Ambulance : critique qui ne tire pas sur Michael Bay

Antoine Desrues | 2 avril 2023 - MAJ : 03/04/2023 09:56
Antoine Desrues | 2 avril 2023 - MAJ : 03/04/2023 09:56

Cinq ans après Transformers : The Last Knight, l’inénarrable Michael Bay (qui avait fait un petit détour vers Netflix avec 6 Underground) est de retour sur grand écran avec Ambulance, course-poursuite géante teintée de prise d’otage dans les rues de Los Angeles. Jake GyllenhaalYahya Abdul-Mateen II et Eiza González se retrouvent au cœur de ce nouveau délire cocaïné du réalisateur de Bad Boys II, qui se lance dans une expérimentation stylistique totale. Tiendrait-on là le Michael Bay ultime ?

De la bombe Bay-Bay

En ouvrant son film sur une simple conversation téléphonique, Michael Bay donne déjà toutes les clés d’Ambulance. Will Sharper (Yahya Abdul-Mateen II), ex-Marine et père de famille aimant, cherche désespérément à parler à un "être humain" pour clarifier la situation avec son assurance maladie. Sa femme, réduite au simple numéro de son dossier, a besoin d’une chirurgie expérimentale qui n’est pas remboursée.

Tout est là : la glorification de la figure du militaire, chère au réalisateur de 13 Hours, est comme à son habitude contrastée par un regard critique sur un gouvernement américain froid et inhumain. Jeté comme un mouchoir sale par les institutions alors qu’il a tout sacrifié pour son pays, Will fait face à la peur profonde d’un effacement identitaire dans les grands rouages du capitalisme, déjà au cœur de No Pain No Gain.

 

 

 

Rien qu’avec cette scène, Ambulance confirme qu’il est un pur concentré des obsessions du cinéaste, trop souvent taxé (à tort) d’être un clippeur bling-bling à la solde d’une imagerie réac et risible. Au contraire, sa vision du rêve américain s’interroge depuis toujours sur ses paradoxes et ses pièges, alors même que son motif préféré (les explosions) amène à se demander s’il ne vaut mieux pas céder à l’anarchie et à l’annihilation du système.

À vrai dire, cette réalité se retrouve jusque dans la nature du projet, remake d’un petit film danois dont il ne reprend que le concept initial. Will, désemparé, va voir son frère adoptif Danny (Jake Gyllenhaal) pour lui demander un prêt. On comprend que les deux frangins ne se sont pas vus depuis un bail, tandis que les travellings circulaires si caractéristiques de Bay tournoient autour de leur rancœur.

Malgré lui, Will se retrouve embarqué dans le braquage de banque que vient de planifier Danny, et qui bien évidemment tourne mal. Le duo, désespéré, en vient à s’échapper avec une ambulance, à l’arrière de laquelle se trouvent une infirmière (Eiza González) et un policier agonisant.

 

Ambulance : photo, Jake Gyllenhaal, Yahya Abdul-Mateen IIBraquage à l'américaine

 

Comme à la belle époque de Rock, Michael Bay retrouve avec Ambulance la simplicité réjouissante des high-concept des années 90 ; une aubaine pour un cinéaste dont la mise en scène repose sur l’éclatement de la cohésion spatio-temporelle, et sur la décomposition des gestes dans un élan de pure cinégénie aux allures cubistes.

Chez Bay, il faut fragmenter les formes et le mouvement pour offrir un nouveau point de vue sur les choses, poussant au passage le spectateur vers une hypersensitivité dans cette tentative de recomposer cette mosaïque d’images et de sons. Du coup, le réalisateur est clairement à son meilleur lorsque son énergie est canalisée par une unité de lieu et de temps quasi-uniques, donnant l’impression que ses cadres, toujours brillamment composés, cherchent à rebondir sur les limites du monde fictionnel, à la manière d’un tigre en cage.

 

Photo Jake GyllenhaalUn film qui te roule dessus

 

Highway to Hell

Or, il n’y a pas de manière plus efficace pour porter le cri de rage de protagonistes qui refusent de rentrer dans le rang, contrairement à l’infirmière, Cam, qui se détache de toute émotion lors du sauvetage de ses patients. Cette femme affirmée, mais effacée derrière ses regrets, marque une réelle évolution dans le Bayhem (jeu de mots désignant son style ampoulé, contraction de Bay et de "mayhem", chaos en anglais), qui construit pour la première fois un vrai et bel arc narratif à l’un de ses personnages féminins, bien loin de la misogynie crasse dont le réalisateur a longtemps eu le secret.

