Alita : Battle Angel - critique Panzer Kunst

Simon Riaux | 25 septembre 2022 - MAJ : 26/09/2022 12:16
Simon Riaux | 25 septembre 2022 - MAJ : 26/09/2022 12:16

Après une gestation homérique, le manga Gunnm de Yukito Kishiro est devenu le blockbuster Alita : Battle Angel, couvé par James Cameron et assisté dans son éclosion par Robert Rodriguez, avec en tête d'affiche Rosa Salazar, Christoph Waltz, Jennifer Connelly, Ed SkreinMahershala Ali et Keean Johnson. Un pari risqué qui s'est soldé par un échec plus ou moins énorme, et un Alita : Battle Angel 2 annulé.

GHOST IN THE GUNNM

Voilà un projet éminemment casse-gueule. La fraîcheur de l'accueil (public et critique) réservé au récent Ghost in the Shell a rappelé combien il demeurait complexe de transposer de grandes oeuvres japonaises dans la lessiveuse hollywoodienne. Déjà en 2012, le four John Carter avait prouvé combien revenir à une création matricielle, pillée par la pop culture pendant des décennies, était risqué. Le film d'Andrew Stanton était passé pour vieillot, quand il adaptait avec respect une saga littéraire dont l'ADN avait notamment essaimé du côté de Star Wars.

Et sur le papier, c'est bien ce genre de simplification et de paradoxes artistico-temporels qui menaçaient Alita : Battle Angel. Greffe culturelle délicate, menacée d'anachronisme, que ses années de development hell pourraient avoir vidée de sa substance, l'aventure qui nous attend n'est pas sans risques.

Or, c'est justement là que la présence derrière la caméra de Robert Rodriguez, fumiste notoire plus connu pour s'adosser à de glorieux concepts que pour les transcender, fait mouche. Tout d'abord, parce qu'il transvase l'univers cyberpunk chimiquement pur du manga de Yukito Kishiro dans un décor hybride, aux airs de "barrio" multicolore. Entre Mexique et cybernétique tokyoïte, le monde de Gunnm échappe au piège du sentiment de déjà vu, et peut épouser parfaitement les affects de son héroïne Gally/Alita, qui s'éveille au monde avec appétit et innocence.

 

photo, Rosa SalazarUne cité dominée par la poussière et le métal

 

Fort d'une direction artistique somptueuse, qui marie avec opulence décors physiques et incrustations vertigineuses, le blockbuster s'ouvre ainsi sur l'éveil d'une protagoniste idéalement incarnée par Rosa Salazar, dont les immenses yeux font bien sûr écho à son aînée de papier. Et cet alignement des planètes permet au récit de nous ramener progressivement vers la noirceur et les ténèbres du matériau original, dans un pas de deux entre Robert Rodriguez et James Cameron très bien tenu esthétiquement.

Car c'est là l'impeccable réussite d'Alita : Battle Angel, à savoir une alliance de candeur et de brutalité cinétique et cinégénique. Alors que s'emballe le scénario, multipliant jusqu'à l'ivresse les joutes, démembrements sauvages et combats ultra-violents, c'est bien son humanité qu'Alita porte haut. Dans une cité cauchemardesque, où la frontière entre vie et machine s'estompe toujours un peu plus, c'est paradoxalement en se reconnectant à son moi de machine que l'héroïne peut saisir son humanité.

Cette équation au coeur de Gunnm se retrouve préservée dans le blockbuster. Soutenu par les équipes de James Cameron, le réalisateur de Planète Terreur se fait une joie de citer et reproduire les cases emblématiques du manga. Heureusement, le réalisateur a nettement progressé depuis le rigide Sin City, et dose intelligemment citation, inspiration et reprise, tout en y injectant ici et là de grosses doses de série B (on pense notamment au sort d'un personnage secondaire digne d'un bon vieux Roger Corman des familles).

 

photo, Rosa Salazar, James Cameron, Robert RodriguezT'as de gros yeux, tu sais

 

WAY OF THE GUNNM

Le film s'impose par conséquent comme un blockbuster d'une richesse extrême, dont la moindre image est saturée d'accessoires, de couleurs, de perspectives et de détails relevant d'un perfectionnisme invraisemblable. Ce tourbillon esthétique s'énerve durant la dernière heure du métrage, qui enfile les morceaux de bravoure et séquences d'action avec une énergie qui évoque très justement les bouffées d'adrénalines provoquées par la lecture de l'oeuvre originale, émaillée de joutes à rallonge jubilatoires.

