Les Vedettes : critique de l'anti-Tuche du Palmashow

Antoine Desrues | 7 février 2022 - MAJ : 19/02/2022 00:13
Antoine Desrues | 7 février 2022 - MAJ : 19/02/2022 00:13

Après des années à livrer des sketchs délirants, Grégoire Ludig et David Marsais, le duo derrière le Palmashow, ont tenté la difficile transition vers le grand écran, où tant d'homologues se sont cassés les dents. Miracle, La folle histoire de Max et Léon était un vrai film d'aventures, drôle et visuellement ambitieux. Alors qu'on attendait avec curiosité la prochaine opération des humoristes, le Palmashow explore avec Les Vedettes la comédie sociale, tout en auscultant une culture de la télévision si centrale dans leur écriture.

Show must go on

Si Max et Léon a bien prouvé quelque chose, c'est que le Palmashow n'a pas l'intention de se reposer sur ses lauriers lors de ses passages au cinéma. Alors que le duo pourrait très bien recycler ses personnages cultes et ses blagues, il ose au contraire se confronter à de nouvelles figures, dont la complexité (voire l'antipathie des premiers instants) ne peut être croquée dans un sketch de cinq minutes.

C'est justement ce qui frappe avec Daniel et Stéphane, les nouveaux alter-ego de Grégoire Ludig et David Marsais. Le premier est un chanteur raté en quête de reconnaissance, le second un acheteur compulsif psychorigide. Tous deux travaillent dans un magasin de tech de zone commerciale, dont la tristesse n'a d'égal que leur ennui. Mais alors que les deux comparses s'inscrivent à une parodie du Juste Prix, ils se mettent soudainement à rêver de la célébrité.

Rien qu'à l'écriture de ce pitch, on se dit que Les Vedettes avait tout pour être une mauvaise idée. On connaît le talent du Palmashow pour ses déconstructions hilarantes de la télévision et de ses codes, qui auraient pu être ici l'alpha et l'oméga d'un grand écran enfilant des perles sur les dérives débilitantes du petit. Pourtant, les deux comédiens, épaulés par leur réalisateur de toujours Jonathan Barré, n'oublient jamais leur priorité : offrir un portrait tendre et touchant de leurs deux losers magnifiques.

 

Les Vedettes : photo, David Marsais, Grégoire LudigLes meilleurs du SAV de Darty

 

À vrai dire, le courage du Palmashow est d'assumer une démarche qui décontenance, voire déçoit dans un premier temps par rapport au coup d'éclat de Max et Léon. On s'étonne d'une mise en scène qui, derrière quelques beaux plans (une demi-bonnette pour marquer un tournant du récit), affiche une photographie de téléfilm, où tout est clair, lisible, sans zone d'ombre.

Mais là réside justement toute la douceur amère d'un film où l'environnement de ses héros est réduit à sa plus grande platitude, des quartiers pavillonnaires quelconques au carton-pâte des plateaux télé. Les Vedettes n'oublie jamais de faire ce raccord entre ses personnages et les symboles de leur condition sociale. Meurtris et solitaires, leur détresse existentielle n'est jamais prise de haut, et le récit ose au contraire aborder un contrepoint sérieux, souvent délaissé par la comédie.

 

Les Vedettes : photo, David Marsais, Grégoire LudigDes décors savamment exploités

 

Very meh blagues

De cette façon, Ludig et Marsais ont toute la latitude pour rire de leurs protagonistes et de leur logique arrêtée, sans pour autant tomber dans la moquerie facile. Les Vedettes n'est clairement pas un festival de punchlines permanentes, et l'équilibre précaire du long-métrage l'amène parfois (souvent ?) à se chercher sur le plan tonal. Pour autant, l'ensemble arbore une bienveillance évidente pour la naïveté de ces types cherchant désespérément à être vus, loin de la tendance du bon prolo idiot, dont Les Tuche et ses suites sont le porte-étendard.

De ces fondations solides, le duo peut alors se lâcher sur une auscultation au vitriol du monde des jeux télévisés. La satire alterne avec pas mal d'efficacité ses attaques ciblées, de la condescendance de producteurs cyniques à la pseudo-sympathie de présentateurs tartuffes, qui se veulent proches du peuple avec leur sourire Colgate et leurs posts Instagram.

 

Les Vedettes : photo, David Marsais, Grégoire LudigPas mal show

 

Loin de l'humour si confortable des trois quarts de la comédie française, qui continuent de prendre pour sujets les mêmes cibles, les mêmes minorités, et les mêmes clichés qui tendent à opposer les communautés qu'ils prétendent rassembler, le Palmashow tape là où ça fait mal, avec une hargne plutôt plaisante. Les marionnettistes du grand spectacle à outrance sont clairement pointés du doigt, sans pour autant délaisser la responsabilité de ceux qui les cautionnent, et alimentent leur pouvoir par cette soif avide de visibilité.

Le problème, c'est que toute cette richesse peine à prendre corps de manière homogène. Ludig, Marsais et Barré s'amusent avec tous leurs référents comiques, des comédies d'Adam McKay au cringe de The Office en passant par l'absurde de Quentin Dupieux, sans pour autant parvenir à faire exister tout ce beau monde. Paradoxalement, c'est là où l'on attendait le plus le Palmashow que le film déçoit. L'humour tombe parfois à plat, surtout au vu des quelques moments brillants qui viennent réveiller les zygomatiques, comme cette présentation de clip ringard déjà culte.

