Beckett : critique complotriste sur Netflix

Raphaël Iggui | 13 août 2021 - MAJ : 17/08/2021 09:47
Raphaël Iggui | 13 août 2021 - MAJ : 17/08/2021 09:47

Présentée comme une course à la vérité haletante dans une Grèce rongée par une conspiration de grande envergureBeckett est finalement bien moins ambitieuse que ce que laissait présager la promotion faite par Netflix. En revanche, le film porté par John David Washington et Alicia Vikander parvient à offrir quelques bouffées d'air frais bienvenues au genre ultra-codifié du film de complot.

Com-plot-twist 

Le pompon pour un film de complot, c'est quand même de rater son complot. Les possibilités sont vastes et on peut vite se perdre. D'abord en faisant des poupées russes de conspirations où tout le monde trahit tout le monde à commencer par le scénariste. Puis en dressant une conspiration si vastement absurde que les reptiliens adeptes de Raptor Jesus passent pour une excellente option... Chez Beckett, point de tout cela. C'est par imprécision et non par excès de détails que le film pêche. La quantité d'information est raisonnable, mais les contours sont trop flous pour y voir clair. 

Les bad guys sont d'abord un groupe d'extrême droite infiltré dans les forces de police, puis un groupe d'extrême gauche pour enfin conclure sur le fait qu'il s'agit d'une simple histoire mafieuse. Le gouvernement américain y est impliqué, mais pas vraiment, enfin si, mais... bref, le film semble chercher à jouer avec nos attentes et les faux-semblants. Sauf qu'il finit par s'embourber dans le sillage qu'il a lui-même tracé. On ne comprend jamais les ramifications d'une conspiration qui semble remonter loin, mais qui restera "Secret défense" aux yeux des spectateurs comme le répète ad-nauseam le personnage de Boyd Holbrook.

 

Photo, Boyd Holbrook"Je vous ai dit que j'étais méchant ?"

 

Idem pour les incarnations physiques de cette menace tentaculaire. Les bad guys installés au début (dont un clone grec de Robert De Niro) disparaissent à la moitié du film pour sortir de nulle part juste à la conclusion. L'objectif étant sans doute de laisser la place au personnage de Boyd Holbrook incarnant le versant gouvernement américain de ce complot. Mais ici aussi, malgré tout le charisme de son interprète, on a du mal à dépasser le sentiment poli d'ennui face à une menace qui semble se limiter à trois pleupleus quand on nous vend un complot d'ampleur internationale

En faisant reposer son film sur des antagonistes aussi bancales, le film ne parvient jamais à susciter un sentiment d'urgence profond créant l'illusion que le protagoniste principal pourrait disparaître au moindre faux pas. La tension remonte au détour de certaines séquences, mais l'ensemble laisse plus l'impression d'un diaporama de vacances ponctuées de quelques éclats de violence bienvenue. Sans doute Ferdinando Cito Filomarino voulait-il nous faire ressentir un complot à hauteur de simple citoyen égaré dans un pays inconnu, mais il parvient surtout à nous donner le sentiment d'être un touriste dans son propre long-métrage. Une impression qui rejaillit jusqu'à la mise en scène de Beckett.

 

Photo, John David Washington"Il va par où le scénario déjà ?

 

Platiste de la réalisation

Les scènes de confrontation entre notre protagoniste et les responsables du complot sont symptomatiques des limites, mais également des qualités de la mise en scène de Filomarino. Le long-métrage en compte moins de cinq, dont la qualité et l'intensité montent crescendo. Les premières sont les plus poussives, notamment la scène du train semblant être montée sciemment pour en désamorcer toute violence et toute tension. Mais Filomarino évite le piège de la Shaky Cam façon Jason Bourne en proposant un découpage de plus en plus précis. 

Le summum est atteint avec la dernière scène de confrontation entre notre protagoniste et les deux antagonistes fantômes. Filomarino parvient à organiser un ballet confus, à l'image de l'état de notre héros, mais toujours lisible en termes de mise en scène. La tension monte enfin, soulignée par l'excellente musique composée par Ryuchi Sakamoto (Furyo, le vrai Snake Eyes, The Revenant) et on aurait presque peur pour la vie d'un John David Washington haletant loin de la douce léthargie des confrontations précédentes.

 

Photo, John David WashingtonSpectateur médusé devant les scènes d'action

 

En fait, Filomarino ne conforme jamais sa caméra aux codes habituels des films de complot. Il ne cherche pas à nous resservir du Sydney PollackAlfred Hitchcock ou du Alan J. Pakula passé au micro-ondes. Ex-compagnon et réalisateur de seconde équipe de Luca Guadagnino sur Call Me by Your Name, A Bigger Splash et Suspiria, Filomarino semble presque chercher à annuler la tension de son récit pour mieux contempler son héros dériver. 

