Sans un bruit 2 : critique sonore

Mathieu Jaborska | 8 avril 2022
Mathieu Jaborska | 8 avril 2022

Sans un bruit 2 est ce soir à 21h08 sur Canal+.

C'est peu de dire que la première incursion de John Krasinski dans le fantastique avait fait grand bruit. La critique, tout heureuse de pouvoir se confondre en jeux de mots douteux, lui avait réservé un accueil chaleureux. Le public, bouche-à-oreille flatteur oblige, s'était précipité dans les multiplexes, au point d'en faire un des plus gros succès récents du genre. Après des mois d'attente, sa suite Sans un bruit 2 arrive enfin en salles. Le retour d'Emily Blunt et l'arrivée de Cillian Murphy lui garantiront-ils la même popularité ?

ébruitement

Il faut bien l’avouer, la crédibilité du concept sur lequel reposait Sans un bruit (un monde dévasté par des créatures attaquant non pas tout ce qui bouge, mais tout ce qui fait du bruit) tenait in extremis à sa concision spatiale et narrative. Grâce au point de vue familial et au quasi huis-clos, Krasinski mettait en scène un microcosme. Forcément, la suite impose un élargissement de l’univers. Et par conséquent, le principe se craquèle de toutes parts.

 

 

Les quelques incohérences, que beaucoup avaient choisi de balayer sous le tapis, se retrouvent démultipliées au fur et à mesure qu’on découvre l'extérieur. La suspension d’incrédulité prend un grand coup quand le scénario ne cesse de contredire ses propres modalités, excluant tel ou tel type de son de la perception des antagonistes (pourquoi certains bruits naturels ne les atteignent pas et d’autres si ?), ou quand il fait involontairement de son McGuffin, que les connaisseurs du premier opus peuvent sans mal deviner, une source de questionnements intarissable (comment le monde a-t-il pu sombrer sans y penser ?).

 

photo, Emily BluntUn espace insonorisé de plus

 

Malin, le film tente de faire passer la pilule en considérant les aptitudes des monstres largement acquises et indiscutées. De fait, il n’apporte aucune modification à son concept. Il se contente de le contorsionner encore plus sans faire évoluer ni la menace ni la situation générale. Sans un bruit 2 ne fera donc pas sauter les carcans de son univers, il se contentera logiquement de conter les aventures de Evelyn (Emily Blunt, toujours convaincante) et de ses enfants (Millicent Simmonds et Noah Jupe, également à la hauteur) hors du cocon familial.

Une expédition finalement assez sage puisque la sauvagerie censée caractériser le monde extérieur, thématique obligatoire de tout post-apo ambitieux depuis Mad Max, La Route et son adaptation, s’avère finalement assez peu présente. Elle n’est convoquée que pour relancer l’intrigue à l’aube du troisième acte. En dépit des promesses de son pitch, cette suite reste assez timide, mais a le bon sens de se prémunir d’un discours attendu du type « les vrais monstres sont humains », qu’elle aurait eu du mal à concilier avec son esthétique et son sens de la mise en scène, encore une fois très souvent au rendez-vous.

 

photo, Cillian MurphyUne scène difficilement compréhensible

 

A quiet pace

À première vue, Sans un bruit 2 semble donc jouer la carte de la sécurité et tenter avant tout de reproduire les qualités de son ainé, certes tout entier dédié à son concept, mais aussi intégralement tourné vers ses personnages. Néanmoins, c’est justement lorsqu’il tente de marcher dans ses pas qu’il se fourvoie, handicapé par (attention, spoiler de Sans un bruit premier du nom) l’absence du personnage du paternel, campé par le réalisateur lui-même. Un vide qu’il essaie désespérément de combler.

En effet, difficile de ne pas voir chez le nouveau venu Cillian Murphy la figure d’un père de substitution, rôle qu’on le voit endosser à la seconde où sa barbe hirsute s’invite dans le champ.

