Tous mes amis sont morts : critique du massacre adolescent Netflix

Mathieu Jaborska | 3 février 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Mathieu Jaborska | 3 février 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Le sadisme qui transparait des choix de distribution de Netflix n'échappera à personne. Alors que la bamboche est finie depuis presque un an et que la majorité des Français a passé son Nouvel An à zapper entre Hanouna et Patrick Sébastien, la plateforme diffuse une production polonaise se déroulant quasi intégralement lors d'un réveillon festif, avec alcool, sexe et êtres humains compris. Heureusement, la fiesta de Jan Belcl tourne vite au cluster express, c'est-à-dire au carnage pur et simple. D'où le titre du film, Tous mes amis sont morts.

Petits meurtres entre amis

Netflix ne se préoccupe guère en général des petites sensations bourrin de festival, auxquelles elle préfère les films d’auteur perfusés au prestige ou les niaiseries aguicheuses. La dernière incursion notable des abonnés du service dans le cinéma polonais, 365 jours, s’inscrit malheureusement dans la deuxième catégorie, occasionnant au passage un traumatisme sévère au rédacteur chargé de sa critique. Heureusement, Tous mes amis sont morts s’impose très vite comme une exception à la règle, au soulagement de l’auteur de ces lignes. Peu de films peuvent se targuer d’être aussi bêtes et méchants que lui, ce qui en fait déjà un petit miracle SVoD de Noël en retard.

Un duo de flics pénètre dans une maison le 1er janvier pour y découvrir un véritable carnage. Le spectateur est alors convié à un long flashback pour constater l’absurdité des circonstances du drame. Et il ne sera pas déçu. Un postulat simple, mais diablement efficace, qui rappelle un peu le génialissime clip de Leningrad Кольщик, réalisé par Ilya Naishuller, l’inversion temporelle en moins. Simple, mais vicieuse, l’intrigue ne dévie presque jamais de cette voie et nous embarque dans une sorte de Destination Finale humain, dans lequel on s’amuse à essayer de prévoir les complications à venir.

 

photo, Julia Wieniawa-Narkiewicz35 amis morts

 

Nul besoin d’en rajouter des surcouches dans l’humour ou dans le gore avec un pitch pareil, et Belcl en est bien conscient. L’amusement vient surtout de ce jeu sur l’ironie dramatique, faisant baigner le tout dans un humour noir particulièrement savoureux. Les quelques gags sont donc plutôt discrets, mais font généralement mouche, à l’instar d’une trace de sang remarquablement camouflée, d'une parodie de Shining ou d’un twist appelant à la convergence des luttes. Un comique principalement situationnel très à propos dans cet exercice de divination sardonique, irrésistible avec deux ou trois amis et le double de cannettes de bière, en dépit de quelques séquences un peu forcées sur les dernières minutes.

Ces 1h30 reposent donc sur le plaisir pervers dont se repaissait Alfred Hitchcock, celui de donner au spectateur une longueur d’avance sur les personnages. Ces derniers sont au cœur des enjeux, d’où un premier acte très descriptif détaillant les clichés représentés à l’écran. Car il n’est pas question de donner à ce panorama de crétins une personnalité qui gênerait notre volonté de les voir périr, même s'il est tout de même nécessaire d’en dire assez pour pimenter leurs interactions. Le scénariste marche sur la corde raide avec brio et élève son essai au rang de divertissement généreux.

 

photo, Paulina GałązkaLa bimbo fait un beau bim

 

No future

La galerie de personnages est au centre du récit, car le moteur de sa noirceur réside dans sa misanthropie, et par conséquent dans les vices de ces jeunes et moins jeunes venus naïvement passer une bonne soirée. La petite troupe ne doit son infortune qu’à son opportunisme flagrant, son avarice crasse et surtout son sexisme outrancier, intériorisé ou assumé. Il y a plus de sexe douteux dans Tous mes amis sont morts que dans tous les opus de 50 Nuances réunis, tant toutes ces personnalités s’entretuent à cause du mépris lubrique qu’ils se portent mutuellement.

L'outil parfait pour conférer au film une perfidie jouissive, qui s’installe au même rythme que notre dégoût du genre humain… ou des archétypes du teen movie. L’ironie de la distribution par Netflix rend finalement service à la production. La fête mise en scène est désespérément convenue, comme la plateforme les adore, et ses participants tout aussi caricaturaux que ses séries young adult. Leur massacre délirant, induit par leurs propres comportements méprisables, en rajoute encore à la méchanceté du long-métrage, qui s’amuse autant que nous à malmener son casting.

 

photo, Yassine Fadel, Paulina GałązkaLe personnage du français, peut-être le seul ouvertement comique

 

La misanthropie ambiante culmine dans un climax sans cesse relancé, lequel prend bien soin de faire payer chacun des ados grâce à une séquence absurde, mais très drôle, avant de les absoudre miraculeusement de leurs péchés puis de les condamner à nouveau, comme pour composer un rappel pessimiste de la stupidité crasse de la nature humaine, ou du moins des clichés ambulants qu’elle a inspirés au cinéaste.  Au détour d’une ultime blague hilarante et fort bien trouvée, même les flics du début en prennent pour leur grade, histoire d'emporter le cynisme violent de l’œuvre au-delà du carcan du huis clos et pousser dans ses derniers retranchements sa vilenie.

