On peut savoir répondre à la grande question sur la vie, l’univers et le reste et se casser les dents sur l’adaptation de son propre roman : c’est la mésaventure vécue par Douglas Adams, qui n’a pu empêcher H2G2 : Le Guide du voyageur galactique de se perdre dans les limbes du development hell.
Un terrien en peignoir se retrouve propulsé à travers la galaxie après la double destruction de son foyer, l’un fait de briques, l’autre sphérique et construit il y a 4,55 milliards d’années. Il n’y a pas 42 façons de voir les choses : Le Guide du voyageur galactique de Douglas Adams est, par sa créativité délirante, un incontournable de la littérature britannique. Mais ses atouts sont précisément ce qui le rend si difficile à adapter….
Le projet traîne pourtant dans les cartons depuis les années 70 grâce à la volonté de son auteur. De L’attaque des tomates tueuses à Men in Black en passant par Retour vers le futur, on sait que science-fiction et comédie peuvent faire bon ménage au cinéma. Mais son écran est-il suffisamment grand pour accueillir des générateurs d’improbabilité et des robots dont la tête fait la taille d’une planète ?

L’enfer du développement jusqu’après la mort
À l’origine, Le Guide du voyageur galactique est une série radiophonique débutée en 1978 sur la BBC, que son auteur commence à convertir en romans dès l’année suivante. Le cinéma semble constituer la continuité logique, d’autant que, même si les deux fictions n’ont à peu près rien à voir en termes de tonalité, le triomphe de Star Wars a aiguisé les appétits pour les épopées spatiales.
Columbia Pictures en acquiert les droits en décembre 1982. Ivan Reitman est aux commandes et souhaite intégrer Bill Murray et Dan Aykroyd au casting. L’artiste Ron Cobb (concepteur notable de la DeLorean et du Nostromo) fournit quelques concept art. Douglas Adams, qui refuse de voir son œuvre cantonnée à « un Star Wars avec des blagues », se charge du scénario. Confiant dans la bonne marche du projet, il s’installe à Los Angeles.
Son premier jet de 250 pages est jugé bien trop touffu. Sa collaboration avec Reitman n’est pas totalement fluide : crime de lèse-majesté, celui-ci aurait notamment émis des doutes au sujet de la réponse à la grande question sur la vie, l’univers et le reste… Le producteur quitte le vaisseau, recyclant ses envies dans un autre long-métrage promis au succès : Ghostbusters.

Épuisé et désabusé, Adams s’en retourne en Grande-Bretagne où il rédige le quatrième tome de sa « trilogie » humoristique et transpose son univers en jeu vidéo. Sachant qu’une série télévisée est parue dès 1981 sur la BBC, le cinéma devient définitivement le parent pauvre du Guide du voyageur galactique.
En 1992, Adams se laisse convaincre par le musicien et producteur Michael Nesmith de racheter les droits pour repartir de zéro. Il s’acquitte des 350.000 dollars nécessaires pour tourner la page de la Columbia, mais aucun autre studio n’en veut. Comme il le résume au sujet du processus hollywoodien, dans ses Fonds de tiroir publiés à titre posthume :
C’est comme essayer de faire griller un steak en demandant à un ensemble de gens de venir dans la pièce pour souffler dessus, les uns après les autres.

Adams s’associe finalement à son ami et partenaire Robbie Stamp, avant d’être rejoint par le réalisateur Jay Roach, auréolé du succès d’Austin Powers. Ensemble, ils obtiennent l’appui de Caravan Pictures, qui appartient à Disney et prendra ultérieurement le nom de Spyglass. Le triomphe récent de Men in Black a relancé l’intérêt pour la SF comique.
Disney rachète officiellement les droits en 1998. Douglas Adams devient coproducteur exécutif et s’attelle de nouveau au scénario. Cette fois, ça semble être la bonne : Hugh Laurie est pressenti dans le rôle principal et Jim Carrey en Zaphod. Mais le 11 mai 2001, l’auteur trouve la mort d’une crise cardiaque à l’âge de 49 ans. Après trois décennies de development hell, il ne verra jamais l’adaptation de son Guide du voyageur galactique.