 

photo, Cillian MurphyLa loi de Murphy

 

Évidemment, l’acteur ayant fait les grandes heures de la filmographie de Danny Boyle ne se déleste pas de son charisme habituel (bien que Krasinski n'ait pas démérité non plus). Cependant, son implémentation traduit une volonté de rejouer les enjeux émotionnels du premier opus à grands coups de traumas à panser, volonté s'immisçant bien plus maladroitement dans le récit. Un défaut qui en vient à parasiter deux séquences de tension, dont une exaltante sur le papier, incompréhensible dans l’exécution et sa gestion de l'espace.

Le choix de reposer sur les lauriers bien mérités de l'original a, au moins, le mérite de recycler ses vertus techniques indéniables, en tête desquelles un mixage sonore particulièrement intelligent. Il fait une fois de plus la nique aux productions horrifiques contemporaines et leurs jumpscares surbourrins (suivez notre regard) et une mise en scène inspirée, capable de créer de la tension, malgré le design toujours aussi générique des monstres.

 

photoLa croix et la bannière

 

Le silence des agneaux

Et c’est ainsi que, malgré une relative absence de prise de risque, Sans un bruit 2 confirme les aptitudes de l’ex Jim de The Office derrière une caméra. Bien conscient qu’il ne peut plus user quasi exclusivement du hors champ, celui-ci entend bien changer sa conception du suspense et s’en remet à un jeu sur les échelles de plan et la profondeur de champ souvent virtuose. Désormais, lorsqu’elles attaquent, les créatures ne surgissent plus, elles se rapprochent. Un changement de perspective très cohérent avec l'agrandissement de l’univers.

Pour nous en convaincre, le cinéaste ouvre son essai avec une séquence spectaculaire, peut-être la plus impressionnante de la saga en devenir. Véritable note d’intention artistique du film, elle détaille avec précision, et en dépit d'un décor complexe, une nouvelle manière de filmer les bestioles, non plus planquées hors de vue, mais agissant en plein jour, en plein cadre. De même, leur aspect peu original est largement contrebalancé par la qualité des effets spéciaux et la violence de leurs mouvements. Elles deviennent flippantes par leur capacité à dévorer la profondeur de champ pour fondre sur les personnages, et les envoyer valdinguer telles des poupées de chiffon.

 

photo, Millicent Simmonds, John KrasinskiLe jeu du silence

 

Tandis que le classement PG-13 est poussé dans ses derniers retranchements, le réalisateur et scénariste dévoile le meilleur argument du long-métrage : celui de nous rappeler en permanence à la fragilité des personnages, envers et contre le climax du premier volet. En séparant très tôt la famille unie grâce à un montage alterné, il élimine directement ses acquis et lutte contre une tendance très américaine au rassemblement familial. Ils ont appris à survivre ensemble, ils vont devoir apprendre à survivre seuls. Ainsi, la véritable héroïne reste la jeune fille campée par Millicent Simmonds, au cœur d’un arc narratif empruntant beaucoup au road movie en général, à The Last of Us en particulier.

Sa quête, culminant dans un climax tirant le meilleur de ce jeu sur les échelles de plan, finit donc par passionner, pour peu qu’on accepte de laisser la logique de côté. Et alors que cette suite semble, a priori, avant tout élargir un peu artificiellement l'intrigue de Sans un bruit, elle nous livre en fait une histoire d’émancipation dans un univers où tout peut voler en éclat en l’espace d’une seconde. C’était assez pour un second opus, peut-être pas pour une franchise.

 

Affiche française

Résumé

Sorti de son semi-huis-clos familial, le concept fragile qui motivait les enjeux de Sans un bruit s'effondre sur lui-même. Mais s'il est souvent tenté de reproduire la formule gagnante, Krasinski parvient tout de même à bouleverser un peu son univers et à surtout ne pas faire retomber la tension.

