Ava : critique super-nana(r) sur Netflix

Geoffrey Crété | 1 décembre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 1 décembre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Jessica Chastain veut prouver qu'elle a les épaules pour être une héroïne dure à cuire, capable de courir, taper, flinguer, porter avec fierté du faux sang et de sales perruques. Et comme on est jamais plus mal servi que par soi-même, la talentueuse actrice a lancé l'initiative comme productrice, avec Ava. Dommage : c'est une catastrophe totale, dans laquelle elle a embarqué John Malkovich, Colin Farrell, Geena Davis, Joan Chen ou encore le réalisateur Tate Taylor.

AVA-RIÉ

Ava est une tueuse à gages, qui enchaîne les perruques et les assassinats. Ava a l'air méchante, mais il y a quelqu'un derrière le masque de fond de teint. Elle a ainsi pris l'habitude de demander à chacune de ses victimes de se confesser avant de passer l'arme à gauche, car Ava cherche un sens à ses missions.

Ava a aussi des problèmes de famille, avec un père qu'elle a un peu retrouvé dans son mentor, une mère encore plus maquillée qu'elle, et une sœur chanteuse qui va se marier avec son ex joué par Common. Elle a aussi des problèmes avec un boss à la moustache suspecte, et en plus elle est alcoolique.

Ava, c'est le bingo du grotesque, le kamoulox de la dramaturgie pour les nuls, comme si Luc Besson essayait d'écrire un crossover entre Grey's Anatomy et NCIS, avec Jessica Chastain dans sa meilleure imitation de Milla Jovovich. Ava, c'est le pire du pire dans la grande et sinistre famille des films d'action féminins bêtement pensés. Les acteurs ont les yeux à peine ouverts, et c'est probablement la même chose pour ceux qui ont chorégraphié l'action. Ça n'a ni le style outrancier d'Atomic Blonde, ni la folie amusante d'Alias, ni la molle efficacité de Salt, mais ça rivalise avec des joyaux de gêne comme Colombiana ou Peppermint. Et sur l'échelle de Besson, c'est plus Anna, ce navet avec une mannequin en John Weak, que Nikita.

 

photoLa tueuse était en rouge

 

SPY LAME

Le néant d'Ava, c'est d'abord celui d'une intrigue et de personnages qui semblent tous être des cadavres sortis du congélateur d'une deuxième partie de TF1. Le mentor paternel, le traître qui pue l'embrouille derrière sa moustache, l'espèce de mère maquerelle du poker, la famille qui ne connaît pas la vérité sur Ava... tout y est, jusqu'au méchant général d'Arabie saoudite et au vilain business man du FMI. Ce n'est pas un scénario, mais un assemblage de confettis sortis de la poubelle d'un studio, qui avait jeté une suite de Taken et un reboot de la série Nikita.

Le projet semble ainsi avoir été entièrement pensé à l'envers. Besoin d'une héroïne badass ? Ce sera une surdouée passée par l'armée, et devenue tueuse increvable. D'un conflit intime ? Elle sera une ancienne alcoolique, et c'est dur. D'une vie personnelle ? Elle aura des rapports compliqués avec sa mère et sa sœur, avec un secret lié à son père. D'une touche de féminité ? Elle est encore amoureuse de son ex.

 

photoUn climax de folle folie

 

L'action et le suspense sont à la hauteur du reste, c'est-à-dire plus bas que terre. C'est donc une énième histoire de personnage trahi, et obligé de faire route solo pour nettoyer un rang hiérarchique. Si Tom Cruise s'en sort depuis 20 ans avec ce refrain dans Mission : Impossible, c'est parce qu'il met toute l'énergie ailleurs, dans les cascades et l'adrénaline. Inutile d'avoir le moindre espoir de ce côté.

Décors insipides entre rues mouillées et intérieurs semi-chic, chorégraphies ordinaires de baston, découpage dégueulasse qui n'en finit plus de hacher les mouvements : l'ennui est étalé à l'écran comme le faux sang sur la tronche des acteurs surpayés. Le réalisateur Tate Taylor n'a aucune idée de quoi filmer ou montrer, ce qui amène à des fusillades totalement insensées, et finalement à une fantastique "course-poursuite" de boiteux, qui boucle merveilleusement ce cirque désolant.

 

photo, Colin FarrellCliché numéro 57

 

JESSIC-ARRÊTE

Que se passe t-il donc avec Jessica Chastain ? Hier, c'était la formidable actrice de The Tree of Life, Take Shelter, Zero Dark Thirty ou encore A Most Violent Year. Aujourd'hui, c'est l'actrice et productrice d'Ava et 355 (censé sortir en janvier mais décalé à 2022), deux films d'action ostensiblement girl power, qui semblent répondre de la pire des manières à la question du féminisme made in Hollywood. Elle qui avait commencé au royaume des dieux, se retrouve désormais dans la flaque de boue où coulent les DTV avec Scott Adkins, Noomi Rapace et Olga Kurylenko.