Ainsi, le spectateur se retrouve régulièrement à genoux durant le dernier acte, quand chaque baston se révèle plus ample, sèche, violente que la précédente, et qu'il craint à chaque hémorragie massive d'un androïde de voir le générique débuter à la manière d'une sanction. À l'heure des photocopies d'univers franchisés au douceâtre parfum de savon, on n'avait pas ressenti pareil engagement physique et romanesque au sein d'une superproduction depuis trop longtemps.

Ainsi, il faut voir la caméra embrasser le corps brûlant de rage d'Alita, alors qu'elle se fraie un chemin sanguinolent à travers une déchiqueteuse, avant de s'élancer sur la piste du motorball. Et il faut vivre le climax émotionnel aussi épuré que romantique aux abords de Zalem, afin de saisir toute l'ampleur du projet.

 

photo, Rosa Salazar Alita vs Zapan, la rencontre tant attendue

 

GROSDRIGUEZ

Malheureusement, cette furie digne d'une grosse montée de Panzer Kunst se paie au prix fort. Pour un enchaînement stroboscopique de délires biomécaniques, il faut d'abord en passer par une exposition longuette, aussi épaisse qu'une mayonnaise au cheddar, où Robert Rodriguez rappelle qu'il a bien du mal à sortir de la pure logique d'illustration.

Pendant près d'une demi-heure, et en dépit d'une luxuriance de décors et d'ambiance roborative, il confie son héroïne aux bons soins du docteur Christoph Waltz, qui n'a pas grand-chose d'autre à faire que de sourire mollement en récitant la notice Wikipedia dédiée au lore de Gunnm.

 

photo, Christoph Waltz Papa Waltz est là pour vous tenir la main 

 

En résulte une amorce souvent fade et parfois d'une grande lourdeur, où on peine à trouver la trace d'un auteur, d'un point de vue. Cette mollesse introductive se marie en outre au désir de faire entrer au forceps plusieurs arcs narratifs du manga, afin de s'assurer que le film offre une photographie la plus ample possible de cet univers. C'est grâce à cette boulimie que la dernière heure peut nous offrir un incroyable feu d'artifice, mais sa mise en place s'avère parfois dangereusement linéaire et maladroite.

Au final Alita : Battle Angel n'est jamais le blasphème redouté, mais n'est pas non plus l'adaptation de James Cameron longtemps fantasmée. Il faudra se contenter de cette proposition, imparfaite, mais régulièrement euphorisante, qui fait du film un blockbuster respectueux et à la générosité débordante. Une sorte de visite accélérée d'un des chefs-d'oeuvre du cyberpunk, emmenée par un guide pas toujours très fin, mais empli d'amour pour sa mission.

 

Affiche française

Résumé

Blockbuster esthétiquement ambitieux et violemment épique, Alita : Battle Angel est un bel hommage à l'âge d'or du cyberpunk, qui se perd parfois en bavardages indigestes.

Autre avis Christophe Foltzer
C'est joli mais c'est long. L'histoire est respectée et les trahisons intelligentes. Mais le film manque énormément de personnalité et se plie trop aux contingences d'une future franchise pour vraiment se démarquer et trouver son identité.
Autre avis Geoffrey Crété
Alita : Battle Angel est ambitieux, et lorsqu'il s'emballe, le film offre quelques belles sensations. Mais tout est plombé par une écriture sans finesse, qui casse toute émotion, freine les thématiques passionnantes, et empêche l'univers de prendre vie.
Autre avis Lino Cassinat
Alita : Battle Angel semble avoir été écrit et réalisé par un claptrap, tant il est fade, aseptisé et sur-explicatif. Les fans du manga originel ne manqueront pas de hurler de douleur face à une adaptation coloriée au crayola, les autres ne garderont aucun souvenir marquant d'un film pas particulièrement nul, mais particulièrement quelconque.
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Lecteurs

(3.7)

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commentaires
David27
27/09/2022 à 14:56

Je trouve que vous y aller un peu fort alita m'a emporté du début à la fin énormément de fan pense comme moi et attendent une suite depuis la sortie du premier volet reste à savoir si Disney va relevé le défi

Flo
20/05/2022 à 14:55

Revu "Alita..." Et c'est toujours pas possible. Non vraiment, toute l'admiration qu'on pourrait porter à ce film pour ses effets spéciaux, son action et sa violence ne sonnerait que superficielle. Car derrière, il y a un rythme de film qui n'est pas du tout adapté à la sensibilité de cette histoire :
Trop de musique envahissante et trop de bons sentiments (tout ça "à l'Américaine"), trop de précipitation dans la narration - quasiment une album manga condensé en deux heures, ce n'est pas bon.
Comment faire pour qu'une héroïne physiquement artificielle pour les autres personnages, mais également pour nous spectateurs puisqu'on voit qu'elle est intégralement recrée en images de synthèse, puisse créer de l'empathie malgré le fait qu'elle soit très tôt super forte et habile ? Sans avoir des moments de calmes et de silences, ni une progression en puissance qui prendrait son temps et ne lorgnerait pas vers une logique de jeux vidéos (les apparitions régulières du "Boss" Grewishka)..?

