Esprit cathodique - Numéro 8

Patrick Antona | 21 mars 2008
Patrick Antona | 21 mars 2008

Parce qu’il n’y a pas que le ciné et les DVD dans la vie. Etparce qu’il y a aussi la TV et qu’avec le nombre de chaînes hertziennes, cellesde la TNT sans oublier surtout celles du câble et du satellite, il y a de quoidevenir fou à éplucher les programmes pour trouver THE filmà voirconfortablement installé dans son canapé. Ecran Large, parl'intermédiaire de son fin limier Patrick Antona, vous aide à vous yretrouver en vous offrant une sélection de ce quiserait sympathique de voir chaque semaine. Pas forcement le best of thebestmais un melting-pot savamment préparé par le maestro. Voici le choix decette semaine allant du 22 mars au 28 mars 2008.

 

 

Samedi 22 Mars

 

 

Planète Interdite

Tabou (Nagisa Oshima)

TCM

Cinema Auteur

20 :45

23 :10

 

Planète Interdite demeure ce classique indémodable, révolutionnaire dans la représentation de la SF au cinéma, à voir et revoir, ici en plus en version re-mastérisée. Malgré une cuvée de plus de 50 ans d'âge, le charme persiste, et les moments de bravoure visuelle se succèdent, avec la décor de la planète Altair-4, la soucoupe volante « terrienne »,  la cité de la civilisation disparue des Krell, et l'attaque finale du monstre, animé par les Studios Disney. Le côté avant-gardiste de l'œuvre est assuré en outre par une musique électronique du meilleur effet, la mise en avant d'un personnage cybernétique, Robby le robot en parfait respect des 3 lois fondamentales de la robotique de Isaac Asimov et la mini-jupe dorée de la délicieuse Anne Francis qui fut pour beaucoup dans l'intérêt que développèrent les jeunes garçons envers l'exploration spatiale.

 

 

 

Auteur des sulfureux Empire des sens et Empire de la passion dans les années 70, Nagisa Oshima a depuis plus ou moins mis la pédale douce sur sa carrière. Dernier film réalisé par ses soins en 1999, Tabou (Gohatto en vo) est un superbe récit crépusculaire, lutte fratricide qui secoue une école de samouraï sous couvert de passion amoureuse homosexuelle. Evitant les clichés et les facilités d'usage, tout en respectant les codes de base du Jidai-geki, Oshima joue à fond la carte de la provocation (comme à l'accoutumée) et argumente avec sens sur les fondamentaux « masculins » de la société martiale japonaise du 19° siècle. Niveau casting, les prestations excellentes de Takeshi Kitano et de l'androgyne Ryuhei Matsuda sont pour beaucoup dans le réalisme et la désespérance qui nimbent ce film intense.

 

 

Dimanche 23 Mars

 

 

Capitaine Apache

Le 6° Sens (Michael Mann)

Direct 8

France 2

20 :40

23 :20

 

Sur Direct 8, le dimanche soir c'est séance Western, avec d'habitude une préférence marquée pour les productions italiennes (on évitera pudiquement le terme galvaudé de western-spaghetti) avec le tandem Bud Spencer/Terence Hill à la clé. Mais Capitaine Apache se révèle être sérieusement d'une autre trempe. Voguant sur la vague du cinéma réhabilitant les indiens d'Amérique, Capitaine Apache est un film rare qui offre pour une des premières fois un rôle de héros taillé sur mesure à cette brute de Lee Van Cleef. Métis indien en butte au racisme, il démêlera une intrigue à base de complot contre le président avec finesse et virilité (dans un style qui rappelle furieusement les meilleurs Blueberry de Jean Giraud). L'autre intérêt dans la découverte de ce western atypique réside dans la chanson du générique, interprétée par Lee Van Cleef lui-même !

