Beast : critique qui mange du lion qui a mangé Idris Elba

Simon Riaux | 24 août 2022 - MAJ : 25/08/2023 18:09
Simon Riaux | 24 août 2022 - MAJ : 25/08/2023 18:09

Nate (Idris Elba) n'a pas vu venir la maladie puis le décès de sa femme. Tout comme il n'a pas vu venir la désagrégation du lien avec ses deux filles. Et devinez quoi, cet énorme lion décidé à les dévorer au détour d'une excursion sur les terres natales de feu madame, il ne l'a pas vu venir non plus. Voilà qui est finalement fort cohérent avec Beast ce survival qui nous a mordus par surprise et à pleines dents.

LA GROSSE BEAST À DUDULE  

Dans le sillage des Dents de la mer, au tournant des années 70 et jusqu’à la fin du 20e siècle, le cinéma s’est emparé de tout ce que la planète Terre compte de prédateurs, pour les confronter à de jeunes gens aux mœurs légères, à des familles bon teint, ou à des couples au bord de la crise de nerfs. Bien des figurants mastiqués plus tard, le genre, descendant du survival qui fit rage dans les seventies, se sera aussi bien aventuré du côté de l’exploitation bis à la Piranhas que de la terreur existentielle typique de Long Week-end

Une variété dans les dévorations et curetages de boyaux qui n’aura pas empêché cette réjouissante mode de péricliter, perdant progressivement les faveurs du public. Et s’il est particulièrement savoureux de voir débarquer dans les salles obscures Beast, qui coche à peu près toutes les cases possibles et imaginables de cette typologie de divertissement fort peu vegans, jamais l’entreprise n’aura paru aussi anachronique. 

 

Beast : Photo , Idris Elba3000 ans à réussir un créneau

 

Avec son budget de 36 millions de dollars hors marketing, Universal a besoin de lever quelque 100 millions de dollars pour rentabiliser l’opération, soit dépasser le score du récent Crawl avec un budget presque trois fois supérieur. Depuis quelques années, Hollywood tente de digérer les aspirations antispécistes d’une partie du public pour ne pas se l’aliéner et veille à ne pas maltraiter d’animaux sur ses tournages, ou dans ses scénarios. Une équation peu compatible avec un carnage impitoyable à base de crocs et d’hémorragies massives

Ajoutons à cela que l’œuvre qui nous intéresse se penche sur un prédateur qui n’a rien d’anodin. Quelques films ont bien essayé de faire du lion, symbole sur pattes de la turbine à viande mâle régnant sur la pyramide alimentaire universelle, mais on dénombre parmi eux une poignée de Z fumants, ou de sombres catastrophes industrielles. Les deux plus glorieux représentants de cette niche filmique demeurent Roar, qui vit une partie de son équipe mâchée goulument par les fauves, et l’attachant L’ombre et la Proie, belle tentative mutilée par une production chaotique. Autant dire que Beast sort donc dans les salles obscures auréolé d’un parfum de plantage annoncé. 

 

Beast : Photo , Leah Jeffries, Idris Elba"Beast ta vitre !"

 

SIMPLY THE BEAST 

Sauf que c’est tout le contraire qui s’impose à l’écran, et ce, dès l’ouverture du film. C’est Baltasar Kormákur qui tient la caméra. De Survive en passant par Everest, le réalisateur a aiguisé et pensé son cinéma autour de la figure du survivant et avec les années, est passé maître dans l’art de caractériser un espace géographique (le plus souvent hostile) et d’en tirer, avec logique et minutie toutes les potentialités narratives. Pour immerger le spectateur dans ce récit d’à peine une heure et demie, il doit immédiatement le saisir à la gorge. 

Ce sera chose faite à la faveur d’un plan-séquence malin et techniquement impeccable, qui nous dévoile comment des braconniers passent de chasseurs à proie, grâce à un lion un chouïa caractériel. Gestion impeccable de la photographie, mouvements chorégraphiés avec soin, et surtout, une préparation qu’on devine méticuleuse afin de permettre une utilisation optimale des effets numériques. En effet, on aura souvent moqué les doublures d’animaux pour leur absence de masse, ou tout simplement leur laideur (coucou Prey !), mais du début à la fin de Beast, on assiste à une véritable leçon tant technique qu’artistique. 

 

Beast : Photo , Idris ElbaUne vraie tête de Beast

 

Technique, car le degré de réalisme des animaux occupés à transformer les protagonistes en ceviche est régulièrement stupéfiant. La précision des jeux de mouvements entre les différents plans de l’image, les effets de lumière, jusqu’aux interactions entre personnages de chair et de sang et animaux virtuels, sont tous d’une précision remarquable, et souvent confondante. Artistique enfin, parce que Kormákur sait quand retenir les chiens, et lâcher les fauves. 

En chef d’orchestre émérite, le cinéaste use de longs plans, idéaux pour faire monter la pression, au sein desquels la moindre attaque, le premier coup de patte venu, servent autant d'exhausteurs d’adrénaline que de ponctuation rythmique. En termes d’écriture comme de gestion de la tension, Beast a des airs de partition faussement simple, toute rupture de ton et reprises nerveuses. 

 

Beast : Photo , Sharlto CopleySharlto Copley a vu la Beast

BEAST OF THE BEST 

S’il est mené tambour battant, le long-métrage n’en est pas moins aussi programmatique et classique que le laisse entendre son synopsis. Ce n’est pas un problème outre mesure en cela que le scénario définit intelligemment les personnalités, arcs narratifs et conflits de tous ses personnages, pour ne jamais les perdre de vue, et veiller à progresser toujours vers leur résolution. C’est ce type de rigueur, de volonté de disposer avec un minimum de soin et d’intelligences quantité de fusils de Tchekov (éléments disséminés dans un long-métrage dont le sens ou l’utilité se révèlera après leur introduction au spectateur), qui rendent l’expérience instantanément gratifiante. 

