Dr House - Saison 3 : Jusqu'où l'aimerez vous ?

Julien Foussereau | 16 janvier 2008
Julien Foussereau | 16 janvier 2008

Dr House a débarqué sur le réseau hertzien français il y a un peu moins d'un an. Et il semblerait que les enquêtes médicales du plus génial et misanthrope des diagnosticiens plaisent sérieusement dans nos contrées puisque TF1 a décidé de diffuser la troisième saison du show imaginé par David Shore en prime time. Une troisième saison jugée en deçà des précédentes selon notre panel de docteurs en visionnage intensif de séries télévisées. Un diagnostic aussi inquiétant que respectable bien que non partagé par l'auteur de ces lignes. Il en appelle un autre : différente, cette saison l'est incontestablement et, afin de bien cerner l'orientation prise par Dr House, peut-être faut-il se poser une question, si ce n'est LA question : Jusqu'où êtes-vous prêts à aimer Gregory House ? 

 

 

Car les cyniques amateurs de bons mots qui fusent se prosternent devant le bon docteur. De là à parler de maître à panser... Tel est le but inavoué de la série : tenter de cerner le cas Gregory House, intelligence supérieure, infirme des sentiments et de la jambe droite, vague prétexte pour gober des analgésiques toute la sainte journée histoire de planer dans ce monde qui l'emmerde. Ecrit au marqueur sur le tableau-listing de symptômes, le rôle-titre de ce show se résumerait à cette simple addition : canne + sarcasmes + Vicodin = House. Un tout étrange bien que plaisant tant le génie indéniable du bonhomme pour traquer la maladie orpheline et enchaîner les vannes désobligeantes suffit à faire oublier ses névroses tapies dans l'ombre. Mais House reste-t-il House lorsque l'on supprime ces paramètres un à un ?

 

La lecture de cet article implique que vous ayez déjà regardé les deux premières saisons de Dr House. Si tel n'est pas le cas, il est à déconseiller sous peine de voir des pans entiers de l'intrigue révélés.

 

La saison deux s'achevait par l'incroyable reboot à la kétamine de Greg House après qu'un de ses anciens patients ait fait feu sur lui. Ce finale monumental était l'occasion pour David Shore d'assouvir son penchant pour la narration parallèle et fantasmatique. Il délivrait aussi une information capitale : House recouvrait le plein usage de sa guibole... avec pour conséquence principale l'abandon de sa canne et ses prescriptions d'hydrocodones. Comment continuer malgré une addiction développée par plusieurs années de prises d'opiacés ? Comment se réinventer quand on s'appelle Greg House ? En trouvant un sens à sa vie sans dessus dessous, peut-être. Une quête qui, sur un plan physique, tourne court, hélas, avec le retour de la douleur, et, conséquemment de la canne et des pilules malgré ses efforts répétés pour comprendre le sens de l'existence par l'examen comportemental psychologique de certains cas -comme celui de l'autiste dans l'épisode 3.4- Lines in the Sand.

 

 

La menace du second arc s'appelle Michael Tritter, flic retors (David Morse, soit la gueule de l'emploi) que House humilie en consultation. Ce dernier va apprendre qu'un bon mot, aussi violemment tordant soit-il, peut avoir de graves répercussions quand la victime affiche une détermination à le détruire comparable à la sienne. En pleine tourmente, House révèle une nouvelle facette, celle d'un homme s'étant forgé un mythe si confortable qu'y renoncer le transforme en véritable salaud ; un salaud de compétition n'hésitant pas à sacrifier son seul cercle relationnel capable de le supporter plutôt que de consentir à la moindre entorse sur son régime de faveur. Un segment diablement ambigu aussi lorsque, d'un côté, House revendique son unicité par l'évocation d'un Buraku qu'il a connu étant enfant, un docteur japonais considéré comme un pestiféré auquel on faisait appel en dernier recours, de l'autre, sa carapace se fissure quand il aide par pur altruisme un homme condamné au coma végétatif à donner un sens à sa mort (3.7- Son of Coma Guy). Cet acte pour le moins étonnant de sa part se verra répété à plusieurs reprises, dissimulant à peine son besoin de changer (le piano freak et surtout la victime d'un viol dans le superbe épisode 3.12- One Day, One Room au cours duquel House livre un nouvel élément traumatique de son enfance expliquant mieux son obsession du contrôle). Plus que ces révélations inattendues en elles-mêmes, ce sont les subtils talents du pool écriture qui forcent le respect par l'intégration de ces clés sans renier pour autant la nature profonde du bonhomme.

 

 

Cette nature profonde enrichit la complexité psychologique du cas Gregory House, mais elle ne l'altère pas. Le principal intéressé, de par sa confrontation épuisante avec un Michael Tritter prêt à tout pour se le payer, se rend peu à peu compte qu'entre vouloir changer et sauter le pas, il y a une montagne haute comme les Andes (lieu de villégiature qui l'intéresse à un moment donné). Là réside toute la force de cette troisième saison : mettre face à face son rationalisme obsessionnel comme outil pour la vérité médicale et une prise de conscience balbutiante pour les autres. Être House, génial diagnosticien junkie, ou ne pas être ? A en juger par le dernier arc, la résignation, il semblerait qu'il ait opté pour la première option. Pas si sûr. Malgré l'exode de son trio de chercheurs lors du finale, son addiction pour le Vicodin, son statut de salopard qui n'est plus à prouver, House se permet des choses étranges : un marivaudage avec Cuddy, une séance dégustation décontractée de cigare cubain avec l'époux d'une patiente. Pire, il remplace sa guitare. Bref, il aura fallu une saison pour que House ébauche une réponse à son interrogation de Meaning, l'épisode inaugural : « Je ne sais pas comment je suis censé réagir ».

 

 

House déteste toujours le reste du monde mais il commence peut-être à s'aimer un peu plus. Et que ce cheminement est passionnant ! Il faut, une fois encore, saluer l'extraordinaire Hugh Laurie, capable d'instiller la juste complexité dans ses moindres faits et gestes ou sortir la pire horreur avec délectation. Certains déploreront que Cameron, Foreman et Chase soient réduits au simple statut de faire-valoir. Ils auront tout à fait raison. Mais Dr House ne porte pas son nom pour rien. Ils auraient tort, en revanche, de passer à côté de la saison la plus torturée de la meilleure série médicale du moment. Et si les saisons à venir sont de ce niveau, il va sans dire que nous aimerons Gregory House jusqu'au bout !

 

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