Dollhouse, la nouvelle série de Joss Whedon : Agents (in)actifs

Stéphane Argentin | 5 novembre 2009
Stéphane Argentin | 5 novembre 2009

Joss Whedon serait-il un brun masochiste ? La question mérite d'être posée à la vision de Dollhouse, dernière création sérielle du bonhomme.

Petit rappel des faits. Jusqu'au milieu des années 1990, son nom ne dit rien à personne ou presque. Joss Whedon est bien crédité en tant que scénariste de Toy Story (1995) et Alien resurrection (1997) mais ce sont surtout les mots « Pixar » et « Jean-Pierre Jeunet » qui ressortent de ces deux incursions sur grand écran. C'est sur le petit que Joss va se faire connaître en revisitant un personnage qu'il avait déjà écrit pour le cinoche : Buffy. En parallèle de la mise sur orbite d'une star / icône sexuelle (Sarah Michelle Gellar), une légende venait de naître et avec elle tout un univers : le Whedonverse.

 

 

La série Buffy contre les vampires sera ainsi diffusée sur la FOX de 1997 à 2003 et son spin-off, Angel, de 1999 à 2004. Du haut de leurs 250 épisodes cumulés, la collaboration entre Joss Whedon et le network américain semble fructueuse... jusqu'au petit grain de sable Firefly. À la découverte de ce nouveau projet ambitieux (un somptueux space opéra revu à la sauce western et nimbé de philosophie nippone), les dirigeants de la chaîne restent cois, ne sachant que faire d'un tel maelstrom d'idées qui prend 90min à poser son décor. La diffusion débutera en septembre 2002 par un épisode pondu à l'arrache par Whedon suite au rejet du premier pilot qui finira par être diffusé... en dernier tandis que trois autres épisodes resteront inédits à l'antenne, la série ayant été annulée entre temps suite à des audiences en berne (pour tout savoir de Firefly et de cette chronique d'une mort annoncée, vous pouvez lire notre dossier complet à cette adresse).

 

 

2008 : Joss Whedon est de retour sur le petit écran avec un nouveau projet répondant au nom de Dollhouse (littéralement « maison de poupées »)... pour le compte de la FOX ! Les fans alors en émois manquent de s'étrangler. Comment, après l'hécatombe Firefly, leur auteur fétiche a-t-il bien pu accepter de retravailler avec la chaîne qui saborda son précédent joyau ? Et le passé entre le bonhomme et la chaîne de ressurgir alors bien vite. Ou quand l'histoire se répète à nouveau. Mis au rebus, le pilot doit être refait de fond en comble et Whedon d'annoncer à qui veut bien l'entendre que ce nouvel épisode introductif, plus compréhensible par le premier quidam venu, ne transigera en rien sur les qualités d'ensemble d'une série qui, sur le papier, s'annonce très prometteuse : au sein d'un immense laboratoire secret appelé Dollhouse, des hommes et des femmes sont programmés pour prendre différentes personnalités en vue d'accomplir des missions. Après chacune d'entre elles, leur mémoire est effacée. Pourtant, une jeune femme, Echo, voit ses souvenirs refaire peu à peu surface...

 

 

La FOX elle, semble vouloir y croire, décide de conserver la série pour la mi-saison mais la programme le vendredi, soirée désormais désertée par le public américain. La diffusion débute donc le vendredi 13 février 2009 et les scores ne sont guère brillants (moins de 5 millions de téléspectateurs) et n'iront pas en s'arrangeant au cours des semaines suivantes. À peine à l'antenne, l'avenir de la série semble déjà incertain et les fans tremblent à nouveau... jusqu'à l'annonce officielle du renouvellement du show pour une deuxième saison en mai. Une décision motivée par les fameux visionnages DVR à J+7 (les personnes qui enregistrent les épisodes et les regardent au cours de la semaine qui suit la diffusion) qui représentent 30% de l'audience de la série mais aussi par les craintes des dirigeants de la FOX qui déclaraient, non sans humour, qu'ils ne souhaitaient pas crouler sous les mails d'injures si la série venait à être annulée au bout d'une seule saison. Dans le même temps, Joss Whedon annonçait que ses précédentes créations n'avaient jamais connu de scores mirifiques et qu'elles étaient telles des marathoniennes, à savoir méritantes sur la longueur.

 

 

Toutefois, au terme de cette première saison, le résultat est loin d'être probant. Pour ne pas dire calamiteux. À trop vouloir mettre de l'eau dans son vin pour tenter de plier son fameux Whedonverse au bon vouloir de la FOX qui souhaitait une série plus procédurale, Joss finit par nous servir de la piquette. Sur les 12 épisodes diffusés par la chaîne, une petite moitié seulement est à sauver tandis qu'il faudra chercher à la loupe au sein du reste pour trouver les scènes disposant d'une véritable valeur ajoutée sur la mythologie de fond, les réflexions sur les dérives de la science et les enjeux dramatiques. Comble de l'ironie, c'est du côté des épisodes non diffusés à l'antenne (visibles en DVD / Blu-ray) que se trouve le meilleur : le season finale (1.13 - Epitaph One) ainsi que le fameux pilot rejeté.

Bénéficiant d'une narration et d'une mise en scène plus soignée (des effacements de mémoire beaucoup plus traumatisants), le pilot en question permet une immersion plus réussie au sein de cette Dollhouse et de ses fameux « actifs ». Le dernier épisode, combinaison entre l'anticipation et le film de zombies, condense quant à lui quantité de réflexions sur l'homme se prenant pour un Dieu dans 45 minutes d'un récit anxiogène tout aussi réussi. Dans l'un comme dans l'autre, la Dollhouse n'est plus un simple gimmick servant à transformer des pantins dociles en couteaux suisses répondant à tous les besoins / fantasmes mais un véritable centre d'intérêt narratif (cf. les flashbacks certes un brun elliptiques mais au combien réussis de l'épisode 13).

 

 

Et ces deux épisodes mis bout à bout de donner corps à ce qu'aurait pu / dû être Dollhouse emmené par la destinée dramatique de son héroïne, Echo, réduite la plupart du temps à un vulgaire objet de fantasmes défilant dans différentes tenues, depuis le tailleur BCBG jusqu'au cuir SM. Un personnage auquel le téléspectateur ne manquera toutefois pas de s'identifier lorsque celui-ci déambule, telle une marionnette vidée de tout pouvoir de décision, au milieu de cette demeure aux allures faussement paradisiaques au rythme d'une musique mélancolique à souhait et tandis que revient encore et toujours la même ritournelle : « Me suis-je endormie ? ». Avec la ravissante Eliza Dushku en compagne de sommeil et Joss Whedon en conteur d'histoire, la nuit promettait d'être agréable. Pour l'heure, le téléspectateur dormirait plutôt à poings fermés.  Espérons que le réveil aura bien lieu pour la saison 2...

Dollhouse : Tous les jeudis soirs à 20h35 sur Téva, à partir du 5 novembre 2009.

 

 

 

Tout savoir sur Dollhouse

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Aucun commentaire.