Devs : le trip SF technologique du réalisateur d'Ex-Machina et Annihilation est-il à la hauteur ?

Alexandre Janowiak | 6 mars 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Alexandre Janowiak | 6 mars 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Alex Garland a débuté sa carrière par des romans et s'est vite dirigé vers le cinéma avec ses scénarios pour Danny Boyle puis à la réalisation avec les intrigants Ex Machina et Annihilation. Alors que ce dernier a terminé sa course sur Netflix dans le monde, le réalisateur se plonge donc sur le petit écran avec sa série Devs.

Les deux premiers épisodes sont diffusés ce vendredi 6 mars 2020 à partir de 22h55 sur Canal+ Séries avant d'être disponibles sur la plateforme de streaming de Canal+. On fait le point sur ce début envoutant et mystique de Devs, sans rien spoiler de majeur.

 

 

NEW MACHINA

La série développée par FX-Hulu raconte l'histoire d'un jeune couple, Lily et Sergei, travaillant pour la même compagnie technologique Amaya située dans la Silicon Valley, non loin de San Francisco. Alors que Sergei (Karl Glusman) se voit embauché par le PDG de l'entreprise, Forest, pour travailler à Devs, une division secrète de la compagnie dont les objectifs sont inconnus, il disparaît soudainement le soir même de ses débuts dans la boîte. Inquiète et persuadée que la disparition, voire pire, de son petit-ami n'a rien d'un hasard malheureux, Lily (Sonoya Mizuno) décide d'enquêter et pourrait bien découvrir un complot qui pourrait faire basculer le monde (ou tout l'inverse, justement).

Avec Ex MachinaAlex Garland offrait un film d'anticipation fascinant sur l'intelligence artificielle et avec Annihilation, il nous plongeait dans un univers encore plus trouble où les réflexions existentielles fusaient à travers un récit fantastique et hypnotique. Avec Devsle talentueux réalisateur et scénariste ne semble pas prêt à dévier de son axe et bien déterminé à user de ses thématiques de prédilection pour les disséquer et les décomposer en leur plus profond.

 

Photo Karl Glusman, Nick OffermanUn mystère gardé par des monolithes dorés tout aussi mystérieux

 

Ainsi, la série se présente très rapidement en un thriller psychologique sur fond d'espionnage tout autant qu'une fresque SF technologique, mais aussi une oeuvre aux réflexions philosophiques et existentialistes qui étudiera avec précision les relations et réactions de l'humain devant l'inconnu et l'impensable. Si de nombreux points ne seront pas spoilés dans cet article afin de ne pas trop en dévoiler sur l'intrigue, le scénario et le personnage de Forest (Nick Offerman) nous indiquent très rapidement que la série se questionnera sur le libre arbitre et le déterminisme de l'univers.

C'est tout l'objet, à première vue, des expérimentations et recherches métaphysiques de la section Devs qui semble essayer de prévoir le futur, mais aussi d'explorer le passé (voire le reconstituer ?). Des desseins ultra-mystérieux dont résulte une atmosphère terriblement étrange, paranoïaque, voire complotiste, notamment grâce à la mise en scène délirante de Alex Garland.

 

Photo Sonoya Mizuno, Nick OffermanUne série mêlant thriller, espionnage, SF et réflexions philosophiques

 

FASCINATION

En seulement deux épisodes, Devs est sans aucun doute l'un des objets les plus fascinants vus ces derniers temps sur le petit écran. Depuis ses débuts à la réalisation, Alex Garland a démontré une maitrise absolue du cadre et des ambiances avec Ex Machina et Annihilation, oeuvres profondément troublantes et enivrantes. Sa série ne fait que confirmer avec une puissance impressionnante son talent.

Dès l'ouverture du premier épisode, l'ambiance et le ton sont donnés. La bande-originale, supervisée par le duo de génie Geoff Barrow-Ben Salisbury, mais également le groupe The Insects, déconcerte et inquiète immédiatement tout autant qu'elle ensorcelle et fascine. À l'écran, des images d'un San Francisco lumineux et des ombres qu'il dissimule se succèdent et s'associent comme pour mieux divulguer la nature sombre et énigmatique du récit qui nous attend.

Chaque choix narratif et esthétique de la série dépeindra alors l'ambiance étrange et perturbante de l'entreprise Amaya et de ses personnages, entre sa statue gigantesque de petite fille au coeur du campus, son PDG grignotant de la mâche en pleine réunion, ses innombrables monolithes dorés qui précédent l'entrée de la section Devs (non sans rappeler celui de 2001, l'Odyssée de l'espace) ou les cercles lumineux angéliques qui jalonnent la forêt de séquoia dans laquelle se trouve la compagnie.

 

photoSommes-nous observés et dirigés ?

 

Et pour être honnête, Devs doit beaucoup à cette direction artistique saisissante. En effet, si les cadres de Garland séduisent par leur précision et que les jeux de lumière multiples nous éclairent sur certaines intentions et énigmes, ce sont surtout les ornements et tous leurs détails qui apportent une valeur démesurée à la série. Ainsi, la division Devs est assurément le lieu le plus visuellement renversant du show à ce stade du récit, mais aussi le plus significatif.

Entre son apparence extérieure rappelant les constructions égyptiennes au temps des pharaons et son architecture intérieure ultra moderne et futuriste, la section secrète embrasse parfaitement l'idée d'antinomie au coeur du récit, mais aussi le paradoxe qui en découle : la similitude supposée de deux entités par définition opposées.