Bien sûr, quelques défauts poignent ici et là, notamment dans un montage qui aurait gagné à être un peu plus frénétique. Mais en l’état, Tous mes amis sont morts reste un des seuls exemples de divertissement de sale gosse distribué par la firme. Profitez-en. Pas sûr que beaucoup d'autres de ses nouveautés 2021 atteindront de tels sommets de nihilisme.

Tous mes amis sont morts est disponible sur Netflix depuis le 3 février 2021 en France

 

photo

Résumé

Grâce à son ironie dramatique mordante, son climax pervers et ses personnages taillés pour se faire décimer, Tous mes amis sont morts fait preuve d'une misanthropie qu'on aimerait voir bien plus souvent sur les plateformes de streaming.

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Lecteurs

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commentaires
NoRa
24/10/2022 à 00:36

pour la personne du début, j'ai un avis, je pense que si elle est dans les deux monde c'est soit que l'autre est le fameux monde parallèle dont il est question au début (voir milieu) ou il s'agirait de la représentation de la mort, la fille étant l'élément déclencheur des deux bains de sang

Delacroix
18/01/2022 à 10:10

Mauvais , enfonce les portes ouvertes , déjà vu 1000 fois

Dirty Harry
10/02/2021 à 19:41

C'est un "Climax" rigolo !
Dés que la mise en place est claire pour le spectateur ça décolle jusqu'à la satire absurde assez féroce (j'ai pensé à Alex de la Iglesia et son crime farpait pour le ton).
Mise en scène, écriture réglée comme une horlogerie, montage alterné puis choral (agrémenté d'un casting solide)...plein d'atouts pour un premier film.
A titre personnel je pense qu'il se passe quelque chose en Pologne : ils sont très vigoureux : ils réinvestissent dans les jeunes talents et les premiers films audacieux ("The Man with the Magic Box" premier film de....SF ! Impossible ici...) produisent les meilleurs chef op et exportent quelques pépites sublimes (Cold War) dans les festivals ! Après l'Espagne et la Corée ça va etre leur tour je pense....

Flozikos
07/02/2021 à 19:33

Mon avis est moyen +, presque bon , le scénario du film est basique mais ça reste cependant intéressant. On vois pleins de choses loufoques, le 3iem degré nul a chier est bien travaillé si vous avez pas envie de réfléchir.
Les scènes obscène sont drôles. les clichés sont au rendez vous même si ça reste tout même médiocre au niveau des dialogue, c'est un film qui se laisse regarder ,qui se construit lentement et qui part en vrille de façon très débile . en résumé.
C'est cul cul gore slasher mais y'a du cul .les acteurs jouent bien, les caricature sont au rendez vous.
Pour la fin...
Attention spoiler.
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.L'hypothèse du paradis m'interpelle quand ils sont tous en blanc + que l'univers parallèle où alors c'est un mélange des deux....je ne sais pas.

Flash
07/02/2021 à 11:07

Vu, plutôt bête et méchant avec de la donzelle qui n'hésite pas à se désaper.
ça a fait ma soirée.

Fran
06/02/2021 à 15:48

Ce n'était pas un chef d'oeuvre mais on a bien rigolé quand-même... Et pour répondre à la question plus haut, quand ils sont tous en blanc, ce n'est pas parce qu'ils sont morts, c'est parce qu'ils sont dans un monde parallèle...

Ayronnorya
05/02/2021 à 23:14

Perdu 1h30 de mon temps, qu'est ce que c'est mauvais...l'impression que le film a duré 3 heures. On attend qu'une chose, que ça parte enfin en live. Et même quand ça se produit (il faut quand même attendre la fin du film), c'est expédié en 5 minutes et c'est inintéressant. Un desastre...

Carli Bruna
05/02/2021 à 23:11

Grâce à vous je viens de voir le premier gros navet de mon année 2021. Une vraie grosse bouse bien nulle, pas drôle, pas fun, qui masque sa mysoginie et son homophobie intériorisées sous un vernis vaguement rock périmé depuis 2002. Dommage pour les jeunes acteurs qui ont l'air d'y croire et donnent beaucoup de leur cœur et de leur chair à ce truc qui se voudrait bête et méchant et qui est juste con et ennuyeux

GTB
05/02/2021 à 20:14

J'ai trouvé le film assez intéressant; pour les mêmes raisons que souligne l'article. Ce ton d'humour noir, ironique, grinçant, apporte un peu de sel à un film qui s'annonçait très convenu et sage. Et formellement, c'est plutôt maitrisé.

greg67
05/02/2021 à 12:13

Je ne m'attendais pas à un chef d'oeuvre, mais c'était carrément une serie B un peu moisie à tous les niveaux. J'ai tout de même tenu jusqu'au bout mais seulement parce que j'attendais quelque chose de bien d'après la critique EL.

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