Attention, ça n’empêche pas Ambulance de parfois péter un câble, et de céder aux sirènes de la gêne. On pense particulièrement aux auto-citations pachydermiques de Bay (une blague sur Rock, au secours !) ou même à l’hystérie qui anime Jake Gyllenhaal au fur et à mesure du film, un peu comme le Nicolas Cage des grands jours.

 

Ambulance : photoUn lundi pour Michael Bay

 

D’un autre côté, comment en vouloir à la générosité débordante d’un cinéaste qui ne se repose jamais sur ses acquis ? Face à la chienlit de blockbusters toujours plus lisses et normatifs, Michael Bay nous rappelle qu’il est possible pour un réalisateur de s’amuser avec de très gros budgets, et d’expérimenter avec les joujoux à la disposition des méga-productions hollywoodiennes. Bien entendu, on retrouve certains des effets de style les plus jouissifs du bonhomme, de ses carambolages chaotiques à ses explosions dantesques, le tout avec des caméras envoyées en plein cœur de la mêlée comme des soldats au front.

Mais Ambulance va encore plus loin, et lance le réalisateur dans la quête revigorante du plan inédit, qu’il obtient ici grâce à son nouvel amour : le drone FPV. Finie la simple vue aérienne prise d’un hélicoptère ! Désormais, Bay a l’opportunité de tournoyer son objectif dans tous les sens, au travers de loopings vertigineux et de zig-zags proprement hallucinants, qui défient la gravité et s’affranchissent de toute logique.

Alors que Los Angeles se retrouve littéralement sens dessus dessous, le cinéaste puise dans son outil un nouveau motif : la plongée de la caméra le long de parois de buildings, à la fois représentative du pouvoir omniscient de la police, mais aussi du poids d’un ultra-libéralisme qui s’abat sur Will et Danny comme une épée de Damoclès.

 

Ambulance : photoUn mardi pour Michael Bay

 

L.A. (pas très) confidential

Bien entendu, pour ceux qui n’auraient jamais apprécié la cacophonie de l’auteur, la proposition peut vite s’avérer écœurante. En fait, avec son sound-design ultra-enveloppant et la musique électro-orchestrale nawak de Lorne Balfe, Ambulance pousse au laisser-aller, et embarque le spectateur coopératif dans une expérience de cinéma total.

De là découle d’ailleurs la plus belle réussite du long-métrage : sa peinture vivante de Los Angeles, qu’on n’avait pas vue filmée avec autant de panache depuis Collatéral de Michael Mann. L’hétérogénéité du montage bayien, capable de relier des images a priori immiscibles, touche ici à une forme de sublime dans sa décomposition de l’espace. D’une simple coupe, le long-métrage peut passer des quartiers chics de LA à des terrains vagues aux murs décrépis, et souligne une fracture sociale que traversent littéralement les personnages au fil de la poursuite.

 

Ambulance : photo, Eiza GonzálezCam (Eiza González), le premier vrai perso féminin de Michael Bay ?

 

La ville, en tant qu’entité, ne fait plus sens, et c’est pourquoi Bay s’amuse plus que jamais à chercher des interstices, des espaces interdits où ne devrait pas passer son objectif. Épaulé par la petitesse des caméras RED dont il est devenu l’un des meilleurs utilisateurs, l’artiste se permet tout, comme un gosse qui essaierait de mettre le moindre objet qu’il trouve dans sa bouche.

C’est non seulement grisant (comme lors de ce travelling ahurissant passant sous les essieux d’une voiture en plein vol), mais Bay en vient presque à développer un cinéma métaphysique, qui combat à chaque instant la matière pour essayer de la traverser. La matière du corps est d’ailleurs la première concernée, comme le révèle cette séquence ubuesque de chirurgie, qui plonge dans les entrailles du patient avec une soif de gore assumée.

Pour autant, derrière ses excès les plus foutraques (et qui tendent forcément à lasser sur 2h20), Ambulance fait preuve d’une étonnante retenue pour son auteur, qui trouve enfin le juste équilibre entre sa jouissance d’enfant-roi qui fait tout exploser et le cœur émotionnel de son récit. Rarement aura-t-on même vu Michael Bay se confronter aux comportements toxiques de ses personnages, qui déclenchent ici un aller sans retour vers l’autoroute de l’enfer. Si le cinéaste semble concerné par cette peur de disparaître dans la foule, qu’il soit rassuré : son dernier film prouve bien qu’il n’y en a pas deux comme lui.   

 

affiche officielle

Résumé

Contenu par la force de son concept, Michael Bay s’offre avec Ambulance un film d’action joyeusement expérimental. Los Angeles devient un bac à sable ludique et grisant, qui emporte le spectateur dans des envies de mise en scène de plus en plus délirantes. Sans doute l’un de ses exercices de style les plus aboutis !

