Cry Macho : critique Raide Vieille Redemption

Simon Riaux | 21 septembre 2022 - MAJ : 26/09/2022 12:15
Simon Riaux | 21 septembre 2022 - MAJ : 26/09/2022 12:15

Chaque nouveau film de Clint Eastwood est un jalon dans la carrière d'un artiste qui après avoir bâti sa propre légende, a décortiqué celles de l'Amérique. Avec Cry Macho, il retrouve la défroque usée du cowboy solitaire, le temps d'une traversée mexicaine aux allures de rédemption tardive.

TOUS EN SELLE

Celui qui fit les beaux jours du feuilleton Rawhide, avant de devenir l'égérie de Sergio Leone, une superstar du cinéma et un des plus grands ambassadeurs d'un classicisme hollywoodien dont il est à présent le dernier gardien du temple, retrouve ses racines de cowboy charismatique. Devant la caméra, il devient Mike Milo, ancienne gloire de rodéo, foudroyé par un accident de vie qui l'aura laissé moralement en miette, tout juste bon à maudire la vie, les canassons et ses semblables. Son ancien patron lui confie une dernière mission, aux airs de reconnaissance de dette. Retrouver le fils dont il s'est occupé au Mexique, et le lui ramener.

Depuis Impitoyable en 1992, on aura plus d'une fois qualifié l'oeuvre du grand Clint de testamentaire, quand elle est longtemps demeurée funèbre. Cela fait plus d'une trentaine d'années que sa mise en scène aride ne paraît plus s'iriser que quand la mort rôde aux abords du cadre. Qu'il chronique la Seconde Guerre mondiale, un fait-divers du début du XXe siècle, les mésaventures d'astronautes rangés des voitures, il a questionné les mythes américains en guettant leur dimension mortifère durant ces trois dernières décennies.

 

photo, Clint Eastwood, Eduardo Minett"Il est où ce Ted Lasso ?"

 

Après quoi il aura régulièrement étudié la figure du héros typique, l'appréhendant tantôt comme un anachronisme mal reçu par une société médiocre (Le Cas Richard Jewell), un miroir aux alouettes mensonger (Mémoires de nos pères, Lettres d'Iwo Jima) ou une certaine incarnation du doute (American Sniper). En parallèle, et c'est peut-être là qu'a résidé la qualité testamentaire de son cinéma, il aura rejoué successivement plusieurs des figures de son cinéma pour constater leur vieillissement, ou leur survie, dans Gran Torino comme dans La Mule.

Sur le papier, Cry Macho semble désireux d'épouser tous ces possibles simultanément. Le récit permet à son cowboy rouillé de ressusciter au contact d'autant de thématiques, d'idées, de concepts, bien connus de ceux qui arpentent sa filmographie. Et c'est avec de profondes bouffées de nostalgie que l'on suit son vieux corps traverser le Mexique, faire la nique à quelques cas criminels peu recommandables, dresser des chevaux sauvages, accompagner une quête initiatique adolescente, et humecter son lot de personnages féminins sous-écrits. Malheureusement, c'est derrière la caméra que tout se gâte.

 

photo, Clint Eastwood, Eduardo MinettPetit Torino

 

L'INSPECTEUR PALIT

Acérée dès Un Frisson dans la nuit, premier film qu'il réalisa, sa mise en scène est progressivement arrivée à l'os au fil des années. La Mule en témoignait avec brio, tant le cinéaste - et le comédien - était parvenu à embrasser toute une vie de cinéma en lui soustrayant presque tous ses effets superflus. Un récit à l'os, filmé avec rudesse, sobriété, jusqu'à laisser exploser l'émotion chez le spectateur. On sent qu'Eastwood voudrait retrouver ici quelque chose de cette sécheresse qui appelle si bien les larmes. Mais il est désormais un pont trop loin.

Tandis que la photographie de l'excellent Ben Davis essaie de renouveler l'image anthracite des précédents films du maître, la chaleur qu'il insuffle dans son cadre ne sied jamais à la rugosité des protagonistes, pas plus qu'à un découpage une nouvelle fois très économe. Cette dissonance s'ajoute à un constat émouvant, mais terrible : Cry Macho se rabougrit de séquence en séquence. Chaque opportunité de confronter (encore) un jeunot à la figure du lonesome cowboy râleur se fait plus contenue, moins forte, toujours plus cruellement anecdotique. La caméra n'est pas aidée par le scénario de Nick Schenk et N. Richard Nash (lequel adapte ici son propre roman).