 

 

 

 

Les fans de l'inspecteur Grissom de la série CSI - Les Experts, qui fait les beaux soirs de TF1, seront bien  heureux de le découvrir en enquêteur profiler sur le fil du rasoir dans ce qui est maintenant considéré comme le premier volet de la saga d'Hannibal Lecter (ici appelé Lecktor !). Interprété par Brian Cox (qui joue plus sur l'ambiguïté qu'Anthony Hopkins), le psycho-killer préféré des spectateurs étrenne ici sa prestation en conseil sur la nature des tueurs en série dans un film intense de Michael Mann, toujours enclin ici à user de ses tics artificiels dont il saura se débarrasser par la suite. Mais la véritable star de ce 6° Sens (Manhunter en VO) demeure l'imposant Tom Noonan, à la fois monstrueux et pathétique dans la peau du tueur Francis Dollarhyde, attaché à détruire ce qu'il pense ne pas être en demeure de mériter. Le film bénéficia (si l'on peut dire) d'un inutile remake en 2002, titré Dragon rouge, uniquement motivé pour capitaliser sur les succès du Silence des agneaux et de Hannibal, avec aux commandes l'ineffable Brett Ratner, le Uwe Boll du gros budget.

 

Lundi 24 Mars

 

 

L'Emprise du crime

Magnum Force

Ciné Polar

France 3

20 :45

23 :20

 

Soirée Polar ce lundi avec deux chefs d'œuvre du genre, le premier étant un classique du film noir réalisé en 1946 par Lewis Milestone (A l'Ouest rien de nouveau), le second étant  l'opus de la saga qui installa le plus célèbre policier de San Francisco,  « Dirty » Harry Callahan, au panthéon des héros de cinéma au gros flingue.

 

Classique histoire de crime et de manipulation dans la haute société américaine, L'Emprise du crime (The Strange Love of Martha Ivers en VO) vaut surtout pour son casting 3 étoiles, à savoir Van Heflin, Barbara Stanwyck, la troublante Lizabeth Scott et un fringant débutant du nom de Kirk Douglas.

 

 

 

Succédant à L'Inspecteur Harry réalisé deux ans plus tôt, Clint Eastwood dans Magnum Force délaisse l'auréole de vengeur en prise avec une hiérarchie frileuse pour celle plus respectable de gardien de l'ordre affrontant des flics fachos adeptes de la justice expéditive (interprétés par les jeunots David Soul, Tim Matheson et Robert Urich). Avec aux commandes du scénario l'équipe de rêve John Milius-Michael Cimino, Magnum Force aligne les séquences d'action d'anthologie (dont une scène de massacre dans une piscine restée célèbre) ainsi que les bons mots, inhérents à la mythologie de l'inspecteur Harry (illustré par le leitmotiv : « Seul l'homme sage connaît ses limites »), et nous montre un Clint Eastwood bien en phase avec son personnage d'homme blasé, mais néanmoins plus cool qu'à l'accoutumée puisque ne rechignant pas à une petite romance avec sa voisine Sunny.

 

 

Mardi 25 Mars

 

 

La Vie des autres

Canal +

20 :50

 

Tout a été dit sur ce film qui reste une des grandes révélations de 2007, et sur l'interprétation du regretté Ulrich Mühe. La Vie des autres est de ces œuvres qui prouvent la grande puissance évocatrice du cinéma, à savoir comment faire comprendre par le psychodrame vécu à trois personnages toute la portée et le poids d'une dictature disparue il y a moins de vingt ans et que tout le monde semblait avoir déjà oublié.

  

 
 
 

 

Mercredi 26 Mars

 

 

Pulsions

L'Île sur le toit du monde

Ciné Polar

Cinéma Famiz

20 :45

22 :30



Une semaine de tout bon cinéphile TV ne saurait être complète sans un passage arrêté devant un film de Brian de Palma. Subtile démarquage de Psychose, Pulsions entretient avec son modèle un rapport symétrique qui permet de comprendre comment l'œuvre du réalisateur américain vient compléter celle d'Alfred Hitchcock. Ici nous avons une femme adultère « punie » dans le sang, un meurtre à l'arme blanche dans un endroit confiné, une scène de douche et un duo d'enquêteurs bien hétéroclite, autant d'éléments qui auraient pu amener au plagiat pure et qui, grâce à la maestria de De Palma se transforme en véritable leçon de cinéma avec cette maîtrise imparable de la gestion de l'espace et du suspens (dont la fameuse scène du musée citée par Laurent Pécha ici), majoré par ce zeste de lyrisme qui doit à la musique de Pino Donaggio.

 

 

 

Si il y a un genre de littérature qui exerce sur votre serviteur une grande fascination, c'est bien celui spécifique dit du Monde Perdu. Des écrits de Sir Arthur Conan Doyle, H. Rider Haggard et Abraham Merritt en passant sur tous ces récits ayant trait à l'Atlantide ou à la survivance de contrées préhistoriques, c'est la garantie d'un  dépaysement total, intrusion fantasmagorique dans un monde où le cartésianisme est de rigueur.

