Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse : critique qui dépense sans conter

Déborah Lechner | 18 octobre 2022
Déborah Lechner | 18 octobre 2022

Quatre ans après son dernier long-métrage d'animation, le cinéaste français Michel Ocelot est de retour en salles avec Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse. Mais si le film, en salles ce 19 octobre, est loin d'être raté, l'événement n'est pas tout à fait à la hauteur des espérances. 

ENTRE RECYCLAGE....

Si Michel Ocelot a décloisonné le cinéma d'animation français avec le succès de Kirikou et la sorcière et a continué à le faire rayonner avec des bijoux tels qu'Azur et Asmar, ces deux oeuvres de référence restent des anomalies dans la filmographie de l'artiste. Depuis ses premiers travaux, Michel Ocelot a privilégié les formats courts, que ce soit avec des épisodes de séries télévisées ou des courts-métrages, dont certains ont ensuite été assemblés en longs-métrages, à l'instar de Princes et Princesses, Les contes de la nuit ou Ivan Tsarevitch et la princesse changeante.

Avec Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse, le cinéaste revient ainsi à son style narratif de prédilection après Dilili à Paris, une histoire étendue sur plus d'une heure et demie, plus engagée politiquement et innovante, quitte à parfois bousculer l'esthétique bien établie d'Ocelot. Son dernier film est donc un film à sketchs, qui reprend le principe bien connu des narrateurs pour enchaîner les différents contes.

 

Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse : photoDommage que la narratrice ne vienne pas conclure le film

Plutôt qu'aux iconiques projectionnistes, le récit a fait appel à une narratrice, une conteuse en tenue de travail qui façonne symboliquement ses histoires sur un chantier pour mettre en avant la tradition de la création et de la transmission orale avec malice et ludisme, le public déterminant les composantes de chaque histoire, qui s'efforce ainsi de répondre à chacune de leurs demandes (aussi hétéroclites et incongrues soient-elles). 

Le public retrouve cependant d'énièmes princes et princesses (à la personnalité souvent trop lisse), ainsi que les principales thématiques qui ont irrigué toute l'oeuvre du réalisateur : la quête de liberté, l'amour envers et contre tous, l'injustice ou le sape de l'autorité parentale, le tout ponctué de touches fantaisistes et surréalistes propres aux contes traditionnels dont il s'inspire. Le film est donc fatalement un produit plus convenu et moins surprenant ou ambitieux, Michel Ocelot ayant lui-même reconnu qu'il voulait réaliser quelque chose de plus simple et léger après les six ans de travail qu'a nécessité son précédent film. 

 

Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse : photoUn retour qui manque de parti-pris

 

...ET HÉRITAGE 

Pour autant, si la narration et les sujets sont plus anecdotiques et lassants, il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas reconnaître l'accomplissement visuel du film, qui regroupe et peaufine les principales techniques de ce cinéaste qui n'a pas volé son qualificatif de génie. Le premier conte projette à nouveau le public en Égypte antique (dont Ocelot est un éternel amoureux) et renoue avec l'animation 2D et la direction artistique minimaliste, l'idée étant d'animer des fresques et bas reliefs de l'époque.

Ce premier segment présente dès lors la même scénographie avec des personnages majoritairement de profil, des déplacements latéraux et des fonds unis qui ne sont pas sans rappeler l'esthétique épurée des films Kirikou

 

Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse : photoDes compositions de plans faussement simplistes

 

À l'image de Princes et princesses, le deuxième segment réinvestit quant à lui l'art des ombres chinoises qui, de plus, correspondent parfaitement à la noirceur du conte qui se déroule au Moyen-Âge en Auvergne. La quasi-unité de lieu dans ce château lugubre par endroits donne ainsi l'impression d'assister à une courte pièce de théâtre, tandis que les couleurs sombres contrastent avec la dernière histoire, plus proche d'Azur et Asmar d'un point de vue visuel et culturel. Même si le récit n'a rien de saisissant ou de particulièrement exaltant, cette troisième partie est un plaisir pour les yeux malgré les quelques lacunes des effets 3D.

Les couleurs vives offrent un véritable dynamisme à l'ensemble, les décors et tenues débordent de préciosités en tout genre, les plans regorgent de détails et de finesse, et plus globalement, la direction artistique est un spectacle à part entière. 

 

Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse : photoUn conte des mille et une couleurs

 

Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse est donc loin d'être le film le plus intéressant de Michel Ocelot. Il reprend consciencieusement tous les poncifs narratifs et visuels de son cinéma, mais si les histoires ne sont pas suffisamment riches pour impacter, les techniques artistiques de plus en plus abouties donnent tout son intérêt au film.

 

Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse : photo

Résumé

Avec Le Pharaon, le Sauvage et la PrincesseMichel Ocelot a fait du Michel Ocelot. Si le film ne transcende pas son art, notamment sa construction narrative de plus en plus consensuelle, il reste un riche et bel objet technique à découvrir sur grand écran.

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commentaires
mady
30/10/2022 à 15:03

merveilleux film de conte de fées

LaFormule
19/10/2022 à 16:38

Topissime !!! Le maestro est de retour.
Perso, je me suis surpris à ne pas apprécier "Dilili à Paris" que j'ai trouvé étonnement caricaturale pour un Ocelot. Déjà, le film n'offre pas véritablement une sortie hors des sentiers battus pour le cinéaste puisqu'il reprend maints codes chers à l'auteur tel que le héros ingénu au grand cœur dont la pureté lui donne de s'interroger sur ce que les autres prennent pour des vérités.
Toutefois, là où ça marchait avec "Kirikou" et SURTOUT "les contes de la nuit" en raison de la brièveté de l'histoire, de son caractère merveilleux ou de l'environnement restreint dans laquelle celle-ci prenait place, cela ne sied guère au Paris de la Belle époque.
Sans compter que le propos politique est tout aussi caricaturale. J'ai eu l'impression de voir un clip promotionnel du "Printemps républicain". Le pire selon moi est la scène rassemblant d'imminentes figues de l'époque car elle les présente de manière biaisée, comme si elles auraient forcément été d'accord alors qu'en réalité elles auraient fini par trouver une raison de se disputer voire même d'en venir aux mains.
Dans un registre plus subtil, "le voyage du prince" de Jean-François Laguonie faisait bien mieux et se montrait d'une redoutable intelligence en traitant de la question environnementale et de la vision qu'ont les sociétés occidentales d'elles-mêmes sous un angle trop peu utilisé.
Mais cela n'est que mon avis personnel. Quoiqu'il en soit, je suis content de voir Michel Ocelot revenir et qui plus est en opérant un retour aux origines.

Prisonnier
18/10/2022 à 20:15

Ce sont des dessins animés qui divisent. Ma femme est archi fan, je n'ai jamais pu aller au bout de l'exercice

fuck
18/10/2022 à 19:08

A-t-il pris enfin des cours de perspective ?

Sanchez
18/10/2022 à 17:42

C’est tellement laid jpp

motordu
18/10/2022 à 17:37

Comme les premières lignes de votre article le soulignent, c'est bien dommage que ce grand artiste soit bien parti pour ne nous laisser que très peu de longs-métrages, tant ceux-ci sont plus impactants que les recueils de contes qu'il a sortis par ailleurs. Mais il reste, pour moi et de loin, le roi de l'animation en France.

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