Au lieu de nous emporter dans une fuite trépidante et rythmée, Filomarino préfère poser sa caméra. On pourrait arguer que l'Italien ne sait juste pas filmer de manière nerveuse, et qu'il n'était pas le candidat idéal pour mener ce récit tambour battant. Au contraire, sa réalisation apporte justement une touche rafraîchissante en proposant un rythme plus calme, plus apaisé comme si le séjour romantique d'Alicia Vikander et John David Washington en Grèce avait contaminé l'entièreté du film. 

 

Photo, John David Washington, Alicia VikanderLa Mémoire (de vacances) dans la peau

 

À la grâce de la Grèce

En arrachant son personnage principal à la dictature de l'échappatoire permanente, Filomarino parvient à mieux l'ancrer dans le paysage grec. Rarement vue au cinéma, le film nous offre une Grèce dépouillée, d'abord boisée et minérale pleine de petits villages puis sa capitale, gangue de béton ultra étalée. Accordé au rythme, ce choix donne au film un côté balade champêtre / road movie pas désagréable. Idem pour la question du complot, qui s'ancre parfaitement dans la réalité du pays.

Le groupe d'extrême droite Soleil Levant qui aurait kidnappé le neveu de l'homme politique Karras est inspiré du parti d'extrême droite Aube Dorée. Karras rappelle d'ailleurs étrangement Alexis Tsipras, de par son discours sur la dette et l'Union européenne. L'atmosphère des manifestations est également bien reconstituée même si, encore une fois, on peut en déplorer l'absence de nervosité. Surtout, l'implication des États-Unis dans un tel complot pour faire tomber un homme politique de gauche a des relents de Guerre froide très réalistes

 

photo, John David WashingtonWashington black bloc

 

Ironiquement, le dénouement du film dévoile le vrai sujet de fond qui aura été aussi absent du long-métrage que nos bad guys principaux : le deuil et la fuite face à ce dernier, à la fois littérale et figurée. Le personnage de John David Washington est en fait rongé par la culpabilité suite à la mort de sa femme, et c'est en cherchant à revoir une dernière fois son corps qu'il plongera tête baissée dans la machine infernale du complot. Sa quête de vérité n'est en fait qu'un écran entre lui et ses remords, et même s'il remporte une victoire sur le complot, c'est pour mieux revenir à sa propre douleur

Une idée excellente qui aurait pu conférer une puissante charge métaphorique à Beckett, mais finit par tomber à plat en ne revenant que sporadiquement à l'écran. Un résultat décevant quand on voit l'attachement que parvient à susciter en Filomarino envers le couple Alicia Vikander-John David Washington en peu de scènes.

L'acteur de Tenet est d'ailleurs l'un des principaux atouts du film, immédiatement crédible en touriste égaré dans un pays et une affaire qui le dépasse, et idem pour Vikander. La pauvre Vicky Krieps se retrouve sacrifiée par le scénario malgré un joli rôle et Boyd Holbrook est définitivement fait pour incarner des méchants délicieusement détestables.

Beckett est disponible sur Netflix depuis le 13 août 2021 en France

 

Affiche US

Résumé

Trop disparate et beaucoup trop détaché de son sujet principal, Beckett parvient néanmoins à maintenir l'intérêt du spectateur grâce à un casting pertinent, une mise en scène qui sort de l'ordinaire et un ancrage réaliste dans le cadre grec. Une occasion manquée, mais passionnante par les coches qu'elle loupe presque consciemment. 

Autre avis Arnold Petit
Malgré une intrigue ténue et confuse, Beckett peut s'appuyer sur la sobriété de Ferdinando Cito Filomarino et son excellent casting (John David Washington en tête) pour captiver jusqu'au bout.
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Lecteurs

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commentaires
Morcar
08/06/2022 à 15:03

J'ai regardé ce film sur Netflix, et bon dieu que c'est mauvais ! Trois étoiles, vous êtes sérieux ?
On croirait être face à un vieux téléfilm roumain, au point que je me demande comment ils ont fait pour avoir ce casting. Ils ont tout dépensé dans les cachets ?
Le film se résume quand même à un mec qui passe son temps à courir pour échapper à des méchants pas beaux, et pas doués. Parce que pour réussir à se faire sans arrêt battre par un mec qui a un bras dans le plâtre, s'est pris une balle dans l'épaule, puis une autre dans le ventre, il faut quand même être sacrément empoté ! Mention spéciale au monsieur tout le monde qui se jette du haut d'un parking, comme ça juste au pif, pour atterrir comme il le souhaitait pile poil sur le capot de la voiture qui s'apprêtait à sortir dudit parking trois étages plus bas.
Dès le départ, l'intrigue est tirée par les cheveux. D'accord, le mec a vu un truc qu'il n'aurait pas du voir. Mais pourquoi le laisse-t-ils partir pour ensuite tenter de le tueur juste parce qu'il est retourné sur les lieux de son accident ?