Autre avis Mathieu Jaborska
Orgasme absolu pour les fanatiques du maître destructeur (comme l'auteur de la critique ci-dessus), torture pour ses détracteurs, Ambulance prouve au moins qu'il reste de la place à Hollywood pour les stylistes zélés et leurs ambitions (l'utilisation des drones kamikazes !). Ça vaut bien une petite migraine d'après-séance.
Autre avis Simon Riaux
Depuis quelques temps, on craignait que Michael bêle, mais en investissant un récit qu'on jurerait exfiltré des années 90, il retrouve une énergie et une générosité qui font cruellement défaut aux blockbusters contemporains, qu'il électrise à l'aide d'une mise en scène qui n'a jamais semblé plus tellurique.
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Lecteurs

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commentaires
John Spartan
03/04/2023 à 13:12

Vu tardivement.
C'est foutraque, psychédélique et complètement barré,
mais que ce que ça fait du bien.

Garm
03/04/2023 à 09:52

Les plans drone c'est sympa, mais c'est encore mieux quant ça a du sens. Bay en fout carrement partout sans raison apparente

Garm
03/04/2023 à 09:50

Mal filmé, mal monté façon Jean-Marie Poiré, beaucoup trop long pour ce que ça raconte...
Bon allé je me suis senti un peu plus interressé par le dernier quart d'heure du film j'avoue, mais pas merci pour le mal de crâne par contre.

Le sauveteur
08/12/2022 à 18:32

C'est mal filmé, des plans qui durent environ 10 secondes.
Une histoire complètement débile.
Des cris, des gun fight à la pelle.
Des cascades très basiques.
Je me demande pourquoi gyllenhaal a atterri dans ce navet
Quand je vois des films comme baby driver,drive ou speed et en moindre mesure mad max 2, je me dis que bay devrait prendre des cours auprès de ces réalisateurs.

Zurdo
06/12/2022 à 10:31

Vu hier, grosse déception. Alors oui c'est fichtrement beau en 4K, et l'utilisation des drones est intéressante au début, mais on se lasse finalement assez vite.
Pour le reste... je n'ai rien contre le blockbuster qui explose, le scénario n'est jamais ce qu'on attend sur ces films. Mais là le niveau de stupidité monte bien trop haut, ça en devient pathétique. Arrêter une hémorragie avec une pince à cheveux ...
Enfin passons, en fait le plus décevant dans ce film c'est qu'il rate le seul truc qu'il devrait réussir : l'intensité et le suspense. L'ambulance poursuit son chemin sans aucun soucis mais sans aller finalement nulle part, des dizaines de véhicules sont désintégrés sur son passage mais à aucun moment on est impliqués ou tenus en haleine.
Au final il reste bien en dessous de Speed, dont il s'inspire fortement, qui était déjà loin d'être parfait mais au moins était entraînant et essayait de surprendre. Bay a aussi voulu jouer sur le terrain de Cameron avec la poursuite dans la rivière mais la encore, les images sont là mais ça tombe a plat. Les images de LA sont belles, oui, mais le fond d'écran de mon Apple TV fait finalement la même chose.
C'est un virtuose de l'image mais il manque cruellement de cœur et d'inspiration.

Wooster
03/12/2022 à 19:48

Pou qu’un film d’action soit réussi il ne suffit pas que des voitures explosent, il faut que le spectateur se sente impliqué parce qui se passe sur l’écran, et donc qu’il soit en empathie avec les personnages. Et dans ce film, on ne ressent rien. J’ai donc abandonné après 20 minutes.

medecine de guerre
03/12/2022 à 13:34

franchement le type dans l'ambulance,la bidoche à l'airlibre, c'est over the top, ils l'operent in live en pleine course poursuite, dans des conditions sanitaires un peu douteuse, ils y vont a fond dans la bidoche mdr;;
je trouve le type trs courageux d'endurer tout çà, sans tourner de l'oeil
si avec çà il chope pas des saletes nosocomiales je dis chapeau l'artiste

Bay lance des skuds ideologiques
03/12/2022 à 09:12

il ya un passage marrant ou Bay tacle un couple de gays de haut niveau,jdon't l'un fait l'enquete, je crois qu'on est chez un psy dans mes souvenir, donc, LA remarque de m Bay: genre ils ne connaissent pas le vrai L-A au dela de la ceinture au delà de leur quartier gentrifiés mdr
Bay est donc un sociologue macro economique qui s'ignore et qui dit vrai

!?
03/12/2022 à 00:56

J'ai l'impression que c'est un film fait de hasard. Sans réel notion de quoique ce soit.

Pat Rick
02/12/2022 à 20:02

Efficace avec de bonnes scènes d'action mais un peu trop long.

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