Ça n'est pas du tout le cas là, et ça ressemble également bien trop à une histoire du type Young Adult, mais où la caractérisation de cet univers précis n'est laissée qu'à la connaissance des lecteurs du manga. Un univers sombre où l'on a aucun moyen de fabriquer des machines volantes, mais où par contre on peut créer des prothèses si perfectionnées que la Vie n'a plus beaucoup de valeur. Il faut une bonne dose de chaleur humaine pour faire vivre ça, et le film en manque.
De même qu'il manque de la folie sale et foutraque de Robert Rodriguez, ici simple exécutant appliqué au service de James Cameron, mais aux thématiques personnelles totalement absentes - même la présence d'une bagarre de bar n'est qu'un clin d'œil poussif à son cinéma.

Il aurait mieux valu couper plus tôt dans la narration, et s'arrêter au moment du combat souterrain contre Grewishka (grand climax). Tout le film aurait alors pris son temps, en accord avec son identité nippone, en se concentrant plus sur le volet "chasseurs de primes". Puis ça se serait fini sur Alita acquérant son nouveau corps puissant, et la révélation des activités illicites de Hugo.

Reste maintenant un film qui, en ayant grillé ses cartouches trop tôt, se suffit complètement à lui-même. On comprend bien à la toute fin qu'elle renversera Nova... alors, une suite ne serait que du remplissage.

Bravo
19/05/2022 à 09:50

Grand fan du manga et compte tenu des contraintes du projet qui rendait la transposition de la violence du manga impossible ce film est une total réussite

Galawar
19/05/2022 à 07:32

Je ne comprends pas l'engouement du public pour ce film...
Personnellement, je l'ai trouvé très moche (les FX ben... Font très FX...) visuellement, même si l'héroïne est bien réussie. Quant au reste... C'est banal, et même un peu chiant. Grand fan du manga, je n'en ai pas retrouvé la noirceur.
Y'avait des bonnes idées mais il fait complètement parti de ces films vite vus, vite oubliés.

Incognito
19/05/2022 à 06:19

La suite et tout de suite !! Point barre!

Ann21
19/05/2022 à 00:11

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jorgio6924
18/05/2022 à 22:52

Il est passé par le trou noir de Grozieu ??
Pardon ! Je sors...

phoenixdesaphitr
09/12/2020 à 15:06

il est indéniable que ce film est véritablement spectaculaire et d'une esthétique incroyable. Tout le graphisme et les décors cybernétiques et électroniques( dont on sent largement l'omniprésence surtout la nuit tombée ) sont d'un grand réalisme et très recherchés, surtout concernant le corps des cyborges eux-mêmes( celui d'alita est fascinant!!) . Maintenant, il me semble que les gens font trop de grandes comparaisons entre ce film et le manga lui-même. Il est évident qu'on ne peut pas condenser 10 volumes (je crois ) en 1 seul film. Mais çà, on le sait déjà avant de le voir, finalement. Concernant les critiques sur sa version trop "édulcorée" : un film est un film, un manga est un manga . Cameron ne pouvait évidement pas transposer la violence et le côté crade du manga dans son film , car à la limite, ça n'aurait plus été un film de science-fiction mais un film d'horreur. Car je trouve perso que le manga est bien trop dégoutant et cru , avec cette confusion entre chair/métal vraiment particulière , tandis que le film de cameron est très beau, et je pense que les gens en oublie un peu trop sa dimension spirituelle. Si james cameron est super fan du mangaka Kishiro, ce n'st pas par hasard. Car cette oeuvre est une véritable distopie, dénoncant un régime totalitariste contrôlant les peuples par l'intelligence artificielle et la robotique, avec un accent bien marqué sur la connexion humain-machine ( donc Transhumanisme) et une robotisation générale de la société. On peut même y voir le contrôle des illuminatis sur leurs sujets serviteurs , avec Nova( qui représente les élites ) qui est l'homme qui observe derrière les yeux . Alita, elle, est une métaphore de l'humanité, représentant son éveil , sa rebéllion , et même sa recherche sur son propre passé. Et même pour les fans de l'ufologie, il y a carrément aussi de grosses représentations significatives. .

Christian Cage
07/08/2020 à 13:26

Je dois dire que ce film m’a vraiment toucher au point que j’en n’ai coulée une larme, ce qui je dois dire m’arrive très rarement. J’ai adoré ce film et j’implore la production de faire une suite?


16/03/2020 à 11:06

Moi je veux la suite d'alita, son modèle de combat me fascine

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