Une ode américaine : critique bouseuse sur Netflix

Simon Riaux | 1 décembre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 1 décembre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Toujours en quête de récits édifiants et gourmand de performances grimées ou contre-emploi spectaculaires, Hollywood ne pouvait que se jeter sur Hillbilly Elegy, l’autobiographie de J.D. Vance, et son portrait de la famille dysfonctionnelle dont il s’est extrait, en l'adaptant avec Une ode américaine. Une mission confiée à Ron Howard, qui avec Un Homme d'exception ou De l'ombre à la lumière, n’en est pas à sa première adaptation d’histoire “vraie”. 

ONCE UPON TIME IN HOLLYPLOUC

Dès ses premiers instants, le récit de l’ascension sociale difficile de Vance et la chronique de sa vie familiale passablement glauque se heurtent à plusieurs tropismes hollywoodiens auxquels Netflix semble avoir laissé totalement libre cours. Les transformations physiques sont une des marottes des Oscars, et on sent bien avec quel appétit la caméra s’attarde sur les peaux grêlées des personnages, les nez couperosés, les cheveux cassants, les épidermes flétris. Une complaisance assez malvenue, qui anéantit les ambitions de réalismes portées par le récit. 

 

Photo Amy Adams, Gabriel BassoLa famille Adams

 

Jamais Howard ne trouve la distance pour filmer sa galerie de personnages, qu’il se contente de scruter avec une insistance souvent douloureuse, quand elle ne semble pas motivée par une répulsion assez perverse. Plus proche d’une campagne de sensibilisation aux soins dermatologiques que d’un récit en bonne et due forme, l’ensemble vire petit à petit à une suite de sketchs malaisants, ne cherchant jamais à comprendre ou à donner sens aux vicissitudes de ses protagonistes.  

Photographie au classicisme terne, montage alterné terriblement scolaire... la caméra de Ron Howard ne compte guère que sur les performances des acteurs pour nous captiver. Mais il ne suffit pas de jeter au visage un tsunami de morve et de larmes, emballées dans de gros accents qui tâchent, pour raconter la misère ou faire preuve d’empathie. Tout en trémolos et en hystérie, Amy Adams et Glenn Close ne peuvent pas non plus se reposer sur le scénario, qui, à force d’évacuer tout point de vue, transforme le métrage en une sorte de safari social particulièrement déplaisant. 

 

Photo Glenn Close, Amy AdamsRien que pour vos cheveux

 

PARTI DE CAMPAGNE

Le rêve américain a toujours placé l’individu et sa capacité d’action en son centre, et c’est ce qu’espérait décrire Une ode américaine, en narrant l’ascension de J.D. (Gabriel Basso) élevé dans un milieu ravagé par la pauvreté et la toxicomanie. Mais, en faisant le choix de ne jamais s’interroger sur la société dans laquelle évoluent les malheureux qu’il regarde comme un amas de ploucs, le film évacue tout questionnement sur leurs actes, leurs échecs ou leur réussite. Ainsi, non seulement le déroulé des évènements est extrêmement attendu, mais la froideur avec laquelle il établit que chacun est strictement responsable de la tournure de son existence a quelque chose de singulièrement cynique.

Un néant intellectuel qui oblige le scénario à tisser des liens de cause à effet grossiers, filmés avec une lourdeur infinie. C’est le cas quand un flashback nous explique que si Bev est une addicte irrécupérable, c’est évidemment parce qu’elle a vu sa propre mère immoler son poivrot de paternel. À force d’enfiler ce genre de perles, insérées dans la narration à coups de pied de biche, Une ode américaine se délite tout à fait, et donne le sentiment de regarder une troupe de riches artistes se déguiser en pauvres, avec l’ambition de nous asséner une grande leçon sur la force de la volonté.

Une ode américaine est disponible sur Netflix depuis le 24 novembre en France

 

Affiche française

Résumé

Complaisant et pauvrement raconté, Une ode américaine est un safari social embarrassant où le gratin hollywoodien rivalise de cabotinage.

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commentaires
Rhaegon
13/08/2022 à 01:07

Avec du retard : vu ce soir, j'ai bien aimé pour ma part. D'accord en partie avec la critique concernant les points techniques : rien de fou, plutôt classique. Même Hans Zimmer ne m'a pas marqué. Mais était-il vraiment là ? Parce que ma boss signe ce que je fais au boulot, mais elle n'a rien fait sur le dossier x)

L'histoire manquait de surprise c'est sûr, et les flash-back étaient parfois un peu lourds (dans le sens où on passe du présent au passé brutalement, des fois en n'ayant pas l'impression d'avoir changé de scène).

Mais de bons acteurs et une histoire qui m'a personnellement touché :)

Pour tous les autres commentaires agressifs ci-dessous, même si c'était il y a 2 ans : faut respirer un coup. Le film a survécu à la critique EL, inutile de partir dans tous ses états ;)

sarah h
31/03/2021 à 11:31

Excellent!!!!
critique intelligente , indépendente, pénétrante, sans instinct grégaire

Simon Riaux
17/12/2020 à 14:21

@LAurent

Nous regardons systématiquement les films en VO.

Avec ponctuellement, des exceptions concernant les films d'animation, qui ne nous sont parfois montrés qu'en VF.

LAurent
17/12/2020 à 13:55

Je pense que vous l'avez vu en VF en fait... Faut pas être bien non plus

Mika
13/12/2020 à 13:22

Dans quel dictionnaire avez vous trouvé le mot « malaisant « ?

Bambou88
09/12/2020 à 19:04

Film excellent acteurs au top
Dure réalité des repercutions des delocalisations et du capitalisme sauvage...

Virginie
05/12/2020 à 23:28

Une critique très injuste et extrêmement condescendante.
L’immersion dans « cette Amérique » est très intéressante et finalement on la voit peu, elle est juste, l’émotion est très forte. Ça m’a plu même si ça n’était pas parfait.

« Les riches artistes qui se déguisent en pauvres », Je n’ai jamais lu une telle bêtise dans une critique de cinéma. J’entends bien qu’il faille vous démarquer dans le monde de la critique mais franchement c’est ridicule, vous vous auto-caricaturez.

Ed
05/12/2020 à 17:05

Simon c'est pas grave de se planter... Bravo pour la belle remise en question... Ecran large vient de perdre un lecteur...mais pas de panique ce n'est qu'un bouseux à qui le film à parler...

Simon Riaux
04/12/2020 à 17:53

@Sarah J

Alors le film refusant justement toute forme de vision sociologique, puisqu'il épouse jusqu'à l'absurde le concept de mérite et d'individualisme américain, je ne comprends pas trop ce que vous y voyez en la matière.

Quant aux comédiens on en cause, bien sûr, puisqu'on précise que déverser le poids de trois petits éléphanteaux en morve à l'écran 'na jamais constitué une démonstration de jeu.

Sarah J
04/12/2020 à 17:49

On a l'impression que c'est un copié/collé des critiques américaines. Je ne suis pas du tout d'accord avec l'analyse. J'ai trouvé le film très touchant, il démontre bien la condition sociologique des personnages qui sont merveilleusement bien joués par les acteurs (erreur de ne pas en parler dans votre critique)

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