En réalité, Ava semble être le bébé difforme d'une manœuvre de Terminatorisation enclenchée par l'actrice depuis quelques années, avec une volonté de s'ériger en symbole de femme forte absolu. Comme un bingo débilos, Jessica Chastain semble s'amuser avec les pires clichés du genre, entre la force intellectuelle (Crimson Peak, Miss Sloane, son rôle coupé dans Ma vie avec John F. Donovan) et la force physique (Le Chasseur et la Reine des glaces, X-Men : Dark Phoenix), à cheval entre les studios et le circuit alternatif de production. La logique derrière est bienvenue pour une artiste féministe si engagée. Le résultat l'est beaucoup moins, avec des rôles de plus en plus froids et mécaniques, où la théorie l'emporte sur le reste.

 

photoLe retour du perruquier de X-Men : Dark Phoenix

 

Mais Ava marque un tournant à tous les niveaux. Déjà parce que c'est le premier essai de sa société de production Freckle Films (le deuxième est 355). C'est donc le film du contrôle absolu, où Jessica Chastain a choisi toute l'équipe ; notamment le réalisateur et scénariste Matthew Newton, connu pour des faits de violence domestique, si bien qu'elle l'a vite mis à la porte pour engager Tate Taylor (La Couleur des sentiments). C'est un projet conçu sans aucune autre vision que celle d'un véhicule pour l'actrice, et sans personne pour apporter une âme.

Mais c'est surtout le film du vide ultime, où il n'existe rien d'autre que Jessica Chastain, l'actrice, la star, la force brute, à l'écran comme en coulisses. Autour d'elle, c'est le néant. Peu importe son talent, tout le monde boit la tasse dans un tel naufrage. Et il suffit de revoir Piégée de Steven Soderbergh, avec Gina Carano, qui raconte à peu près la même histoire, pour voir ce qu'il manque à Ava : un peu d'intelligence, de partis pris, et de point de vue. Du cinéma, en somme.
 

Affiche

Résumé

Au bingo de la connerie, Ava se place au panthéon des super-navets, entre hommage à Luc Besson et symptôme du pire de Hollywood. Une bien laide catastrophe, dégoulinante et vilaine, où Jessica Chastain semble plus qu'égarée.

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Lecteurs

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commentaires
El vendeeno
06/12/2020 à 16:53

On va dire un petit 6/10
Petit film d'action qui se laisse regarder

Spn
05/12/2020 à 17:05

"Ava", ou la preuve par l'exemple qu'un film d'action efficace est un équilibre délicat.
A recommander impérativement à tous les réalisateurs et scénaristes en herbe souhaitant explorer ce genre.
Tout ce qu'il ne faut pas faire, condensé en un film.
Un exploit ...

Lila
05/12/2020 à 07:57

Merveilleux film. Je recommande

Francooo
03/12/2020 à 21:59

"Gricha 02/12/2020 à 00:14
J'ai préféré Ava à Piégée...."

Euhhhh

tonton Strange
03/12/2020 à 13:52

@hh
Avant d'insulter, fais ta culture cinéma crétin

Hh
02/12/2020 à 22:32

Le gros navet Ç'est le gros con qui a fait une critique aussi naze
Regarde les films sur le père Noël haha

Xbad
02/12/2020 à 17:01

@steph2bordeaux
Haha, un festival de regards qui tuent dans fright night et autres postures de Playboy, tellement bon à ses débuts pourtant, on lui pardonnera quelques égarements récents

Steph2bordeaux
02/12/2020 à 14:05

Et que Colin Farrell est nul ! Cet acteur cabotine constamment et ressort les mêmes gestuelles et mimiques de rôle en rôle (yeux écarquillés, mimiques surjoués, postures, etc)

Madolic
02/12/2020 à 13:34

@Geoffrey Crété
Ahahah je rejoins les défenseurs alors.
J'avais bien compris que c'était de l'humour ;)

Geoffrey Crété - Rédaction
02/12/2020 à 12:32

@Madolic

Sachez que je suis parmi les défenseurs de Milla Jovovich dans l'équipe, et le premier à rappeler qu'elle a tourné avec quelques bons réalisateurs, et fait de petits films intéressants (Bringing Up Bobby, de Famke Janssen, par ex). C'est pas toujours facile à vivre au quotidien.
Mais niveau expressivité dans un rôle d'action comme ça, je trouvais la comparaison assez parlante :)

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