Dumbo : critique qui Burton au plus haut des cieux
Devenu progressivement une caricature de lui-même depuis Big Fish (Big Eyes, Dark Shadows, Miss Peregrine et les enfants particuliers..), Tim Burton semblait tout à fait perdu après son retour sous l’étendard Disney, entreprise qui le renvoya jadis pour cause de créativité un peu trop débridée. Et contre toute attente, l’artiste livre avec Dumbo un conte aussi touchant qu’incarné.
LE CIRQUE DE L’OSEILLE
Après un faux plan-séquence numérique nous dévoilant un train de cirque traversant la Floride dans le couchant, la caméra de Tim Burton suit les silhouettes de deux bambins, alors qu’ils évoluent au milieu des artistes et autres monstres de foire, alors qu’on dresse un immense chapiteau de toile.
Soudain, les enfants bifurquent, et le spectateur avec eux. C’est dès cette ouverture que le cinéaste dévoile son programme alternatif, et comment il veut s’extraire des rails du simple remake live d’un classique de l’animation.
Plutôt que de nous offrir la figure imposée, si éminemment Burtonienne, des artistes marginaux bâtissant leur arène de bric et de broc, il se focalise sur deux mômes qui n’y entendent pas grand-chose. C’est un tout autre élément qui les intéresse : le retour de leur père (Colin Farrell), revenu de la Première Guerre mondiale, avec un bras en moins.
Ainsi, ce ne sera jamais Dumbo le cœur émotionnel du récit dans lequel nous embarquons, mais bien les humains qui l’entourent, et dont il va révéler les plaies, pour mieux leur donner l’occasion de les panser. De ce choix fort résulte néanmoins un problème de taille, puisque le réalisateur est obligé de jouer en apparence le jeu du remake et de tacheter son intrigue de figures imposées et de scènes clefs, pour apaiser le studio et nourrir le fan.
Par conséquent, la première demi-heure du métrage semble extrêmement laborieuse, mécanique, voire décousue, tant on se demande où Tim Burton compte l’emmener.
CIRCUS JUICE
Et après cet interminable premier acte, c’est un petit miracle qui se déploie avec les ailes de Dumbo. Peut-être lassé par 15 ans de relectures stériles de son œuvre (Frankenweenie), de décalques creux (Les Noces funèbres) ou de barbouillages numériques (Alice au pays des merveilles), Tim Burton s’éveille soudain. À la manière d’un pirate, il perturbe le logiciel dont il a la charge afin de tirer le portrait d’une troupe d’artistes en déroute, désargentés, blessés et malades, mais porteurs d’un secret confinant à la magie sous les traits d’un éléphanteau miraculeux.
Une chance qui leur vaudra d’être approché par un professionnel du divertissement industriel, croqué avec gourmandise par Michael Keaton. Dès lors, le metteur en scène retrouve des couleurs alors qu’il compose de longs plans, de plus en plus complexes, au cœur d’un complexe d’acier et de strass, sorte de parodie militarisée de Disneyland. Car elle est là, la cible de Dumbo : ce sont les squatteurs de temps de cerveau disponible que cherche à harponner Burton.
Toute ressemblance avec Disneyland serait purement fortuite...
Bien sûr, il œuvre ici pour Disney, et ne peut pas totalement se lâcher la bride, mais on est régulièrement saisis par la violence avec laquelle il caricature les vicissitudes des grandes entreprises d’amusement. De dialogues désespérés en métaphores limpides, c’est bien la mort de l’artisanat qu’il décrit, l’espérance piétinée de créateurs qu’un système économique renvoie aux marges de la société.
LE NOËL DE MR BURTON
Peut-être inspiré par le sujet et la tournure qu’il lui donne, ou tout simplement désireux de retrouver un peu de la vista d’hier, Tim Burton retrouve dans Dumbo de nombreux motifs de ses films précédents, qui le poussent à questionner à nouveau la narration, et donc la mise en scène. Qu’il fixe sa caméra au regard mélancolique d’un Colin Farrell mutilé, métamorphose Michael Keaton en clone de Max Schreck, ou injecte soudain une bulle d’expressionnisme allemand dans son décor principal, Dumbo vit plus fort que tous ses derniers films.
Travaillant constamment la photographie et les textures, comme l’enchevêtrement de techniques en dur et du numérique, le réalisateur retrouve une richesse graphique qu’il paraissait avoir abandonnée. Et alors qu’il s’immerge totalement dans cette fable où ses thèmes récurrents s’égrènent les uns après les autres, il nous fait la surprise de l’émotion.
