Emily in Paris saison 3 : critique (et jeu à boire) du plaisir coupable de Netflix

Antoine Desrues | 21 décembre 2022
Antoine Desrues | 21 décembre 2022

Après une première saison si nanardeuse qu’on est resté scotché à l’écran, Emily in Paris avait déçu avec sa saison 2, où Netflix et le showrunner Darren Star (Sex and the City) ont essayé de sauver les meubles. Privée de ces éléments les plus aberrants (et donc drôles) sur la vie parisienne, la série n’est devenue qu’un énième produit de consommation sans âme. La saison 3, toujours portée par Lily Collins, confirme-t-elle cette trajectoire ? Réponse alcoolisée.

J'ai deux amours : mon smartphone et Paris

L’auteur de ces lignes doit bien l’admettre : il a une certaine sympathie pour Emily in Paris ; une sympathie similaire à celle qu’on peut avoir pour son oncle alcoolique un peu simplet, mais dont on ne doute jamais de la sincérité. Le rendez-vous avec cette saison 3 était pris, et au-delà de la curiosité un peu vicelarde qu’on pouvait ressentir à l’approche de cette nouvelle fournée forcément ubuesque, il y avait une certaine excitation à l’idée de replonger dans ce Paris idéalisé et ridicule.  

D’aucuns pourraient décrire cet aspect réconfortant de la série par le fameux et désormais institutionnalisé “débranchement de cerveau” en règle, mais Emily in Paris ne saurait être réduite à cette donnée. Ce qui a fait son succès (en particulier à l’international), c’est bien sûr sa peinture déréalisée de “la plus belle capitale du monde”, qui a plus ou moins joué de son hyperréalité à la Disneyland au travers d’un regard ignorant, cliché, voire xénophobe.  

 

Emily in Paris : photo, Lily CollinsQuand tu apprends que tu vas prendre la ligne 13 à l'heure de pointe

 

Là résidait la magie type accident industriel de la première saison, tellement à côté de la plaque qu’elle en devenait hilarante. Pas de bol, Netflix a visiblement écouté les critiques des internautes (et des Français) et a un peu corrigé le tir, ne laissant à la saison 2 que la pauvreté de son écriture, malgré quelques moments de bêtise virtuoses.  

Pour autant, ce terrain de jeu clinquant assume son inaccessibilité, et c’est encore plus le cas avec cette troisième salve d’épisodes. Hôtels de luxe, rooftops, clubs privés et châteaux en Provence : Emily in Paris dépeint un monde attrayant et élitiste qu’une majorité de son public ne peut que fantasmer. Paris n’est donc pas qu’un simple décor chic et bling-bling : c’est la matérialisation d’un rêve qu’il faut mériter.

 

Emily in Paris : photo, Lily Collins, Ashley ParkLes soirées d'Ecran Large (et encore, Geoffrey Crété porte des pulls encore plus criards)

 

En somme, une certaine idée du paradis pour des sociétés comme Netflix, qui font de leur modèle ultra-libéral un mode de vie jalousé, qui prône une inventivité et un sens de l’initiative – forcément récompensés – comme portails vers un monde de luxe et de paillettes.  

Mais encore faudrait-il pour cela que la série n’ait pas pour héroïne une jeune américaine à qui tout réussit. Dans Emily in Paris, le moindre problème peut être réglé en un claquement de doigts (la gestion des péripéties et de leur résolution est particulièrement désastreuse), et le népotisme s'accorderait à une forme de méritocratie, comme si l’un et l’autre ne formaient pas un oxymore.

 

Emily in Paris : Photo Lily CollinsUne vie sans chichis

 

Netflix & Champagne

Paradoxalement, cette inconscience politique accentue presque le charme candide de la série, à l’image de cette chère Emily (Lily Collins), qui sauve comme elle peut l’ensemble par son charme d’Audrey Hepburn moderne. Bien entendu, cette saison 3 ne se prive pas pour nous offrir quelques délicieux moments de grand n’importe quoi (comme cette tentative désopilante de présenter le McDo des Champs-Elysées comme un lieu immaculé et chic), mais cette nouvelle mouture est quelque peu délestée de ce qui en faisait la meilleure des comédies involontaires.  

L’enjeu pour Emily n’est plus tellement de s’intégrer et d’appréhender les coutumes locales, mais de trouver sa place au sein d’un cercle de personnages désormais installé. Après deux saisons à brasser du vent et à poser laborieusement ses pions, la série semble donc enfin regardable, oserait-on même dire divertissante en de rares instants, surtout lorsqu’elle fait évoluer le drama autour de son quatuor amoureux.  

Cela ne veut pas forcément dire que l'écriture est soudainement meilleure, mais en mettant de côté ses travers les plus idiots et en se reposant sur ses acquis, elle a l’opportunité de se positionner dans une moyenne tiède, tellement typique des productions du N rouge.

 

Emily in Paris : photo, Lily Collins, Lucas Bravo, Camille Razat"Oh, la Fête de la musique, comme c'est exotique !"

 

Ce qui fait d'Emily in Paris et de son succès un exemple parfait de la méthodologie de Netflix, c’est qu’il aura fallu attendre 3 saisons pour que la série trouve son rythme de croisière. Ce tâtonnement est assez révélateur de l'importance toute relative que le géant du streaming donne à la qualité de fabrication de son catalogue (même si la série est à l'origine une production Paramount Network, revendue à Netflix pour la diffusion). Au moins, le carton improbable de la première saison a permis à la création de Darren Star de vaguement s’améliorer, contrairement à la plupart des projets faisandés annulés aussi sec.  