 

photo, Clint Eastwood, Eduardo MinettPassionnant ce jeu à boire

 

On voit bien comment l'histoire voudrait effeuiller tous les stéréotypes un temps cristallisés par Eastwood, mais aucun ne bénéficie d'assez d'ampleur pour exister, se conjuguer à la fascinante anatomie du cinéaste, désormais plus fragile que vulnérable. Mais on dénombre trop d'énormes facilités, de raccourcis parfois grotesques, pour que le charme opère.

Clint s'attire en quelques secondes les faveurs d'une madone criminelle à laquelle il vient soutirer son fils, quand il charmera quelques minutes plus tard une aubergiste avec la finesse d'un Steven Seagal sous cortisone, ou que le redoutable gosse des rues qu'il va devoir débourrer à la manière des chevaux sauvages que le duo croise (le parallèle est ici d'un embarras stupéfiant). Un catalogue poussiéreux, quand il n'est pas involontairement comique.

 

photo, Clint EastwoodUn visage fascinant

 

TENDRE EST LA NUIT

Mais pour les amoureux de l'artiste, de sa carrière comme du symbole qu'il est devenu et dont il ne peut plus se départir, Cry Macho contient encore quelques raisons, sinon d'espérer, à tout le moins de faire un peu de chemin aux côtés d'Eastwood. Parce qu'il paraît désormais impensable de ne pas demeurer ses compagnons, par écran interposé, alors même qu'il continue de se filmer, de filmer la vieillesse et sa sanction inéluctable, avec un mélange de liberté, de renoncement, d'acceptation, aussi inédit que bouleversant. Que le réalisateur s'attarde soudain sur ses propres mains noueuses, ou s'observe tentant de capturer un poulet au gré de ses pas hésitants, et l'émotion point.

Le dessèchement de l'ensemble du film ne l'empêche pas non plus, ici et là, de nous surprendre et de retrouver soudain la poésie minérale qui a toujours semblé guider sa caméra comme son interprétation. On songe évidemment à ce plan splendide, où, dormant à la belle étoile, la carcasse fatiguée de Clint se fond soudain avec le sol, avec la terre battue par les vents de l'Ouest américain, du western, et à travers elle, de toute l'histoire du cinéma. Et quand tout à coup sa voix se brise, lorsque la caméra scrute son faciès que dissimule l'ombre portée d'un chapeau, c'est ce vibrato si souvent mal compris ou dédaigné qui éclate sur l'écran.

Tout cela fait à la fois si peu, quand on a aimé la puissance du cinéma d'Eastwood, et tant, quand on constate semaine après semaine l'étiolement de la création hollywoodienne.

 

Affiche FR

Résumé

Plus fragile que vulnérable, rabougri que modeste, ce nouveau film de Clint Eastwood a des airs de fantôme essoufflé. Au moins lui reste-t-il quelques jolies scènes pour nous hanter.

Autre avis Antoine Desrues
Avec une facilité déconcertante, Clint Eastwood tisse avec Cry Macho un néo-western tendre sur les mythes révolus de l'Ouest. Tel un merveilleux grand-père de cinéma, l'auteur embrasse pleinement son alias de fiction pour délivrer les touchantes leçons de vie d'un homme qui a roulé sa bosse. Et ça fait un bien fou !
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Lecteurs

(2.2)

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commentaires
Pierre. B
22/09/2022 à 23:24

Peut être, le film de trop. Il nous doit une revanche, pour sa sortie de sa belle filmographie. Vive Clint.

alulu
21/09/2022 à 20:41

Force à lui.

X-or
19/12/2021 à 01:04

À des années lumières de Richard jewell.
Décevant car le film n'a rien à raconter ou à dire.

Shelby
16/11/2021 à 20:46

Tout ce qui est Clint, j'adore! Il ne se laisse pas traîner systématiquement sur les sujets de lutte anti-raciales et tout ça, il décrit l'Amérique à travers la vie des cow boys sans tricher ni déformer l'histoire,bravo Clint! Encore quelques uns!

