Katie Says Goodbye : critique qui dit bonjour

Christophe Foltzer | 17 avril 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 17 avril 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Si le marché est saturé de gros blockbusters à l'heure actuelle, la période est aussi riche en nouveaux metteurs en scène et en premiers films parfaitement maitrisés. En voilà encore un excellent exemple.

BONJOUR, AU REVOIR

C'est d'ailleurs un des grands plaisirs de ce métier à l'heure actuelle, de passer entre les gouttes des gros blockbusters pour dénicher quelques petites pépites que nous n'aurions pas forcément remarqué auparavant. Du moins, pas de la même manière. Et lorsque l'on découvre le premier film de Wayne Roberts, Katie says Goodbye, on se dit que, mine de rien, ça vaut la peine de se taper du Marvel par paquets de 12. Parce que, voyez-vous, Katie says Goodbye est un film qui cache très bien son jeu et qui nous prend aux tripes sans crier gare.

Pourtant, l'histoire ne brille pas forcément par son originalité puisqu'elle a été vue et revue des milliers de fois au cinéma : Katie, pas encore une adulte, mais plus vraiment une ado, vit seule avec sa mère dans un trailer-park en plein désert. Serveuse, elle tapine régulièrement dans la joie et la bonne humeur pour ramener de l'argent à la maison et financer le grand projet de sa vie : partir s'installer à San Francisco. Alors que l'univers qui l'entoure n'est que dépression et lâcheté, Katie garde le sourire, encore plus depuis qu'elle a fait la rencontre de Bruno, un mystérieux garagiste taciturne et bourru.

 

Photo Olivia Cooke, Christopher AbbottKatie says "Hello" to Bruno

 

Partant de ce principe archi-rebattu, Katie Says Goodbye affiche pourtant immédiatement la couleur et la véritable nature de son projet : le film sera moins l'histoire d'amour entre Katie et Bruno que le portrait au vitriol d'une communauté repliée sur elle-même qui se nourrit de ses habitants.

Et c'est d'ailleurs là que le film montre sa gigantesque force. Tous les habitants de ce bouge paumé dans le désert, comme autant d'âmes en peine, exilés de l'existence pour des raisons obscurs, utilisent Katie pour survivre grâce à un pacte silencieux et induit. Seule lumière de la ville, l'insouciance de Katie illumine les coeurs des autochtones qui s'en servent autant qu'ils utilisent son corps pour soulager leurs frustrations.

 

Photo Olivia Cooke, Christopher AbbottUn joli duo

 

Le portrait établi par le réalisateur-scénariste Wayne Roberts en devient brillant par le traitement-même de son héroïne : elle ne souffre pas de son statut, elle l'embrasse même avec le sourire, faisant preuve d'une naïveté et d'une honnêteté sentimentale touchante. Elle a toujours vécu ainsi, avec sa mère flinguée par la vie (formidable Mireille Enos) qui entretient un rapport plus qu'ambigü avec sa fille, tiraillée entre l'envie qu'elle s'en sorte et la jalousie relative à sa jeunesse et sa fraicheur.

Un récit qui évolue donc constamment dans les zones grises de la psyché humaine et qui ne révèle son véritable visage et la nature du lien qui relie Katie aux autres qu'au moment où cette dernière cherche à vivre sa vie, à s'émanciper de son milieu pour accéder à son rêve de toujours. Ce qui, bien entendu, n'est pas vraiment accepté et rompt l'équilibre pervers de la communauté.

 

Photo Mary SteenburgenMary Steenburgen, qu'on est bien content de revoir après tout ce temps

 

PARIS, TEXAS

Un récit qui vire donc fatalement au drame lorsque l'équilibre pulsionnel et le pacte silencieux est brisé et que Katie n'accepte plus cette position quasi sacrificielle au sein de sa communauté. Et c'est avec un réel talent de conteur et de metteur en scène que Wayne Roberts nous entraine dans cette histoire tragiquement banale et profondément touchante.

Il faut dire aussi qu'il peut compter sur une distribution exceptionnelle. Olivia Cooke, un peu fade dans Ready Player One, fait preuve d'un talent incroyable, totalement investie dans un rôle complexe et perturbant, tandis que Christopher Abbott joue à merveille l'étranger mystérieux au passé trouble, entourés par des valeurs sûres que l'on prend un grand plaisir à retrouver comme Mary Steenburgen ou encore le grand Jim Belushi.

 

Photo Olivia CookeExtraordinaire Olivia Cooke

 

Si le film accuse quelques longueurs et autres maladresses (après tout, cela reste un premier film), il propose cependant une mise en scène intelligente et discrète qui met avant tout l'accent sur la lumière et les paysages désertiques, comme autant de représentations symboliques de ses personnages et du drame qui se déroule sous nos yeux, aidé en cela par la composition éthérée et troublante de Dan Romer qui reste en tête longtemps après la projection.

C'est donc à la naissance d'un réalisateur très prometteur que nous assistons, entouré d'une brochette de comédiens exceptionnels et dévoués à l'histoire qui nous est racontée. Un récit puissant et profondément humain, ample et pourtant discret qui fonctionne dans le sous-entendu et dans le détail à qui on pardonnera quelques lieux communs. Non, franchement, Katie Says Goodbye est une réussite à tous les niveaux et on vous ordonne d'aller le voir. Pour une fois, faites nous confiance.

 

Affiche française

Résumé

D'un récit déjà vu et cousu de fil blanc, Wayne Roberts en tire un film puissant, touchant et émouvant, servi par des comédiens extraordinaires. On en sort les yeux rouges et le coeur gros, mais on ne regrette absolument pas le voyage. Chapeau bas.

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