Le chaos en ordre de marche
Malgré la mort d’Adams, la motivation de Jay Roach et Robbie Stamp reste intacte, d’autant que la disparition s’accompagne de rééditions diverses qui ravivent l’intérêt pour son œuvre. Sa veuve Jane Belson est favorable à la poursuite du projet.
Il faut en priorité débaucher un nouveau scénariste pour repasser sur le travail d’Adams, dont la dernière version, soumise peu de temps avant son décès, ne donne toujours pas entière satisfaction. Roach se tourne vers Karey Kirkpatrick, remarqué pour sa contribution à Chicken Run.

Certes, la version finale sacrifie un peu de la créativité foutraque du roman au profit d’une structure plus conventionnelle. Mais puisqu’on ne dispose pas des travaux d’Adams, il serait trop facile de blâmer le seul Kirkpatrick, qui arrive après des décennies de réécritures insatisfaisantes. La plupart des éléments propres à cette version cinématographique sont tirés des notes de l’auteur, y compris la relation d’Arthur et Trillian.
S’il reste attaché au projet, Jay Roach souhaite en déléguer la mise en scène. Il sollicite Spike Jonze, qui décline pour cause d’agenda bien rempli, mais lui suggère de s’intéresser à un duo anglais nommé Hammer and Tongs. Constitué de Nick Goldsmith (à la production) et Garth Jennings (à la réalisation), celui-ci s’est fait remarquer par ses clips inventifs.

Leur humour très british semble conforme à l’ADN du Guide du voyageur galactique. Garth Jennings a été à bonne école en apparaissant dans la trilogie Cornetto d’Edgar Wright (dont le titre du Dernier pub avant la fin du monde est un clin d’oeil à Adams). Si les deux créatifs hésitent, la lecture du scénario les rassure. En septembre 2003, le film entre enfin en préproduction.
Reste à faire honneur à cet univers barré. Or, des rumeurs de tensions avaient couru au sujet de son budget, susceptibles d’avoir incité Roach à renoncer à la réalisation. L’enveloppe allouée s’établit entre 50 et 60 millions de dollars, une somme plutôt modeste pour mettre en image de multiples planètes et créatures. Sorti la même année, La Guerre des mondes émarge à plus du double.

En dépit de l’inexpérience de Jennings, Disney (son distributeur via Touchstone Pictures) lui laisse carte blanche. Le réalisateur peut donc librement constituer autour de lui une équipe de fidèles et de passionnés, du directeur de la photographie au concepteur des costumes.
Soucieux d’obtenir le meilleur rendu possible, Jenning storyboarde au préalable l’essentiel du long-métrage afin de condenser toutes les idées en un tout homogène. Il se paie même le luxe d’organiser des répétitions en amont du tournage, programmé à Londres en mars 2004.

La plus-value cinématographique
H2G2 : Le Guide de voyageur galactique tire profit du medium cinématographique pour enrichir son univers transmedia. Le choix de recourir à un maximum d’effets pratiques au détriment du tout-numérique lui confère une vraie identité.
Au sein du studio d’Elstree, où a notamment été tournée la trilogie originelle de Star Wars, le vaisseau des héros (le Cœur-en-or, sorte de théière volante) et celui des Vogons ont été construits grandeur nature au prix de quatre mois d’efforts… et 3000 ampoules à visser à la main. Des animatroniques de plus de deux mètres, que l’on doit au légendaire Jim Henson’s Creature Shop (Les Muppets, Dark Crystal), confèrent une vraie tangibilité à ces aliens un poil procéduriers.

Et puisqu’il n’est pas question de réellement démolir la Terre, le numérique est utilisé en appui. L’entreprise Cinésite, basée à Londres, gère les trucages par ordinateur, notamment l’usine de fabrication de planètes. Quant aux séquences animées du routard éponyme, elles sont déléguées au studio Shynola, également établi dans la capitale anglaise.
Pour le casting, les créatifs ont eu les coudées franches. Jack Davenport (le Commodore Norrington de Pirates des Caraïbes), jugé trop séduisant, fut écarté du rôle principal au profit du tout jeune Martin Freeman, repéré sur The Office.
La narration du Guide, très présente pour nous introduire à toutes les bizarreries de cet univers, fait l’objet d’une longue recherche avant d’échoir à Stephen Fry. John Malkovich accepte d’endosser les guêtres du leader religieux Humma Kavula, que Douglas Adams avait spécifiquement écrit pour lui.