Autre avis Simon Riaux
Assumant tout à l'absurdité de son concept, mais usant de tous ses moyens de metteur en scène, John Krasinski réussit un divertissement rondement mené, aussi décomplexé que filmé avec soin, plus haletant et nerveux que son aîné.
Autre avis Geoffrey Crété
Le murmure fragile et excitant du premier Sans un bruit se transforme en gros bruit de série B bête et grossière, qui exploite l'univers sans aucune autre destination que la franchise. Le fait que la meilleure scène soit un flashback n'est d'ailleurs pas anodin.
Autre avis Alexandre Janowiak
Plus impressionnant, plus ambitieux, plus tendu... Sans un bruit 2 est aussi plus foutraque et plus bête que le premier. Il n'en reste pas moins un divertissement extrêmement plaisant.
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Lecteurs

(3.5)

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commentaires
Marc
09/04/2022 à 15:18

@greg67

Les projo press se font dans des salles équipés d'un son comme la plus part des salles de Cinéma. Le DOLBY ATMOS devient la norme et permet de rendre un son immersif absolument incroyable.

greg67
09/04/2022 à 11:10

Je sais qu'on ne parle pas trop technique ici, mais la bande son est très spectaculaire. Vu en Dolby atmos à la maison.
Je pense qu'au ciné aussi ça devait être grandiose.
Est-ce que les projections pour les journalistes sont toujours dans des salles bien équipées pour le son?

Rico
29/10/2021 à 22:28

Super film, mais cette non fin est degueulasse, on dirait une fin de saison, c’est très frustrant

Marc
14/07/2021 à 10:31

Dans la continuité du premier avec un.flash back le 1er jour de L'arrivée de la météorite et après 5 minutes un flic arrive on entend la radio et une créature defonce la voiture !?
Mon hypothèse ce n'est pas un météore qu'on voit dans le ciel c'est un vaisseau qui débarque les créatures . La réponse sûrement dans le 3 . Bien meilleur que le premier à voir .

Blockbuster
11/07/2021 à 11:03

Bien meilleur que le premier! ... Qui m'avait laissé de marbre. On ne s'ennuie pas une seconde, de la tension et puis un petit côté 28 jours plus tard par la simple présence de cilian murphy ;)

Kyle Reese
09/07/2021 à 17:58

Bonne suite, du presque même niveau que le premier.
Le cast est bon, la mise en scène aux petits ognons, précises, fluides et classe.
Mention spéciales pour les 2 scènes avec double voir triple actions géographiquement séparé en paralèlles. Pas vue d'incohérences et surtout pas eu le temps d'en chercher. Les bestioles réagissent plus à certains sons et fréquences que d'autres, je ne vois pas le problème. Une tension de tous les instants, un film d'horreur bien plus flippant que le dernier Conjuring tout raté. Les survivals d'horreur familiaux quand ils sont réussis ont un d'impact démultiplié chez ceux qui ont des enfants. Vivement la suite.

Ozymandias
03/07/2021 à 23:39

Je l'ai trouvé vraiment cool, j'étais bien stressé comme au premier. Perso ça me plaît, j'en veux bien encore quelques-uns de ces films ^^.

Flo
22/06/2021 à 14:47

"En 2021, ça devrait pas plutôt être "Sans un souffle" ?" ;-)


En 2018, Henri Krasucki... Pardon, John Krasinski ^_^ avait repris un script "Concept" (comme il en existe plein), et y avait développé des idées personnelles sur la Collapsologie, la cellule familiale, l'Americana...
Sa mise en scène dans un contexte apocalyptique (se passant en 2020 !!?) reposait donc sur l'étouffement des bruits, donc de la Vie, poussant ses personnages à une ultra responsabilisation (contrôler et soupeser chaque mots et gestes) digne d'un protocole de chirurgien - poussant les spectateurs eux-mêmes à faire de même dans la salle, c'est Amusant. Tout comme le fait que ça nous donne une production de Michael Bay qui soit moins tonitruante.
Il en résultait la description d'un Monde assez westernien, mené par le travail dur et la débrouillardise (dont certaines astuces terrifiantes, comme celle du berceau-cercueil) et... les hommes.

En effet, dans cette histoire ces femmes là se retrouvent malgré elles être des poids pour la famille :
La fille aînée Regan a beau avoir fourni aux siens la capacité de communiquer silencieusement par les signes, il n'empêche que sa quasi surdité l'empêche de distinguer certains dangers... Et pour couronner le tout, elle est indirectement responsable de la mort d'un de ses frères.
Quant à la mère, elle est enceinte (remplaçant ainsi l'enfant perdu)... Et on sait comment un accouchement est sacrément sonore en général.
Alors à un autre fils, Marcus, de voir les responsabilités être reportées par le père sur ses frères épaules.