Elle prend de l'ampleur avec la déclaration d'amour au spectacle vivant qui structure le film. En particulier lors d'un dernier acte où les blessés se relèvent et où les bonimenteurs bonimentent, à la faveur d'une séquence qui s'amuse à multiplier les illusions au sein d'un même plan. Une séquence pour mieux en appeler au souvenir d'un cinéma analogique, à l'amour dévorant de trucage qu'on ne s'attendait à revoir dans un blockbuster de tonton Mickey.
Même la partition aussi envahissante que grossière de Danny Elfman ne peut rien y faire, pas plus que l'animation parfois vilaine du petit éléphant : il émane du film de purs saillies sentimentales, de longues plages d’émerveillement, auxquelles les remakes live de Disney ne nous avaient pas habitués.
Parce qu’à la manière d’un monstre de foire, Dumbo ne se laisse jamais appréhender ou attraper, qu’il déjoue les enjeux attendus et se renouvelle sans cesse, il touche au cœur.
Lecteurs
(3.7)12/05/2023 à 20:51
Énième retour de Tim Burton chez Disney, avec un personnage d'outsider faisant partie du Premier Âge d'Or du studio... Tâche ardue, c'était un pur film visuel et sentimental, ne racontant pas grand chose d'autre.
Le scénario s'étire donc, en faisant de Dumbo un reflet de personnages humains bel et bien parlants, avec leur propre étrangeté : un père handicapé, une fille (encore une fois à la fibre intellectuelle) au visage joliment atypique, et plus généralement tout un cirque.
L'ensemble devant sans cesse se réinventer, jusqu'à trouver un équilibre satisfaisant, non sans être entre-temps absorbé par un conglomérat du Divertissement. Qui n'est pas une simple autocritique de Disney (ça se passe dès 1919, il y en aura toujours des comme ça) mais un constat clairvoyant quant à la fragilité d'une grosse entreprise vouée à s'autodétruire lorsque la peur et (la perte) d'argent s'en mêlent.
Alors Burton a beau y rappeler son point de vue personnel sur les foules hystériques, faire une inversion de caractères en retrouvant les Michael Keaton et Danny DeVito de "Batman : Le Défi", et s'amuser à tout faire péter... le vitriol d'antan a longtemps disparu depuis qu'il est devenu père - le rythme est celui d'un film moderne pour enfants, très précipité.
Mais il n'a pas oublié que pour vivre heureux, il faut vivre caché - ou modestement.
03/04/2023 à 09:44
Perso, pour moi c'est l'un des pires Burton... inconsistant, fade, insipide.
une grosse déception comme pour tous les remake Lives de Disney jusqu'à maintenant.
01/04/2023 à 21:04
" la partition aussi envahissante que grossière de Danny Elfman" l'abus, la BO est magnifique, une de ses meilleures depuis un moment ! Le thème de Dumbo est parfait, on le voit bouger ses oreilles pour s'envoler en l'écoutant !
16/12/2022 à 20:32
ET bien perso j'ai trouvé que c'était une très bon adaptation live du DA. Un sacré travail pour en faire un film dense et consistant vu l'age du DA.
24/02/2020 à 10:34
Il suffit de revoir la flamboyance d'un Ed Wood pour constater à quel point Tim Burton (et J. Depp aussi, d'ailleurs) a abdiqué face à la machine hollywoodienne. Des petites mains supplémentaires pour nourrir le marché...
22/02/2020 à 05:11
@Pat Rick: depuis plusieurs films Colin Farrell semble en.effet s'ennuyer et être là juste pour le chèque : Les Veuves, L'Affaire Roman J...
21/02/2020 à 20:08
De tout les remake Disney sorti l année dernière et même avant, c celui que j ai trouvé le plus innovant et qui m a le plus surpris tellement j en attendais rien vu que le DA original n est pas le plus marquant.et surtout ils ont mit une caricature de walt Disney en méchant!!! WTF???
21/02/2020 à 19:19
J'ai l'impression que Colin Farell était un peu perdu dans ce film, même sa façon de jouer et de bouger semble indiquer qu il s emmerde un peu, ça ne lui ressemble pas, surtout dans un film de Burton, les autres acteurs semblaient beaucoup plus impliqués, je sais pas si c est fait exprès
21/02/2020 à 19:15
J'espère qu'un jour Burton nous refera un film de la veine de Sleepy Hollow ou encore d'Edward aux mains d'argent.
25/04/2019 à 13:53
Pas du tout fan de Burton mais c'est plutôt réussi, on passe un bon moment. Je suis bluffé par le regard de Dumbo et tout ce qu'il peut faire passer comme émotion, un réussite ce petit éléphant !