La Grande Traversée : critique qui mouille à bon port sur Canal+

Simon Riaux | 20 avril 2021
Simon Riaux | 20 avril 2021

Troisième long-métrage consécutif du palmé Steven Soderbergh à ne pas sortir en salles, La Grande Traversée est diffusée à partir du 20 avril par Canal+. Il se dévoile au public en pleine crise sanitaire, alors que la réouverture des salles semble encore lointaine. Mais on aurait tort de se priver de ce voyage au prétexte que les salles obscures n'ont pas rouvert leurs portes.

MERYL SPLEEN

En à peine cinq années, Steven Soderbergh aura mis en scène pas moins de cinq longs-métrages et une série (intrigante Mosaic). Un rythme aussi invraisemblable que la versatilité thématique, qui lui aura permis de jongler entre comédie, films de casse, exploration paranoïde et pamphlet, pour nous revenir aujourd’hui avec La Grande traversée. Le récit faussement profond ou profondément superficiel de la croisière réunissant une autrice scrutée par son éditeur, et de vieilles amies perdues de vue. 

Prenant aussi bien à rebours les attentes des spectateurs que les projections de la presse sur son statut d’auteur surdoué, le cinéaste assume l’apparente superficialité de son sujet. Alice est une romancière retranchée derrière ses verres à doubles foyers et sa réputation, qui lui permettent de faire peu de cas de ses semblables, fussent-ils ses proches. Ainsi la caméra épouse-t-elle son intranquillité maquillée en indifférence. Au spectateur alors de suivre son exploration nonchalante d’un navire tout en lumières tamisées, dorures fallacieusement luxueuses. 

 

photo, Meryl Streep, Lucas HedgesTout menace de tomber à l'eau

 

Autant de coquetteries que le montage aime briser, nous faisant passer de l’opulence creuse d’une salle à manger à la grisaille d’une salle de sport, puis à un pont invariablement anxiogène. Pour autant, si le réalisateur sait se montrer ludique avec ce décor finalement peu attrayant, il s’encombre d’un scénario qui dilate un peu trop son récit. Avec 1h52 au compteur, La Grande Traversée prend son temps, prend plus d’une fois le risque d’anesthésier le spectateur. En effet, si la malice est ici bien réelle, elle est régulièrement empesée par les sous-intrigues enchâssées dans la narration. 

 

photo, Meryl Streep"Je vous reprendrais bien un petit Oscar en passant"

 

LA CROISIENNE ÉCLUSE

Il faut donc accepter de s’ennuyer (parfois), de s’agacer (un peu), pour être saisi par la dimension profondément facétieuse du film de Soderbergh. Les artistes y sont rincés, essorés par un système qui se repait de leurs égos autant qu’eux-mêmes en usent pour échapper à leurs responsabilités. Tout comme la scénographie ne cesse de se désenchanter au gré de l’avancée du film, le portrait en apparence fardé de l’aristocratie littéraire, se lézarde. 

Derrière les roueries de Meryl Streep, le ressentiment de Dianne Wiest et la rancune recuite de Candice Bergen s’égrainent autant de métaphores cruelles sur l’industrie culturelle, sur ses appétits de représentation, son hypocrisie et finalement, sa petitesse. Le tout, sans cabotinage de la part du réalisateur, qui ne cède jamais à la posture, et nous rappelle que la première des élégances consiste à toujours, aimer ses personnages écrits avec précision par Deborah Eisenberg.

 

photo, Candice Bergen, La Grande TraverséeAmies et ennemies

 

C’est dans les petits interstices entre leurs confrontations, dans une main qu’un jeune homme renonce à caresser, dans les rebuffades répétées d’une amie blessée, que Soderbergh déjoue l’indolence de bien des situations et rappelle que même ses créations les plus mineures demeurent des terrains d’expérimentation et de cinéma précieux. Comme des croisières sans destination, où le roulis des vagues et la monotonie d’une mer d’huile raconteraient plus et mieux qu’une vulgaire tempête.

La Grande Traversée est disponible sur MyCanal en France

 

Affiche française

Résumé

Une croisière qui pourrait paraître un peu longuette si, comme souvent, Soderbergh ne l'émaillait pas de quantité de trouvailles et d'idées qui lui permettent de transformer le plus bateau des sujets en épopée mélancolique.

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commentaires
Obiwan
22/04/2021 à 23:34

Ennuyeux, intello élitiste, bavard, long pour 5 minutes de véritable émotion à la fin du film. Et une perspective sur la rouerie de l’auteur pour donner une suite à son roman primé par le Pulitzer... en résumé, tout ça pour ça ....

Val
22/04/2021 à 19:04

Une déception pour moi, hormis peut-être la pseudo bluette entre le neveu et l'assistante.
Le reste est très lent, les dialogues ne sont pas exceptionnels.

Jeannot lapin
21/04/2021 à 13:50

rythme trop lent
on s"ennuie un peu .manque de péripéties
l"ego du personnage principal remarquablement joué par Meryl Streep est trop évident ! ce microcosme ne séduit pas du tout
reste le bateau magnifiquement vidé qui ajoute sa note d'ennui.

l'autre
21/04/2021 à 13:13

Le titre : c'est le nom de ta sextape ?
;-)

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