Mais cette semi-déception est peut-être en accord avec le désenchantement qu'on retrouve au cœur des Vedettes. Son regard déroutant sur ces personnages cassés, bien obligés de faire face à la fin de leurs idéaux, a quelque chose d'étonnamment mature pour ceux qui pouvaient être encore réduits à de joyeux sales gosses de la parodie. Le résultat est encore un peu maladroit, mais difficile de prendre en défaut sa force de proposition.

 

Les Vedettes : Affiche officielle

Résumé

Pas toujours drôle mais foncièrement touchant, Les Vedettes permet au Palmashow de prendre des risques. L'ensemble peine à prendre corps, mais prouve avec vigueur que la comédie française peut être autre : bienveillante et intelligente.

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Lecteurs

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commentaires
Flo
03/01/2024 à 13:42

Jonathan Barré et le Palmashow étaient passés du petit écran au cinéma en trop grande pompe avec leur « …Max et Léon », se mettant un peu trop vite dans les pas de Papy faisant de la Grande Vadrouille, sans avoir le tempo comique qui sied à une narration longue – les séquences doivent d’additionner entre elles, pas se neutraliser.
Ce défaut persiste dans leur second long au faux airs de premier, où cette fois ils émulent « Les 3 Frères » des Inconnus (qui n’était pas complétement leur premier film, il y avait avant « Le téléphone sonne toujours deux fois », vraie parodie marrante)… Pour là aussi mettre en scène une charge contre la précarité et ceux qui profitent des plus simples et démunis. Avec une forte présence d’anonymes (autour d’eux, aucun comédiens très connus ni très charismatiques) ainsi que de la télé.
Ce qui n’empêche pas des tentatives esthétiques intéressantes, croisant les banlieues françaises et américaines en leur donnant un look très coloré (le polo qui a la même couleur que la borne d’appel d’urgence !). Ou bien créant des magasins, jeux et émissions télé etc plutôt que de s’incruster chez les équivalents originaux… tout en ne s’interdisant pas de citer de vraies références existantes.
Mais tout ça reste confus, d’autant que les deux personnages principaux sont d’emblée montrés comme ne se supportant pas… et que ça continuera ainsi jusqu’à la fin, sans qu’il y ait la moindre évolution entre eux, ni même un antagoniste potable pour les confronter (c’est pas Julien Pestel qui va nous secouer tout ça). À part un bref défonçage de « 4eme mur » à la fin, le film est en manque de férocité, de folie pour mieux nous faire apprécier ces individus encore trop détestables pour symboliser la revanche des « petits ». On peut même affirmer que l’équipe s’est trompée en s’échinant à vouloir faire une comédie sophistiquée (trop de gags tombent à plat), puisque c’est plutôt un film dramatique super amer qui se cache là dessous, bien plus intéressant.
À quand un remake par Edgar Wright, histoire de pousser le potentiel vraiment plus loin ?

X-or
12/06/2022 à 22:27

Pour qu'une comédie soit bonne, il faut qu'elle fasse rire.
Il faut des seconds rôles béton.
Un sens du rythme aussi.
Il n'y a rien de ça ici.
Le film est d'une platitude sans nom.
L'écriture est super faible.
J'ai dû sourire 3 fois.


09/02/2022 à 14:05

@Jean Louis David Par contre niveau réac toi t'as toujours le même niveau

Jean Louis David
08/02/2022 à 13:16

Quand t'as connu et vénéré les Inconnus, les Nuls et l'époque Canal et que tu tombes là dessus... et que ça marche fort pour eux... On a perdu en level ça fait peur

Pc et Rico
08/02/2022 à 11:21

Pc et Rico sont dans un bateau. Pc en**** Rico qui en**** Pc. Qui est donc tombé à la mer ?

pc
08/02/2022 à 00:43

Max et Léon bon film ? Ahahaha. En sortant de la projo avec mon fils âgé alors de 10 ans je me souviens de ce qu il m a dit. "Il est pas mal le film mais est pas drôle !!!!"Bon ça n est que mon avis au risque de me faite insulter mais je me demande toujours ce qu on trouve à ces deux comiques (sic) qui ne m ont jamais décroché un seul sourire. Je n ai jamais vu la parodie aussi mal jouée ni aussi mal écrite. L affiche de leurs nouveaux exploits est l image de l idée que je me fais de leurs talents(sic) : d une laideur et d un foutage de gueule abyssal.

Rico
07/02/2022 à 18:37

« La folle histoire de Max et Léon visuellement ambitieux », c’te blague

Chris11
07/02/2022 à 18:06

Vu en AP vendredi dernier.
Très bon film, malgré un côté doux-amer qui peut déstabiliser. C'est empreint de nostalgie et terriblement actuel, très moqueur et cynique mais jamais méchant. Ces deux personnages me font beaucoup penser à Perceval/Karradoc, deux gamins immatures voire stupides mais d'une naiveté si désarmante que ça les rend attachants.

Bubble Ghost
07/02/2022 à 16:31

C'est pour ça

Sanchez
07/02/2022 à 15:24

Taureau

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