Bien sûr, rien n'est fait pour durer... Le patriarche Lee ne pourra aider vraiment sa famille qu'en se sacrifiant, non sans avoir au moins pû (ré)exprimer enfin son amour à sa fille.
Laquelle trouvera le moyen de paralyser la grande Menace, et d'ainsi se racheter de sa faute originelle tout en rachetant son indépendance.
Et le fils en sera réduit à s'occuper du bébé qui vient de naître, pendant que la mère Evelyn prendra les armes avec fermeté (et plaisir) - une récurrence pour Emily Blunt.

Fin, et c'est très bien comme ça... Ce n'était pas une histoire à propos d'un Monde, mais à propos d'une famille Dans ce Monde. Que de l'Intime.


La suite alors ? Comme précisé dans le titre complet, c'est une deuxième partie d'une seule histoire... Une continuation surtout, reprenant tout là où on l'avait laissé, sans extraits récapitulatifs (toujours pour faire confiance à l'intelligence, la mémoire et la fidélité du spectateur), mais avec un prologue entre stupeur et énergie préparant à l'évolution somme toute logique de l'intrigue : du Western statique on passe à l'exode aventureuse, à l'exploration risquée et en dépit du bon sens...
Et même à la division (à la "Empire contre attaque"), symbole tout aussi explicite de l'émancipation.

Pourtant, rien de révolutionnaire, pas non plus de "Aliens le retour", on a encore les mêmes formes et formats, la même photo, les mêmes acteurs assez attachants, l'évolution est loin d'être brusque et brutale.
Normal quand si peu de temps s'est passé, que les tempéraments doivent encore digérer ce qui est arrivé, un nouveau deuil, obligeant déjà à trouver un autre homme protecteur (Cillian Murphy, de retour aux mondes apocalyptiques).
Et même si le prisme du film se concentre de plus en plus vers Regan, comme jeune fille atypique tentant de sauver le Monde plutôt que de se cacher (toutes ressemblances avec Greta...), la résolution générale n'apporte pas grand chose d'inédit :

Quelques menus détails supplémentaires distillés sur l'univers de cette franchise, lui permettant de rallonger la sauce pour des années (même si Krasinski s'en défend)...
De nouveaux seconds rôles méconnaissables (Scoot McNairy !?) ou décevants (Djimon Hounsou)...
Tout ça, quitte à ressembler ainsi aux autres dystopies cinématographiques du même genre.
Et une poignée de jolies idées, comme le fait que le honteux Emmett doive se forcer à regarder en face Regan pour qu'elle puisse l'entendre.

Avant tout, il s'agit d'un bon exercice formel jouant sur le travail sonore, le montage alterné, le hors champ etc... Un divertissement cathartique qui ne se fiche pas de son spectateur.
Mais peut-être faudra-t-il attendre le spin-off de Jeff Nichols pour avoir une expérience encore plus variée.

Ils ont traversé l'univers mais se noient dans une tasse
21/06/2021 à 19:30

Un film certes bien réalisé mais sans début ni fin, autant regarder une série à la TV...
Pas étonnant que le film soit lent, l'histoire n'a pas de but. A ce train-là, on peut prévoir une douzaine de film à suivre.

Sascha
21/06/2021 à 10:06

Une suite vraiment intéressante et qui permet de poursuivre ce qui a été créé dans le premier volume.

John Krasinski maitrise parfaitement sa caméra (le Jour 1 est un petit bijou de montage et de caméras) et joue très bien avec le potentiel de son histoire. Je vous rejoins totalement sur le trip "The Last Of Us" qui m'a littéralement sauté aux yeux.

Il sait créer une tension sans avoir recours aux jumpscares puérils (coucou Conjuring 3 qui a tout foiré dans cette édition) : la triple histoire dans la 2ème partie du film créer vraiment une tension et une envie de voir ce qui va se passer. Et surtout, j'en reviens encore à ce point : le montage. Sacré boulot fait sur ce point.

Bref, j'ai passé un super bon moment, la bande annonce en montrait finalement peu. J'espère vraiment un 3 pour voir comment va se poursuivre cette histoire.

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