représentés ici par les hôtels Continental).
Mais Matrix parlait de Révolution, aussi bien cinématographique que contextuelle.
Et là, la promesse énoncée via l'hilare Bowery King n'est pas tenue.

Pire, la structure de ces films prend de plus en plus d'ampleur jusqu'à se prendre pour le plus épique des films d'action mafieux.
Le succès a-t-il gonflé les chevilles de l'équipe jusqu'à se prendre pour plus grandioses qu'ils ne sont ? C'était déjà prégnant dans les précédents films, ne décrivant qu'une dizaine de jours de tueries (mais jouissives) sans faire avancer plus loin le schmilblic... et perdant l'occasion d'une jolie fin.
Pour ce quatrième, se passant après une convalescence suffisante, là ça en fait des caisses dès le début :
D'une série de coups de poings assourdissants, à un pentagone de feu à la Superman, puis un vilain jump-cut imitant David Lean (un conseil, si c'est purement visuel, prenez votre temps et coupez le son), et un personnage à la Zatōichi/"Kung Fu", et une thématique à la "Bon, la Brute et le Truand", et une annonceuse radio à la "Guerriers de la nuit", et le Bushido...
Et on rajoute des tas de personnages, qui on l'air de vivre dans leur propre film (en attendant leurs spin-offs ?), avec une durée fleuve, avec Scott Adkins mais on le laisse s'amuser à ricaner sous plein de latex, au lieu d'engager directement un Nick Frost ou un Don Lee ayant déjà la corpulence... Comme dans "The Batman", en quoi tout ça sert vraiment le film ? Pas grand chose, juste la folie des grandeurs. Une "folie" très standardisée, on en a déjà trop vu des comme ça.
L'écriture de Chad GPT Stahelski ne va pas donner autre chose qu'un agglomérat, sans le transcender pour autant. N'est pas Tarantino qui veut.

La chose la plus impardonnable étant que tout ça n'est qu'au service d'un John Wick voulant épuiser les grands patrons, protéger ses quelques "amis" qu'il a mis dans la mouise (ça reste tous d'horribles assassins tarés, et Winston ironise en protégeant le plus possible ses fesses). Puis trouver la paix... c'est tout.
C'est bon ? Non car il aurait été sacrément radical de renverser cette satanée Grande Table, envoyez paître ces dirigeants obséquieux (et pourquoi l'habituellement glauque Bill Skarsgård en vilain français ? c'est Gaspard Ulliel qu'ils voulaient au départ ou quoi ?)...
Bref tout péter, puisqu'on s'en fiche d'eux... ce sont des salauds qui s'entretuent, au lieu de tuer des innocents, tant mieux.
Non, le "héros" principal kevlardisé reste bloqué à l'état de corps cognant et supplicié, jusqu'à l'absurde cartoonesque et résistant aux chutes dans le vide, résumant ses répliques principales à "je vais tous les tuer", ou "désolé, les conséquences" (comme l'autre là, avec sa "c'est la famille").
Et tout est mis en œuvre pour préserver le statu quo, éviter une quelconque révolution malgré une référence directe au célèbre tableau de Delacroix.
C'est comme si l'équipe du film était elle-même au service de la Grande Table, sans faire de vagues et parée à distiller son scénario dans plein de dérivés ciné et télé très commerciaux... voilà.

Alors ok, faisons avec : le jeu va enchaîner les cassages de tête, ça va être un peu lent au début, laisser un peu de côté John pour les nouveaux venus...
Mais quand on a Hiroyuki Sanada face à Donnie Yen, il se passe un truc, et on nous offre bien un combat entre eux ! Certes pas très long, certes sans faire grand chose, ni de leurs origines japonaise contre chinoises, ou de ce que véhicule leur carrière... Mais c'est quand-même excitant dans ce laps de temps.
Le même Donnie Yen qui ne cesse de se coller à John, préparant un duel final auquel on ne s'attend pas, c'est cool aussi (la scène post-générique, moins)...
Le Chasseur "Personne" et son chien (remplaçant Halle Berry ?), lui aussi dans un rôle pris entre intérêt et compassion, est pas mal du tout...
La partie parisienne est au dessus du lot, les morceaux de bravoure dans ces décors ni trop lissés ni trop moches, nous bousculant de manière agréable, avec même un peu de sens qui en découle (tourner en rond, prendre de la hauteur...).
Adkins fait des coups de pieds retournés en étant grimé en Pingouin/Caïd, c'est tellement absurde que ça en devient rigolo à force...
D'ailleurs c'est bien que le film finit par être de plus en plus drôle, se prenant moins au sérieux. Jusqu'à laisser se détourner le sens Sisyphéen de la séquence des escaliers de Montmartre, ressemblant à un moment à une scène gag de la comédie "Hot Rod" (dans laquelle Ian McShane y jouait un papa de substitution brutal - comme on se retrouve !).

Oui, "John Wick 4" c'est pas malin du tout, ça se voit (la tour Eiffel, 6 fois !).
Mais le travail physique et logistique lui aussi se voit. Heureusement, c'est le principal intérêt.
Même avec une heure en trop, même avec une galerie d'archétypes pas nécessairement attachants, le spectacle est à la hauteur, avec plus d'enthousiasme adolescent que de génie. Et c'est bien suffisant comme ça.

Fox
27/03/2023 à 20:02

@Tonto

Quiconque a déjà vu ce chef-d'oeuvre ne peut pas passer à côté de ce clin d'oeil tant ce cut est un des plus célèbres de l'Histoire du cinéma.

En revanche, juste une petite rectification : l'hommage à Buster Keaton se situe au début du 2 et non du 3. Hommage renouvelé - en plus subtil - lors de l'escalade des marches de Montmartre dans le 4 (de l'aveu même de Stahelski, qui souhaitait une dernière scène presque "gaguesque" avant un final un plus "sérieux").

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