Hocine
13/11/2021 à 04:03

Personnellement, dans la filmographie de Clint Eastwood, j’aurais tendance à ranger Cry Macho aux côtés de films tels que Les Pleins Pouvoirs, Jugé Coupable, Space Cowboys ou Créance de Sang. Ce sont également des films qui ont été jugés mineurs voire décevants dans l’ensemble, lorsqu’ils sont sortis en salles. À défaut d’être parfaits, ils nous donnent des clés pour mieux appréhender le cinéma d’Eastwood, tout en remplissant la fonction de divertissement. Par le biais du cinéma de genre, Clint Eastwood livre une réflexion personnelle sur la vieillesse, sur la virilité et sur sa propre vie, en plus d’une réflexion sur la société américaine.
Je pense que Cry Macho et les autres films cités s’apprécient mieux, si le cinéma d’Eastwood nous est plutôt familier. De plus, c’est précisément parce que Clint Eastwood joue dans ces films, que ces derniers présentent un intérêt certain. Cela pourrait paraître injuste aux yeux de beaucoup, mais le parcours singulier de Clint et sa place tout aussi singulière dans l’histoire du cinéma font que le regard que le public et la critique portent sur lui et son travail, ne sera pas le même que sur un autre acteur ou réalisateur. Depuis longtemps maintenant, à chaque nouveau film de Clint, on a le droit à un bilan général de sa carrière voire à un hommage, par exemple.

Flo
12/11/2021 à 09:10

On se détend, je ne souhaiterais pas débusquer les fiertés blanches qui rodent ici, je ne parlais évidement pas de son physique.... mais de sa stature de vieux chnoque blanc conservateur.

Kyle Reese
11/11/2021 à 23:43

@Flo

Ah .... parce qu'il y a des mâles de plus 80 ans d'une autre couleur plus splendide que Clint ?

Flo
11/11/2021 à 22:58

Le mâle blanc de plus de 80 ans dans toute sa splendeur, BURK !!

Sandra mon mari est moi même on as été voir le dernier client je salue l'artiste pour son film j'espère qui l en feras d'autres encore chapeau l'artiste il nous fait rêver dans se monde si devasteur
11/11/2021 à 20:55

Sandra est mon mari on as été voir cry macho on as adoré chapeau bas l'artiste j'espère qu'il nous émerveiller as encore merci pour ses instants magiques nostalgies belle musique merci pour tous Clint de la part de tes fervents admirateurs à bientôt dans un prochain film

Hocine
11/11/2021 à 13:47

Cry Macho est une série B à l’ancienne, d’un autre temps, au scénario sec et allégé de toute complexité, qui n’est qu’un prétexte pour filmer le visage et le corps de Clint Eastwood, marqués par la vieillesse. A ce propos, son âge ne m’a pas gêné. Après tout, il est vieux depuis longtemps. C’est un film agréablement anachronique, qui joue à fond la carte de la nostalgie. Acteur de cinéma par excellence, Clint est quasiment de tous les plans.

Clint traverse le film tel un fantôme égaré: lorsqu’il traverse une pièce pleine de personnes, dans la propriété luxueuse où se trouve la mère de Rafo, j’ai brièvement pensé au personnage mystérieux du cow-boy de Mulholland Drive de David Lynch.

Cry Macho complète parfaitement La Mule. A ceci près que Cry Macho se déroule à la fin des années 70 et au début des années 80: ici, pas de réflexion sur les nouvelles technologies, les téléphones portables ou internet. Seuls comptent les moments de vie, les rapports humains, la nature et les animaux. On revient à la naïveté de Bronco Billy, où le personnage de Clint était accroché à la légende de l’Ouest américain, à travers son cirque itinérant, voire Space Cowboys, dont le thème musical principal est repris dans Cry Macho.

Alors, non, Cry Macho ne joue pas dans la même cour que les meilleurs films de Clint Eastwood. Cependant, Cry Macho les met en valeur et dialogue avec eux. Plusieurs scènes semblent en effet passer en revue la filmographie de Clint Eastwood.

Personnellement, j’ai passé un agréable moment.

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