Le seul véritable reproche qu’on pourra faire au film tient d’ailleurs à sa volonté de demeurer – relativement – sobre, et de passer trop rapidement sur plusieurs séquences clefs. Le résultat n’en est que plus fluide, la narration ne se départant jamais de la tension posée dès la première scène, mais donne parfois l’impression de glisser sans s’attarder sur tel ou tel concept.  

 

Sharlto Copley : Photo , BeastSharlto joue finement un garde-chasse pas beast pour un sou

 

C’est notamment le cas des braconniers mentionnés plus haut, adjonction intéressante à l’histoire, dont on pense un temps qu’elle va bouleverser la trame générale, avant que le destin ne rappelle aux impétrants combien visiter le système digestif d’un grand prédateur est aisé. Mais ces quelques limites s’avèrent accessoires, tant elles n’existent finalement que pour permettre à Beast de remplir avec une rafraîchissante simplicité la promesse faite au spectateur. 

Celle d’un spectacle intense mais dénué de complaisance, qui joue sur notre rapport ambivalent entre désir de peur, désir scopique, vertige du danger et fantasme de voir celui-ci dominé. Un geste funambule donc, d’autant plus abouti qu’il s’achève sur une confrontation dantesque, qui tranche d’autant plus volontiers dans le gras du réalisme qu’elle est l’occasion pour le héros joué avec charisme et retenue par Idris Elba d’affronter ses démons, incarné en un monstre de crocs et de poil. Une bête comme on en voit trop peu. 

Beast sort en salles ce 24 août 2022

 

Beast : Affiche officielle

Résumé

Classique et parfois attendu dans son déroulé, Beast est un des survivals les plus rigoureux, intenses et griffus vus depuis longtemps. Un régal de tension, qui ne lésine ni sur le spectacle ni sur la mastication de figurants, et mettra en appétit les amateurs du genre.

Autre avis Mathieu Jaborska
Un survival animalier bien bourrin, bien stupide et étonnamment bien mis en scène. Pourquoi on n'en a pas tous les étés ?
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commentaires
jaimlabit
24/02/2024 à 22:20

g bien aimé le film surtout quand il se termine.

Loli
02/09/2023 à 01:49

Les cgis sont vraiment bluffants.
Les plans séquence dignes de "Les Fils de l'Homme" quasiment gentiment.
À qui il se réfère je pense.

Nan bel ouvrage ;)

Salsifiz
02/09/2023 à 01:42

@ terrizyr

Les cgi sont très bons en fait.
T'as même les yeucs du Lion dans ta face très bien faites à un moment &€)))))

Salsifiz
02/09/2023 à 01:37

En fait y'a un truc un peu....
Space dans ce film.
C'est des noirs américains qui sont supposés kiffer l'Afrique et leurs racines en arrivant comme des touristes.
Et qui se font éclatés par la bestialité au final.
Message ?
Idk .

Salsifiz
02/09/2023 à 01:30

Les plans-séquence sont oufs btw ;)

Solo seul
30/01/2023 à 00:26

C'est bizarre que personne n'a la référence d'un film nommé "Terreur dans la savane" ! Est-ce fait exprès ? Est-ce un remake déguisé ? Durant le film je n'arrêtais pas de penser que je l'avais déjà vu ! Et pour cause ! L'histoire est la même ! Il n'y a que les effets spéciaux qui évoluent... et encore je n'ai pas trouvé que le lion avait l'air d'être bien fait et les multiples invraissemblances m'ont sorti du film. Il reste les longs plans séquences qui ajoutent tensions et suspens. A voir pour oublier.

Pseudo1
24/12/2022 à 14:57

Totalement d'accord avec cette critique. J'avoue avoir été vraiment surpris en bien par ce film. Ca pète pas plus haut que son c*l, mais le soin technique et artistique apporté est vraiment indéniable. Les plans-séquences sont souvent impressionnants et utilisés à bon escient, les acteurs font bien le taff et les CGI sont étonnamment réussies. En prime, ça n'a pas peur de faire dans la tripaille à l'écran, ça fait du bien !

Après, j'en attendais pas grand chose, ça a sans doute joué. Mais excellente surprise tout de même.

Jayjay
18/12/2022 à 09:20

La lumière est atroce et tout est fake. Le making of avec le bonhomme vert doit valoir son pesant de chair fraîche.

Kyle Reese
10/11/2022 à 23:52

Je ne comprend pas les mauvais avis. Je trouve que c'est un très bon survival, tous les acteurs jouent très bien. Le scénario est simple mais 'l’histoire suffisante pour s"y intéressé avec cette famille en difficulté. Les images sont belles, beaucoup de plans long, limite séquences qui tournent autour des personnages et qui créent en effet une sacré tension car le danger peut venir à chaque instant de tout coté. Les CGI sont vraiment excellent la plupart du temps, alors pas vu en salle donc peut être que certains défauts ne se voient pas, perso je n'ai rien vu et j'ai trouvé le lion hyper réussi et la mise en scène très bien. Un film qui se veut réaliste, et même le combat de final, de la dernière chance est réussi. Vraiment bien aimé ce film. Elba est très bon comme d'hab.

georgiiii
21/09/2022 à 20:56

Le film est vraiment pas bon, le jeux des acteurs, les dialogues, la cohérence et l'attitude des personnages.
Il reste des effets spéciaux bien réalisés et des décors somptueux...

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