Mise en scène digne d'un boulard des années 80, photo au diapason, intrigue pas du tout crédible et sans intérêt, et personnages écrits avec les pieds. Vous trouvez franchement quelque chose à sauver à ce naufrage ? D'accord, c'est italo-brésilien, et ça n'a sans doute pas les moyens d'Hollywood, mais ça n'excuse pas tout.

Neji
18/08/2021 à 12:19

@kulem.
Effectivement je suis atterré attristé du cinéma français depuis une bonne quinzaine d'années nous sommes dans un pays où nous avons l'impression que seuls les comédies de base étage puisse fonctionner le film de genre n'existe quasiment pas je suis affligé de voir des productions ,du pognon donner à des pseudos réalisateur de téléfilm se prendre pour des artistes dans leurs petits microcosme parisien.
Mon seul droit à la critique et mon étiquette de passionné et de gros consommateur, le cinéma français effectivement toutes les merdes avec Omar et compagnie mériterait une demi étoiles.
Le cinéma français a des qualités tout de même il y a de grands acteurs , une qualité d'écriture mais jamais foutu de la mettre en scène ect...

Terryzir
16/08/2021 à 00:19

Enfin une bonne surprise de Netflix !!! Depuis The Dig, je désespérais...
Un film pas haché menu au montage, où l'on prend le temps de poser sa caméra, un point de vue, d'y installer une atmosphère, une tension accompagnée admirablement par une musique sobre et intelligente. C'est rare, trop rare !
Chez Filomarino, on sent qu'Antonioni est passé par là. Et John David Washington est sans conteste le nouveau Richard Kimble !
Ceux qui reprochent au film d'être mou du genou, ce sont les mêmes qui se gavent de saloperies montées de façon clipesque et qui en redemandent. Les goûts et les couleurs, ça se discute !
Là, les scènes d'action sont très réalistes : pas d'effusion de sang pour rien, pas de coup de feu sans tympan explosé, pas de chorégraphie improbable avec des surhommes gonflés aux hormones, etc.
On est dans le vrai, ça prend son temps, et ça fait du bien de voir un vrai film de cinéma qui ne prend pas le spectateur pour un consommateur décérébré accro aux jeux vidéos !

Kelso
15/08/2021 à 13:06

C'est mou, on s'ennuie, filmé avec les pieds, j'ai tenu 40min. Et je comprend pas ce qu'on trouve a John David Washington mais cet acteur a le charisme d'une huitre, très loin du talent de son père, un peu comme le fils a Will Smith mais en moins catastrophique quand même.

Matrix R
14/08/2021 à 18:17

John David et Michael b. Jordan deux moins que rien dans le star système black Hollywoodizn
Le premier est pistonné par sa majesté, le second est une pâle copie de Wesley Snipes

KULEM
14/08/2021 à 09:11

@Nyarthotep , @Neji , @Hank Hulé

J'ai pas vu le film je vais pas rentrer dans le jugement , mais si c'est mal filmé , que la photographie est banale , et tout ce que vous voulez , comment allez vous juger et critiquer certains de nos chers films francais ??
C'est meme plus une étoile pour 95% d entre eux , c'est juste le neant cinematographique voire carrement du foutage de gueule , à l image d un Jean Dujardin ou d un Omar SY en mode "serieux" = zero credibilité

Enfin ca attise ma curiosité...

Hank Hulé
14/08/2021 à 02:34

Un film moi du fion avec un héros grassouillet qui court à deux à l'heure. Zéro de tension.

Neji
14/08/2021 à 01:37

Vous êtes tout de même formidable vous démonter un petit peu le film et sur des points bien spécifique qui sont effectivement branlant, bancal pour au,finale lui coller3 étoiles.
Ça mérite tout juste une étoiles le casting et top effectivement ce qui sauve ce film du nanardesque, scène d'action pathétique filmer avec les pieds la musique est quasi inexistante la photo d'une banalité à pleurer c'est pas parce qu'on film avec en grand angle un pont au cul d'une bagnole que le réalisateur a forcément du génie..
Rajouter à sa un scénario bancal voir par moment risible on nous parle de mafia de complot ,il y a trois pauvres protagoniste .
Bref un petit téléfilm sympathique mais vraiment pas plus Netflix nous remplis du contenu avec du liquide amniotique...

Maski mask
14/08/2021 à 00:52

Je suis pas de l'avis de ceux qui trouve se film mauvais, le scénario est classique certe mais la réalisation je la trouve magnifique comme un film de guadagnino (qui est le producteur du film), la composition musicale est vraiment bonne parfois kitch dans ses scène course poursuite, lai passer un très bon moment tout en ayant admirée le paysage, John David Washington porte le film a lui seule, il est excellent,

Nyarthotep
13/08/2021 à 22:40

Si je devais résumer l’effet que m’a fait ce film : un nanar comme on n’en fait plus. Les scènes de « tension » et d’action étaient plus comiques que tragiques. Une bonne comédie filmée à l’ancienne avec un acteur sûrement pistonné par papa Denzel, car son jeu et son langage corporel sonnaient aussi faux l’un que l’autre…

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