L.A. enquêtes prioritaires

Zorg | 18 février 2006
Zorg | 18 février 2006

L.A. enquêtes prioritaires est la nouvelle série policière débutant dimanche 19 février 2006 à 17h sur France 2. À cette occasion, nous vous proposons un petit survol de cette nouveauté particulièrement enthousiasmante, qui a fait un beau carton l'été dernier aux États-Unis, et qui mérite bien quarante-cinq minutes un dimanche après-midi pour se détendre après une dure journée passée dans le canapé.

De l'évolution du flic par voie de sélection naturelle

Le flic de série télé n'est pas vraiment ce que l'on pourrait appeler une espèce en voie d'extinction. À vrai dire, il suffit de constater la mainmise quasi absolue de la franchise CSI sur l'audimat américain (et mondial) pour se convaincre du contraire. Quitte à enfoncer des portes ouvertes, on peut même affirmer sans prendre trop de risques que les séries policières sont depuis longtemps une des clefs de voûte des grilles de programmation, sur CBS (pour les États-Unis) comme sur TF1 (pour la France).


Mais il en est de ces programmes comme du reste : ils évoluent en suivant les modes. Ou pire, ils les créent dans les cas les plus extrêmes. Très logiquement, chaque série policière est le reflet direct de l'époque à laquelle elle fut tournée. Les années 1980 furent remplies de flics ou de détectives privés au grand cœur, plus portés sur les jolies filles vêtues d'une paire de « Dukes » et d'une chemise nouée sur le nombril que sur le règlement intérieur. Les années 1990 ont vu l'émergence du flic paranormal, opposé alternativement aux petits hommes gris ou aux sectes millénaristes. Les années 2000 sont elles placées sous le signe de l'éprouvette, du microscope et de la rationalisation à outrance. C'est ainsi. Ça s'appelle « l'air du temps ».


Fort heureusement, il existe encore des shows qui arrivent à prendre le contre-pied des tendances modernes pour replacer le flair du détective au centre de la scène, et reléguer à l'arrière-plan la désormais sacro-sainte analyse scientifique. L.A. enquêtes prioritaires, alias The Closer en VO, en est certainement le meilleur représentant à l'heure actuelle. Car quitte à nager à contre-courant, autant ne pas faire dans la demi-mesure. Vous n'aimez que les patriarches de la crim' ? Les héros intègres à la mâchoire carrée, nés avec un microscope entre les mains et qui sont capables d'identifier une mouche à trois kilomètres de distance ? Eh bien vous pouvez passer votre chemin, L.A. enquêtes prioritaires en est à l'opposé.

Seule contre tous (mais pas trop non plus)

Si l'on regarde un peu en arrière, on ne compte finalement que très peu de femmes détectives qui soient réellement le personnage principal d'une série policière. On pourrait bien citer quelques exemples, comme Jessica Fletcher (Angela Landsbury) dans Arabesque, le duo Cagney & Lacey, ou même Wonder woman et le trio de Charlie's Angels (nous mettrons soigneusement de côté Julie Lescault et Xéna la Guerrière), mais dans l'ensemble, la balance penche dangereusement du côté des hommes. Pire, les femmes servant de faire-valoir à leur partenaire masculin sont légion. Car même dans des séries comme Clair de lune, ou bien Remington Steele, qui présentaient des personnages féminins forts, un mâle venait systématiquement faire de l'ombre au tableau. The Closer a donc au moins le mérite de mettre en avant Brenda Leigh Johnson et personne d'autre. Cernée par les hommes, elle est la seule depuis bien longtemps à faire face sans l'aide de qui que ce soit.


Sous ses airs de blonde un peu gauche et provinciale, portée sur les friandises et qui ne sait pas lire une carte, Kyra Sedgwick dissimule donc un redoutable détective, qui n'est pas sans rappeler par certains côtés le plus vieux limier de la criminelle, l'inspecteur Columbo. À l'instar du vétéran à l'imper froissé, Brenda Leigh Johnson n'a en effet pas son pareil pour débusquer la contradiction retranchée au fond d'un témoignage, ou pour piéger le suspect la main dans le mensonge lors d'interrogatoires particulièrement bien huilés. Quelle que soit la complexité de l'affaire, ou même si le manque de preuves se fait cruellement sentir, Brenda arrivera (presque) toujours à ses fins en retournant la situation à son avantage. Ses interrogatoires, subtils et menés de main de maître, permettent de boucler chaque affaire (d'où le titre original The Closer) et sont le morceau de choix de chaque épisode.


