Énorme : critique féconde

Simon Riaux | 6 juillet 2022
Simon Riaux | 6 juillet 2022

Énorme est ce soir à 20h55 sur Arte.

Sous-genre fréquemment synonyme de catastrophe artistique, la comédie de grossesse s’illustre ces jours-ci avec Énorme de Sophie Letourneur, avec Jonathan Cohen et Marina Foïs, qui en renouvelle les usages et bouscule les conventions.

GROSSE SURPRISE 

Dès ses premières séquences, le film étonne par son désir de prendre son spectateur à rebrousse-poil. Nous découvrons Marina Foïs et Jonathan Cohen, pianiste de renom accompagnée de son compagnon et fidèle assistant, tous deux en tournée. Plutôt que de jouer la partition comique attendue de ces deux réacteurs à blagues, le film les sort immédiatement de leur zone de confort, faisant d’eux un duo tout en malaise et contretemps. 

Non seulement la dynamique est inattendue, mais elle génère une étrangeté bienvenue. Un goût du décalage qui fera office de note d’intention, le récit se révélant particulièrement imprévisible. Centré autour de la grossesse du personnage de Foïs, déclenchée contre sa volonté par son partenaire de vie, le scénario dévisse progressivement vers un terrain particulièrement inconfortable, délaisse la drôlerie pour une tonalité plus grave et anxiogène, qui ne s’interdit jamais des saillies absurdes. 

 

photo, ÉnormeMarina n'a pas la foi

 

En effet, alors que cette grossesse indésirable avance, Sophie Letourneur propose une chronique singulièrement rêche et mal-aimable de ses conséquences au sein d’un couple qui collectionne les névroses comme d’autres les nains de jardin. Plus intéressant, l’intrigue donne beaucoup de place au cheminement de Frédérick, qui réalise scène après scène que cette naissance qu’il a orchestrée n’aura rien d’une sinécure pour sa compagne. Entre dépression et poil à gratter, la personnalité de l’oeuvre étonne et détonne. 

 

photo, ÉnormeCouvade post-moderne

 

PERMIS DE GROSSESSE  

Quand le métrage explore avec ses protagonistes cette situation, il invite le réel dans son dispositif avec une aisance étonnante. Dès lors que nos héros interagissent avec des professionnels de santé, Sophie Letourneur choisit de confronter ses deux comédiens avec d’authentiques praticiens, et de les immerger dans un cadre hospitalier véritable. Une idée qui permet d’apprécier la mise en scène, jusqu’alors assez pauvre, du film, et renouvelle grandement son intérêt. 

Filmé presque à la manière d’un documentaire, Énorme casse ainsi beaucoup des codes inhérents à la comédie de la maternité, et s’avère formidablement abrasif. Un dispositif qui ne fonctionne tout à fait que lors de la seconde moitié du récit, lorsque les conflits se font tout à fait jour et que le film traite frontalement des contradictions de ses personnages, comme des aspects les moins engageants de la grossesse. Lorsque fiction et réel s’affrontent, cette mise en place fonctionne et confère une grande singularité à l’ensemble. 

 

Affiche officielle

Résumé

Si la forme pas toujours engageante du film pourra rebuter, Énorme n'en demeure pas moins une proposition aussi inclassable que malicieusement malaisante, qui dynamite avec intelligence les représentations de la grossesse à l'écran.

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Lecteurs

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commentaires
Flo
11/07/2022 à 13:28

Un film qui a un certain problème d’unité dans sa mise en scène…
En soi, la caractérisation des personnages par Sophie Letourneur est déjà très intéressante, amenant leurs interprètes plus loin dans leurs habitudes : Marina Foïs créant une variante de sa Sophie Pétoncule incompétente, pour en faire une sorte d’autiste (artiste) qui devra peu à peu trouver la force d’acquérir son autonomie…
Et Jonathan Cohen poussant son comique tchatcheur jusqu’à un point inquiétant, où il vampirise littéralement l’espace et devient un monstre obsessionnel.
Rien qu’avec ça, on a une bonne comédie noire et grinçante, voir même dramatique.

Seulement voilà, le film ajoute également un dispositif de prise de vue « de style documentaire » (c’est à dire format carré et images ternes), aux contrechamps comportants de vrais intervenants – mais toutes féminines.
Ce qui ne sert pas vraiment à grand chose et perturbe la Comédie en voulant aussi raconter des fonctionnements médico-sociaux… Tout en y condamnant trop mollement les actes inconscients et plutôt horribles commis par Cohen, pour faire mine de dédouaner le film de toutes polémiques.
Ce à quoi s’y ajoute un fugace moment Surnaturel (le ventre qui gonfle démesurément), qui passe là aussi pour une tentative superficielle d’absoudre les protagonistes de toute leur folie. Au lieu de l’assumer jusqu’à bout.

Décidément, ce n’est pas une très grande idée que de vouloir produire des comédies comportant des hommes « enceints » (on ne peut pas dire que les tentatives précédentes de Jacques Demy ou Ivan Reitman furent très fructueuses), sans qu’il n’y ait au moins une réflexion dramatique sur les genres sexuels.
Ce qui n’est pas trop le cas ici, à part pour ce qui est de la réappropriation masculine d’un privilège féminin, mais où c’est toutefois la comédie de couple qui prend beaucoup de place.

Dai
08/07/2022 à 16:26

Superbe film qui retrace bien toute les étapes de la grossesse. Beaucoup de réalisme lors de la scène de l'accouchement. Si vous avez eu un enfant à voir absolument ;)

Kill Bill
07/07/2022 à 17:02

Quand Jonathan Cohen fait surtout du ... Jonathan Cohen
Le cinéma Français a une grosse faculté de faire refaire et rerefaire travailler les acteurs qui ne sortent jamais de leur genre (et du coup n'entre jamais dans aucun personnage.
Ici, J.Cohen fait du Jonathan Cohen, rien d'original ni de transcendant avec une idée "originale "qui n'est pas fofolle.
Bref, une grosse comédie nombriliste, sans prise de risque, bien parisienne où on fait manger les copains (et les copains de copains).
Si vous voulez (vraiment) rire, "En cloque, mode d'emploi", pour l'émotion Juno et pour le réalisme social "Sage femme"

JR
06/07/2022 à 21:49

Étrange, drôle par moment, mais bon, mitigé cochon / dinde.

Numberz
06/07/2022 à 21:20

Accouchement naturel dans l'eau et le requin bouffe le gosse

Greg67
17/06/2021 à 10:15

Super film mais pas pour la ménagère qui regarde des émissions calibrées sur TF1.
Il faut accepter l'humour noir.

Fraise
04/09/2020 à 01:33

L'entrave à l’IVG c'est surtout 2 ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende, hihi.

dédég
02/09/2020 à 18:36

nul et renul !!! comment peut on proposer un film pareil des documentaires sur l'accouchement ils en diffusent à la télé les figurants ont étaient recrutaient au coin de la rue ou quoi?ils faut arréter de se moquer du monde puffff j'ai perdu mon temps et mon argent

Davidbros
31/08/2020 à 17:33

Sinon blood machines qui a l'air pas mal pas trop mal distribué, étonnant !

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