Submarine : Critique

Nicolas Thys | 20 juillet 2011
Nicolas Thys | 20 juillet 2011

Submarine fait partie de ces films dont on ressort à la fois avec une impression de déjà vu et une impression de découverte. Déjà vu car l'histoire ressemble a beaucoup d'autres, leitmotiv d'un certain cinéma, refrain qui revient régulièrement avec quelques petites variations. Une histoire simple, naïve et touchante, une histoire d'amour, d'ados, de découvertes. En général, elle est tantôt trash, tantôt joyeuse, tantôt dramatique. Ici elle est un peu les trois à la fois, symptomatique d'une époque mais aussi d'une culture.

Déjà le film est britannique. Avec tout ce qui va avec. L'humour étrange, qui oscille entre comédie et tragédie. Et c'est l'une des grandes forces du film de réussir à se maintenir sur un fil ténu entre les deux bords sans jamais plonger véritablement. Dès qu'on rit, un élément dramatique se déroule quelque part dans le plan, et dès qu'on est ému, un petit quelque chose dans la forme prête à sourire. On va et vient d'un bord à l'autre, on tangue sans jamais couler et cette état de transition permanente est parfait ainsi. Il faut voir cette séquence étrange où le protagoniste, à table avec sa petite amie et les parents de celle-ci pour un noël en avance à cause d'un cancer de la mère, se retrouve seul à table pendant que les 3 autres se prennent dans les bras. A la gêne évidente se mélange une ironie certaine sans que ni l'une ni l'autre ne surgissent vraiment. Une des plus belles scènes du film.

 

 

On retrouve ce qui a fait la grandeur du cinéma britannique, cet humour et ce drame entremêlés qui cherchent à caractériser un état de la société car c'est ce qui se joue ici. Les personnages sont peut-être des caricatures, des exagérations aberrantes d'une société en crise, mais ils sont représentatifs dans leurs actes et leurs propos d'un certain état des choses qui flottent autour de nous et d'eux. Le sexe comme une obligation, les relations sentimentales froides, les individus qui se cachent ce qu'ils pensent ou ressentent. Mais tout n'est apparence, et les sentiments, la détresse et le désir sont là mais enfouis. La crise en est le symptôme premier car s'il y a crise c'est qu'il y a une once de vie quelque part. Et elle est là, tant chez les parents que chez l'adolescent, spirituelle, psychologique ou amoureuse.

 

 

Et pour creuser cette apparence brute, que les acteurs les plus jeunes manifestent par un jeu glacial, miroirs de parents qui cherchent à fuir ce même état sans y parvenir, la surenchère formelle de Richard Ayoade fait merveille. Dire que le cinéaste est un maniériste c'est peu dire. Si les expériences multiples, caractéristiques de nombreux premiers films où les réalisateurs se donnent à l'extrême, embarrasseront et ennuieront certains, elles n'en restent pas moins maîtrisées et indispensables. Les fondus colorés, la division en actes, les éclairages fades à l'image de la vie vue par les personnages, les mouvements amples par moment qui contrastent avec une stabilité imposante ailleurs, le montage très sec, tout est bon pour creuser les états d'âmes de personnages à la recherche d'eux-mêmes. Pour montrer ce qu'ils ont en eux, ce qu'ils sont vraiment.

 

 

Le réalisateur va chercher la vie où elle est dans un monde où les sentiments n'ont pas droit de paraître. Pour y accéder, pour plonger au fond de cette vie sous marine, il va la modeler avec les moyens propres au cinéma. Et avec la musique, elle aussi caractéristique d'une époque et d'une culture, et qui influence totalement l'atmosphère générale. Jusque là Ayoade était connu pour avoir réalisé des clips pour des groupes rock britanniques comme Kasabian, Vampire week end, Super furry animals ou les formations du génial Alex Turner (Arctic Monkeys et Last shadow puppets) qui est à l'origine de plusieurs titres en solo pour le film. Et les errances des protagonistes, qui s'aiment sans se le dire, perdus dans un paysage qui les magnifie et un univers où le romantisme est mort, le rêve enfoui, et la gêne perpétuelle, se mêlent parfaitement avec cette musique aux accords lancinants et désespérés.

 

 

 

Résumé

Et contrairement à ce qu'on pourrait penser, Submarine fait bien plus penser par sa magie réaliste mise à mal par des effets multiples et artisanaux, à un Gondry ado qu'à un Wes Anderson rétro. Et c'est pour ça qu'on l'aime. Pour le plaisir de plonger dans un univers bordélique où tout s'entrechoque, dans une naïveté certaine que le cinéma parvient encore à révéler et à faire parler. Pour découvrir ce monde que l'on pensait connaître.

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