L'autre aspect de L.A. enquêtes prioritaires qui mérite toute l'attention requise concerne les relations diplomatiques que Brenda peut entretenir avec son staff et ses supérieurs hiérarchiques. Littéralement parachutée à la tête de son unité, elle fait à son arrivée l'unanimité… contre elle-même. Rivalités interservices, machisme rampant, luttes de pouvoir, ostracisme anti-blondes, rien ne lui est épargné, pas même l'animosité de la seule autre femme de l'équipe. Mais son tempérament inaltérable et la psychologie aidant, les choses changent graduellement, et l'évolution de ses relations avec ses subalternes est particulièrement savoureuse à suivre tout au long de la saison.


La série joue donc simultanément sur deux tableaux : d'une part des enquêtes plus ou moins médiatiques, qui ne sont à vrai dire qu'un aimable prétexte pour créer un climat de tension autour du personnage de Brenda, et d'autre part l'opposition entre le personnage de cette blonde provinciale faussement candide, et la bande de vieux briscards du LAPD qui n'ont qu'une certitude : qu'ils vont renvoyer dans sa Géorgie natale cette vile usurpatrice en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

Un succès historique

Pour revenir à des considérations plus prosaïques, The Closer a fait des débuts historiques lors de sa diffusion l'été dernier aux États-Unis sur la chaîne TNT. La série a effectué un démarrage tonitruant avec un peu plus de 7 millions de spectateurs, soit rien moins que la meilleure audience 2005 de tout le câble basique (sports exceptés). Elle s'est ensuite calée sur un confortable 5 millions et plus hebdomadaire.

Devant pareil succès, la chaîne a rapidement réagi en lui faisant un double cadeau : la deuxième saison a été commandée deux semaines après la première, et le treizième épisode, le « season finale », a été rallongé de dix minutes, une décision rarissime pour un nouveau programme sur une chaîne de cette envergure.

La deuxième saison, qui comptera quinze épisodes, est actuellement en cours de production et devrait arriver sur les ondes américaines cet été, pour une nouvelle session qu'on espère encore meilleure que la première.


L.A. enquêtes prioritaires est donc une série très intelligente, un peu roublarde, plutôt subtile dans l'approche psychologique de ses personnages, et qui déploie une belle ambiance de groupe. À l'image de son personnage qui dirige son équipe d'une main de fer dans un gant de velours, Kyra Sedgwick emmène avec brio un casting de vieux routiers de la télé américaine. Des acteurs solides – pas forcément très connus, mais dont les trognes hantent pour certains les séries depuis de nombreuses années – que vous trouverez regroupés dans la galerie de portraits suivante.

Les personnages

Chef adjointe Brenda Leigh Johnson (Kyra Sedgwick)
Formée aux techniques d'interrogatoires de la CIA, cette sudiste pur jus a quitté la police d'Atlanta pour celle de Los Angeles pour des raisons pas forcément très claires en début de saison. Elle a beau avoir tous les attributs de la jolie blonde naïve et influençable, elle n'est pas pour autant du genre à se laisser marcher sur les pieds par un rival, ni mener en bateau par un suspect, bien au contraire. Mis à part ça, elle mange tout et surtout n'importe quoi, est bordélique à souhait, et a la merveilleuse habitude de froisser la susceptibilité des gens avec ou sans préméditation grâce à son caractère, que nous qualifierons d'entier.

À noter que le personnage traîne un bel accent sudiste dans la version originale, qui n'est pas sans avoir son importance dans le cours global de la série. Espérons que l'adaptation française saura bien gérer cet élément de background, qui peut paraître mineur à première vue, mais qui contribue beaucoup au charme que dégage Brenda.

Kyra Sedgwick a alterné les films et les apparitions dans les séries télé tout au long de sa carrière, mais elle a pour ainsi dire trouvé dans The Closer les moyens de se faire un nom internationalement connu. Sa prestation lui a d'ailleurs valu une nomination de meilleure actrice dans un drame aux Golden Globes et aux Screen Actors Guild Awards 2005.

Directeur adjoint Will Pop (J.K. Simmons)
Will Pope occupe la position enviable de supérieur direct de Brenda. Il est donc en position de lui donner des ordres, ce qui peut être un sérieux atout au quotidien. C'est lui qui l'a fait venir d'Atlanta pour diriger l'unité de crimes prioritaires que le département vient de créer. Les deux ont une histoire chargée, ce qui n'est pas sans poser de petits désagréments à Brenda de temps à autre, mais cela ne l'empêche pas d'être son meilleur allié au sein du LAPD.

Inutile de présenter J.K. Simmons depuis le rôle plus que marquant de Vernon Schillinger dans Oz. Il a été récemment vu dans les deux Spider-Man de Sam Raimi en tant que J. Jonah Jameson, le rédacteur en chef du Daily Bugle. Il apparaît un peu partout à intervalles réguliers, à la télévision comme au cinéma.

