Toi chez moi et vice versa : critique d'une relation à distance avec Netflix

Antoine Desrues | 10 février 2023 - MAJ : 10/02/2023 15:22
Antoine Desrues | 10 février 2023 - MAJ : 10/02/2023 15:22

En faisant d’Ashton Kutcher et de Reese Witherspoon les stars de sa comédie romantique calibrée pour la Saint-Valentin, Netflix semble proposer un mashup du genre tout droit sorti des années 2000. Ça tombe bien, Toi chez moi et vice versa n'a pas d'autre ambition que son approche nostalgique joyeusement désuète.

Friends with Benetflix

Commencer en 2023 un film sur la chanson The Sweet Escape de Gwen Stephani (même dans le cadre d'un flashback) devrait être une faute de goût suffisante pour savoir dans quoi on s’embarque. Pour autant, Toi chez moi et vice versa se donne le défi de réaliser le combo le plus rapide de ringardise, tout en se persuadant de sa modernité par son second degré. Pour dynamiser des plans d’une platitude extrême, quoi de mieux que d’y ajouter des petites flèches et un texte ironique, comme si le personnage principal commentait et se moquait des codes du film ?

On en viendrait presque à être attaqué par un sentiment de déjà-vu, tant le long-métrage d'Aline Brosh McKenna (scénariste du Diable s’habille en Prada, de 27 robes, et de Cruella) semble inconscient de sortir d’une faille temporelle. Certes, le peu de charme que l’on accordera au film provient de cette obsolescence, mais il reflète surtout l’approche volontairement passéiste que Netflix standardise sur ce genre de productions.

 

Toi chez moi et vice versa : photo, Reese Witherspoon, Wesley KimmelOh cool, il y a un enfant...

 

Au même titre que le romantisme parisien dépassé (mais rigolo) d’Emily in Paris, il y a dans Toi chez moi et vice versa le souhait de ne jamais réellement investir son public dans son histoire d’amour. Il faut au contraire assumer l’artifice de ce glaçage, qui permet de plus facilement s’en détacher. On sait qu’on regarde un film, et qu’importe s’il recycle les mêmes tropes fatigués, et les mêmes fantasmes à base de succès artistiques inassouvis et de lofts luxueux aux abords de Manhattan. C’est même cette donnée qui le rend rassurant.

Néanmoins, on peut aussi y voir un paradoxe avec la nature même d’un genre qui demande à ses personnages de révéler, accepter et embrasser les sentiments qu’ils peuvent ressentir pour quelqu’un. En bref, la comédie romantique est dédiée à l’investissement émotionnel de ses protagonistes, et la satisfaction qui en découle provient du fait que cet investissement sort de l’écran pour atteindre le spectateur.

 

Toi chez moi et vice versa : photo, Reese Witherspoon, Reese Witherspoon, Zoe ChaoQuand tu te dis qu'Emily in paris, au moins, c'est drôle

 

Coup d'un soir

Or, toute cette vague nostalgique, opportuniste, voire cynique, déconstruit ce présupposé par un post-modernisme qui cache bien souvent la nullité abyssale de son écriture clichée. C’est d’autant plus dommage ici que Toi chez moi et vice versa part d’un pitch plutôt malin, où deux amis de toujours se rendent compte de leur amour en échangeant leur lieu de vie. Elle (Reese Witherspoon) est une mère célibataire qui a repris ses études. Lui (Ashton Kutcher) est un riche entrepreneur qui a abandonné ses rêves d’écrivain.

Rien de bien original sur ce point, si ce n’est la construction de cette relation à distance entre Los Angeles et New York, à base de split-screens rapidement lassants et de montages parallèles pachydermiques (d’autant que l’ensemble s’étale inutilement sur 1h50). Pourtant, ce détournement des codes par l’absence de connexion entre les corps aurait pu donner lieu à une vraie proposition, interrogeant au passage l’alchimie de ses comédiens.

 

Toi chez moi et vice versa : photo, Ashton Kutcher, Tig NotaroUn bon café pour éviter la sieste

 

Malheureusement, ce potentiel est voué dès les premières minutes à être tué dans l’œuf, la faute à une direction d’acteurs limitée au minimum syndical, et à une photographie sans envies. C’est d’ailleurs ce qui saute aux yeux : malgré son marketing et l’envie de Netflix d’en faire un rouleau-compresseur pour la Saint-Valentin, Toi chez moi et vice versa rappelle moins les classiques des années 2000 que les téléfilms M6 qui occupaient d’un œil pendant une session cuisine ou repassage.

Marrant venant de la plateforme qui espérait redéfinir le médium télévisuel, avant d'en reprendre les mêmes recettes, mais sans la diffusion linéaire. Fort heureusement, on a vu le truc venir, et on a réalisé cette critique dans des conditions optimales : en faisant la vaisselle et en pliant du linge. Et honnêtement, le produit fini devient dès lors plutôt regardable.

Toi chez moi et vice versa est disponible sur Netflix depuis le 10 février 2023

 

Toi chez moi et vice versa : Affiche US

Résumé

Énième rom-com ronflante et pseudo moderne, Toi chez moi et vice versa est surtout l’exemple parfait du téléfilm de luxe présenté par Netflix en grande comédie populaire et cinématographique. Mais on n’est pas dupe...

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commentaires
Steph
21/02/2023 à 00:31

Personnellement j'ai tenu 5 minutes.

Laurine
14/02/2023 à 23:21

Alors pour ma part, en plus de l'analyse partagée de ce film sans prétention, l'absence de respect du décalage horaire entre west et east coast ca était la goutte d'eau ... Merci mais non merci.

A-S
14/02/2023 à 19:01

Mises à part les chaussures de Reese Witherspoon, ce film n'a aucun intérêt...

Wellwellwelles
10/02/2023 à 23:39

Mais que vient faire Tig Notaro dans cette galère ?

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