On doit l’inénarrable robot dépressif Marvin à un duo estampillé Harry Potter : Warwick Davis l’habite et Alan Rickman lui lègue son timbre désabusé. Si l’auteur avait initialement souhaité que Stephen Moore, qui l’avait interprété à la radio et pour la télévision, reprenne le rôle, la prestation de Rickman est d’une morosité exquise.
Le fait que le casting ne soit pas exclusivement britannique avait été validé par Douglas Adams lui-même, par pragmatisme (élargir le public cible) et logique (l’univers ne peut être aussi restrictif). C’est pourquoi les américains Sam Rockwell, Mos Def et Zooey Deschanel, grande fan du livre, voisinent avec Bill Nighy et Helen Mirren pour apporter à cet univers aux infinies potentialités un précieux supplément d’âme.
Le box-office trop timide et les retours mitigés ont malheureusement tué l’idée d’adapter la suite de cette odyssée intergalactique à nulle autre pareille. Mais puisqu’on n’a plus de nouvelles du projet de série mené par Carlton Cuse et Jason Fuchs, on réfléchit sérieusement à l’idée de braquer un fusil à point de vue partagé sur les décisionnaires des plates-formes de streaming.
Il y a deux choses regrettables avec H2G2 – Le Film :
-Que Douglas Adams n’ait jamais vu l’adaptation de son bébé à l’écran, lui qui souhaitait tant que ça se fasse.
-Que ce premier – et unique – film n’ait pas marché, ce qui a empêché la mise en chantier de suites. Et c’est bien dommage, parce que les tomes suivants sont encore plus fous que le premier !
Ce film est culte. Le générique de début est inoubliable, « So Long, and Thanks for All the Fish ».
Ce film est une bonne adaptation du 1er tome de H2G2.
Le casting est génial, Sam Rockwell en tête et Alan Rickman pour la voix de Marvin le robot dépressif.
Les créatures sont exceptionnelle, Jim Henson Creature Shop oblige. Les animatroniks, les prothèse et les costumes font plus vrais que nature. Beaucoup d’effets pratiques dans ce film qui le rendent palpable. La direction artistique est exceptionnelle.
Ce film n’a pas rencontré le succès? Blade runner non plus à sa sortie. C’est une comédie de SF, plutôt fine avec un humour anglais donc très particulier. Comparer ce film à Star wars est un non sens.
Il faut le voir en V.O sous-titrée et non dans sa version doublée en français pour saisir toutes les nuances de jeux des acteurs.
C’est bourré d’idées géniales.
Douglas Adams a inventé wikipedia qui n’est rien d’autre qu’une transposition du Guide du voyageurs galactique, une encyclopédie universelle. Les créateur de Wikipedia ne s’en sont jamais cachés.
Douglas Adams a inventé le Babel Fish, un petit poisson qu’on glisse dans son oreille et qui traduit en simultanné n’importe quelle langue. Il existe un traducteur en ligne qui s’appelle d’après l’invention de Douglas Adams.
Je suis très fan de l’univers génial de Douglas Adams, homme de radio, scénariste, écrivain, humoriste, il a collaboré avec les Monty Python, il a écrit des épisodes du Doctor Who.
Il est mort trop tôt, 49 ans.
On retrouve de cette folie créatrive débridée dans les films de Terry Gilliam.
Je l’ai vu à l’époque, j’avais vraiment regretté mon investissement. Il n’y a pas grand chose que j’ai pu apprécié et encore moins rire.
Le film nest certes pas une réussite totale, mais il est tellement louffoque et so brittish que je ne peux m’empêcher de l’aimer, et j’aurai adoré voir une version réalisée par Edgar Wright !
Pas foufou, à part le robot dépressif qui me fait bien golri, le plus souvent ça tombe à plat. À sauver, si je me souviens bien, la scène ou les persos doivent arrêter de penser mais bon au final c’est très peu. Sam Rockwell, j’aime bien cet acteur mais il en fait des tonnes, c’est sans doute son « double rôle » qui dicte un peu la chose mais c’est juste insupportable….curieux, je pense au Dictateur de Chaplin ou plutôt de quoi il aurait pu s’inspirer.
Je n’avais jamais entendu parler de ce film. Quelle histoire ! Dans un univers parallèle j’aurai été curieuse de voir la version d’Yvan Reitman.
Pour le film… Il y a des Noms qui donnent envie d’aller voir : Jim Henson, Warwick Davis, Alan Rickman…
Encore un film qui s’ajoute à la liste !
Merci pour la découverte.
Une comédie de science-fiction, j’adore.
Petit couac dans la rédaction de l’article : « en 2023, le film entre enfin en pré production… »
ce film possède la meilleure bande annonce de tous les temps
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