Sergent David Gabriel (Corey Reynolds)
Ayant certainement été le seul à ne pas prendre l'arrivée de Brenda comme un affront personnel, le Sergent Gabriel officie dès lors comme son bras droit. Il lui sert accessoirement de chauffeur, quand il n'est pas chargé de baby-sitter le chat qui squatte le domicile de sa patronne. Son rôle ne se cantonne cependant pas à celui de majordome badgé et armé car il est lui aussi l'un des meilleurs soutiens de Brenda dans son unité, même si d'anciennes loyautés lui tiraillent encore la conscience de temps en temps.

Complètement inconnu malgré une apparition dans Le Terminal de Spielberg, Corey Reynolds reste à l'aube de sa carrière et il trouve là un rôle le sortant de l'ombre.

Capitaine Taylor (Robert Gossett)
En un mot comme en cent, le Capitaine Taylor est l'ennemi juré de Brenda. Et pour cause, il convoitait avec avidité le siège que notre charmante détective occupe désormais, et se retrouve mis sur la touche à la tête de la brigade criminelle simple (au lieu d'avoir la plus bifluorée comme Brenda). Il utilise alors tous les moyens à sa disposition pour la déstabiliser, quitte à flirter avec l'illégalité. Il bénéficie de plus de la fidélité de ses anciennes troupes si l'envie lui prend de venir piétiner les plates-bandes de sa rivale. Son opposition avec Brenda fait parfois penser à la guerre entre Vic Mackey et David Aceveda dans The Shield, mais en beaucoup plus courtois.

Robert Gossett, fils de Louis Gossett Jr., fait partie de ces vieux loups de la télévision américaine qui possèdent une liste de guest longue comme le bras, et qui a une poignée de films à son actif (Arlington Road étant l'un des plus récents).

Lieutenant Provenza (G.W. Bailey)
Si le Capitaine Taylor est la nemesis de Brenda, et que le Will Pope est son meilleur allié, le Lieutenant Provenza se situe au beau milieu du champ de bataille. C'est un vieux de la vieille, qui n'aime pas recevoir des ordres de la part d'une femme, a fortiori si elle vient du Sud. Il va petit à petit comprendre où se situe son intérêt s'il tient à conserver sa pension, mais il va aussi réaliser à qui il a réellement affaire, pour notre plus grand plaisir. Ce personnage est certainement le plus réussi de la série après celui de Kyra Sedgwick. Un peu comme un vieux couple, nos deux larrons s'affrontent régulièrement lors de minijoutes verbales tout à fait délicieuses, et ils ne ratent jamais une occasion de se moquer des petits défauts de l'autre (l'imitation que le Lieutenant Provenza effectue lors du dernier épisode de la saison est à ce titre absolument hilarante).

Si vous vous dites que vous connaissez cette tête-là, mais que vous n'arrivez pas à vous rappeler ni où, ni quand, ni comment vous l'avez vue, c'est normal. C'est l'âge. Si comme toute personne normalement constituée vous avez vu au moins une fois Police Academy, vous y êtes. G.W. Bailey, n'est autre que Thaddeus Harris, le capitaine tortionnaire de Steve Guttenberg et consorts dans le film culte de 1984. Les cheveux ont blanchi depuis le temps, mais c'est bien lui. Vous venez donc de gagner le droit de ressortir vos VHS de la naphtaline ou vos DVD du placard pour vous refaire l'intégrale des sept (sic) Police Acadmy avant la sortie du huitième volet, actuellement en préparation (re-sic).

Lieutenant Andy Flynn (Anthony John Denison)
Brenda a son bras droit avec le Sergent Gabriel, le Capitaine Taylor a donc le sien avec le Lieutenant Flynn. Fidèle parmi les fidèles, il fait ouvertement sécession avec sa nouvelle supérieure hiérarchique et cherche lui aussi à lui empoisonner l'existence par tous les moyens. Le personnage n'est pas vraiment sympathique au premier abord, mais il pourrait bien lui aussi finir par évoluer dans un sens plus favorable avec le temps.

Anthony John Denison a un CV plus que rempli, et a vingt ans de carrière dans les bottes, sans pour autant être réellement connu du grand public.

Agent Fritz Howard (Jon Tenney)
Au milieu de cette grande famille du LAPD, il y a forcément un trouble-fête. Ici, c'est l'Agent Howard qui travaille pour le FBI. C'est le seul réel ami que Brenda ait dans la ville, et c'est sans surprise que leur relation évolue rapidement pour passer à autre chose.

Côté people, Jon Tenney est l'ex-monsieur Teri Hatcher (voilà, comme ça, c'est fait). Côté filmo, il a lui aussi une longue liste d'apparitions diverses et variées dans tout un tas de séries télévisées (récemment dans l'épisode de Masters of Horror réalisé par John Landis), et dans une poignée de films (Tombstone).

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