Adapté du roman Le Cimetière des Cachalots de Ian Cameron, L'Ile sur le toit du monde entre dans la catégorie des bons spectacles familiaux produit par Disney dans les années 70, respectant tous les codes d'usage avec voyage périlleux en dirigeable, tribu de vikings ayant traversé les ères en toute autarcie, et surtout sa scène finale avec ses attaques d'épaulards traquant les héros sur la banquise, anticipant de deux ans Orca de Michael Anderson.

 

 

Jeudi 27 Mars

 

 

2001: L'Odyssée de l'Espace

Mondwest

TCM

TCM

20 :45

23 :05

 

« 1968 c'était hier je me souviens » chantait Bruno Carette. Mais 2001 : L'Odyssée de l'Espace c'est toujours demain. Malgré le passage des ans, rien ne semble pouvoir altéré la force prémonitoire et la puissance « tripante » de ce qui demeure une des étapes essentielles du cinéma de SF, à l'identique de Planète Interdite et de Blade Runner. Mais plus qu'un space-opera aux SFX bluffants de perfection pour leurs  40 ans d'âge, le film de Stanley Kubrick demeure cette ultime questionnement sur le devenir de l'homme, partagé entre la crainte du vide et l'aspiration à un état transcendantal l'emmenant vers d'autres horizons (espaces ?). Ce qui n'exclut pas son réalisateur de faire preuve encore de sa misanthropie légendaire, son caractère le plus humain de son film demeurant au final le super-ordinateur HAL, dont la « mort » constitue un des moments les plus tragiques du cinéma.

 

 

 

Avant de foutre des battons dans les roues à John McTiernan sur Le 13° Guerrier ou à Barry Levinson sur Sphere (OK là c'est moins grave), Michael Crichton était un jeune écrivain talentueux  dont le credo était l'impact de la technologie dans notre monde et des risques inhérents aux bouleversements mal maîtrisés. Coup d'essai et coup d'éclat, Mondwest, sa première réalisation en 1973, avec son parc d'attraction qui devient incontrôlable, est un classique incontournable, auquel Terminator et ses suites doivent beaucoup, et conserve toute sa clairvoyance sur la sociétré des loisirs et des limites de son exploitation. Reprenant ironiquement son personnage de pistolero des 7 Mercenaires, Yul Brynner demeure à jamais une des figures emblématiques de l'androïde tueur et désincarné, plus de dix ans avant Arnold Schwarzenegger.

Le film eut une suite, l'anecdotique Les Rescapés du futur en 1976, qui tout en traitant toujours des dangers de la robotique, ouvrait des pistes sur les futurs mondes virtuels.

 

 

Vendredi 28 Mars

 

 

Mata-Hari, agent 21

Le Livre de Jérémie

Ciné Polar

Arte

22 :35

23 :20

 

Petit plaisir coupable de la semaine, la découverte de Jeanne Moreau dans les tenues légères de l'espionne Mata-Hari de Jean-Louis Richard (coupable d'un Déclic bien en dessous des délires érotiques de Manara) est toujours un de ces accidents cinématographiques qui confine plus à l'agréable qu'au navrant. Alternant le ridicule le plus achevé (la danse orientale censée transmettre les codes aux espions allemands, les dialogues idiots entre Trintignant et Moreau) et un certain glamour dans la représentation d'un Paris théâtrale, Mata Hari, agent H-21 peut être vu comme une forme de marivaudage suranné et ironique, adapté d'un scénario de François Truffaut qui y recycle à nouveau ses concepts de l'amour vaincu par les conventions, auquel il aura manqué un vrai metteur en scène.

 

 

 

Et si la voix haut perchée de Jeanne Moreau vous tanne trop les oreilles, plongez-vous alors dans ce Livre de Jérémie concoctée par Asia Argento, et vous découvrirez si la bouillante fille du grand Dario a réussi à retranscrire de manière cohérente le roman underground The Heart is deceitful above all things. Et si en s'accaparant ce rôle de mère à la fois ange déchu et ogresse, Asia Argento réussissait à dépasser son statut d'icône trash, à faire passer l'émotion et à ne pas se confiner dans le grotesque comme elle l'avait fait dans son Scarlet Diva ? Verdict attendu sur Arte attendu pour 1h00 du matin.

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