Pour autant, Emily in Paris n’en devient pas une bonne série, et le plaisir coupable que le rédacteur ici présent ressent de manière (un peu) honteuse est clairement aidé par l’ajout de boissons alcoolisées. Pour la saison 2, Ecran Large avait compensé la fainéantise de sa conception par un jeu à boire spécial Emily in Paris, histoire de rendre l’expérience un tant soit peu vivable et ludique. Même s’il y a du mieux, cette saison 3 mérite bien le même traitement critique, ne serait-ce que pour énumérer ses plus belles énormités. Une nouvelle tradition dans nos colonnes ? Peut-être bien...

 

Emily in Paris : photo, Philippine Leroy-BeaulieuVous allez la voir cette plaque !

 

Jeu à boire spécial Emily in Paris saison 3 

 

La règle est simple : boire une gorgée d'alcool chaque fois que l'un des éléments suivants apparaît ou se déroule à l'écran :

• Un personnage porte une tenue jaune 

• On devine l’emploi d’un fond vert mal géré (surtout lors de l’épisode 1 et 9) 

• Un plan sur la Tour Eiffel (cul sec à l’épisode 1 lorsqu’ils vont au restaurant le Jules Verne) 

• Emily se comporte comme la plus clichée des touristes à Paris 

• La réalisation utilise la plaque de l’agence Grateau comme plan de transition (attention, celui-là pique pas mal !) 

• Mindy chante en français (et on ne comprend rien) 

• Des textos sont écrits avec du vouvoiement alors que les personnages devraient se tutoyer (personne n’a visiblement vérifié la traduction...) 

• A chaque fois qu’Emily exploite de façon improbable le talent de ses amis ou clients pour son travail (cul sec au début de l’épisode 6) 

• A chaque fois qu'Alfie dit “Mate” (en VO) pour faire comprendre qu’il est britannique (c'était déjà le cas dans la saison 2)

• Les Français passent pour de gros boulets (en particulier Luc et le concierge) 

 

La saison 3 d'Emily in Paris est disponible sur Netflix depuis le 21 décembre 2022.

 

Emily in Paris : photo

Résumé

Si la série est toujours une aberration conceptuelle aux relents néo-libéraux puants, il faut bien admettre que la saison 3 d'Emily in Paris a le mérite de moins jouer la carte de la xénophobie décomplexée, et de se focaliser un peu plus sur ses personnages. Netflix a perfectionné le plaisir coupable de Noël, et ce n'est pas l'auteur de ces lignes qui dira le contraire...

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(1.8)

Votre note ?

commentaires
MICK MENIN
17/05/2023 à 10:43

vOUS ATTAQUEZ CETTE S2RIE ALORS QUE LA PLUPART DES LECTEURS APPR2CIE CES PERSONNAGES§ iLS NOUS FONT SOURIRE ET NOUS SOMMES AVEC EUX §

Ptibass
14/01/2023 à 14:42

Je pense n'avoir jamais rien vu d'aussi affligeant. Tout a déjà été dit. Inutile de perdre du temps à regarder cette série. Quand on voit que des choses comme Drôle ne verront pas de seconde saison, il est bien triste de constater que cette Emily a droit à une troisième.
Le monde est fou ...

Justice Pig
22/12/2022 à 20:15

Problems de riches in Paris

Miami81
22/12/2022 à 13:18

C'est marrant comment cette série ne passe pas à EL.
Perso, j'ai vu les deux premières saisons (en VO, c'est mieux) et je les ai trouvées bien sympathiques. Oui, c'est un Paris idéalisé, et alors, c'est à l'américaine quoi. c'est pas pire qu'un film de noël en Alaska où chacun a 4 sapins de noël par pièces. C'est fait aussi pour ça, la Tv et le cinéma, rêver un peu. heureusement que tout le monde ne filme pas la vie comme Olivier Marchal.
Sinon, oui, le milieu de la mode est élitiste, oui, il est souvent aberrant et toujours inaccessible. Bon bah c'est comme ça, Une série aurait été faite sur le monde du foot, ça aurait été pareil, on ne va pas faire non plus s'empêcher de faire des séries parce qu'elles parlent d'un monde inaccessible pour le commun des mortels.
Peut-être que si la série s'était passée dans un autre pays, vous l'auriez aimée. Qui sait :D

Miss M
22/12/2022 à 12:22

Faut vraiment s'emmerder dans sa vie pour regarder ça.... non ?

Kyle Reese
22/12/2022 à 12:07

@Abibak

C'est exactement ce que je voulais poster hier. Cette série est un Paris fantasmé de pour jeune demoiselle romantique.

Abibak
21/12/2022 à 19:14

En même temps les séries américaines idéalisent toujours le mode de vie à l'américaine, non? New York n'est elle pas le ville parfaite dans toutes les séries et c'était déjà le ton de sex and the city il me semble

Kyle Reese
21/12/2022 à 17:41

Ca a l'air très "girly" quand même. Dans une autre vie peut être.

Pat Pat
21/12/2022 à 11:19

Parce que ce serait intéresdsant d'avoir le regard de Déborah ou Chloé sur le traitement de l'image de la femme dans cette série.

Geoffrey Crété - Rédaction
21/12/2022 à 10:00

@Pat Pat

Ah, pourquoi ?
A priori Déborah n'en a strictement rien à foutre, seul Antoine avait envie de s'y coller.

Plus
votre commentaire