Où est le rêve et où est la réalité ? L'homme et la machine sont-ils si différents sous le prisme du déterminisme ? Le réel est-il virtuel ou inversement ? Le passé et le futur ne font-ils qu'un ? Des réflexions passionnantes et ambitieuses qui devraient parcourir toute la trame de Devs durant ses huit épisodes.

Et comme Alex Garland, plus que la technologie, aime à étudier l'homme face à des enjeux qu'il appréhende ou ne conçoit pas, nul doute que la série s'enrichira au fur et à mesure de l'évolution de ses nombreux personnages. Du gourou Forest incarné par l'excellent Nick Offerman à son bras droit interprété par l'excellente Alison Pill, en passant par les codeurs Stephen McKinley Henderson et Cailee Spaeny, l'homme à tout faire Zach Grenier et évidemment l'héroïne portée par Sonoya MizunoDevs compte de belles promesses.

 

Photo Alison PillUne machine étrange et une Alison Pill énigmatique

 

Après seulement deux épisodes, Devs tient très largement son statut de grosses attentes de l'année 2020. Après Ex Machina et AnnihilationAlex Garland continue à étudier ses thèmes de prédilection au coeur d'un récit entremêlant à merveille le thriller psychologique, le récit d'espionnage, la SF technologique et les réflexions existentielles, philosophiques et métaphysiques.

Avec en plus un parterre de stars dément, une bande-originale mystique, une mise en scène enivrante et une direction artistique tout bonnement fascinante, la création FX-Hulu s'annonce comme une série ambitieuse et prometteuse. À ne pas manquer.

Après deux épisodes diffusés ce vendredi 6 mars sur Canal+ Séries, Devs sera diffusée à compter d'un épisode par semaine chaque vendredi soir et disponible en replay sur MyCanal.

 

Affiche US

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commentaires
banban
14/03/2020 à 23:08

J'ai bien envie d'aimer Devs pour énormément de raisons (la plupart expliquées dans cet article), mais cette SF contemplative où les personnages semblent passer l'essentiel de leur temps à poser au milieu d'installations d'art contemporain et pratiquent la punchline sybilline tels des gourous New Age tout de hoodie vétus, me gonfle un peu.

A voir vers quoi tout ça va nous mener...

The american
08/03/2020 à 21:12

Série stylée et mystérieuse mais au bout du compte, je crains une déception car on connait déjà les réponses aux question métaphysiques abordées dans l'histoire.

Kima28
08/03/2020 à 05:15

Comme souvent avec Alex Garland (et ses compères Villeneuve et Nolan), il y a une volonté de raconter une intrigue faussement complexe, peu originale, mais à grand renfort de dialogues surexplicatifs, d'esthétique pub et toc, une lenteur préfabriquée dans la mise en scène, avec le besoin de faire du vieux avec du neuf. On en ressort souvent avec le sentiment de n'avoir rien appris ni rien ressenti, du cinéma ou de la série sous vide, qui se regarde le nombril, pour les non connaisseurs de SF. Pour le coup je préfère largement le cinéma SF de Danny Boyle. (28 jours plus tard et Sunshine c'est autre chose)

Olric
08/03/2020 à 03:13

« Changer la phase du monde... » vraiment ? ...

Alfred
07/03/2020 à 19:52

Après deux épisodes toutes les cartes sont sur la table. Tout les mystères sont dévoilés. Et oui c'est sympa, mais à part une catastrophe lié au projet Devs (qui soit dit en passant est assez pauvrement représenté, alors que cela devrait être une épiphanie), je vois mal ou la série veut en venir. Mais je ne demande qu'à être surpris.
Et la direction artistique est effectivement superbe.
Bon par contre le deuil, c'est le thème de 2020?

sérieman
07/03/2020 à 12:02

Il y a un côté religieux très prégnant aussi (la tech comme nouvelle religion?) dans le cube notamment (rosaces, recherches menées...).
Le bâtiment abritant les devs me rappelle une piscine...

Alfred
06/03/2020 à 18:39

J'aime beaucoup Alex garland, j'aime beaucoup Ex Machina. Mais il ne faut pas exagérer la profondeur de son cinéma.
Sa mise en scène très (trop ?) léchée laisse croire qu'il raconte des choses très profondes. Hors pour tout amateur de SF, notamment littéraire, le propos de Ex Machina n'est pas bien neuf (mais ça reste intéressant de voir ça au ciné).
C'est joli et bien raconté, mais ça n'atteint pas des profondeurs existentielles sidérantes.

Oui enfin bon...
06/03/2020 à 18:08

Hank Hulé, non tu n'es pas un imbécile. J'avais beaucoup aimé Ex Machina sans y voir le chef d'oeuvre que beaucoup annonçait, en revanche, j'avais trouvé Annihilation parfaitement abscons (malgré un début formidable il est vrai).
Du coup je ne peux pas m'empêcher d'être un choua méfiant avec cette série.

Deny
06/03/2020 à 16:39

Enfin une série qui donne envie. Ce réalisateur talentueux a un gros potentiel. Je sens que chaque épisode sera un délice. Hâte de retrouver cette sensation d'originalité et d'inédit que j'avais eu dans ces 2 précédents exceptionnels films. Un réalisateur à suivre qui va rejoindre ma "Short liste"!

Hank Hulé
06/03/2020 à 15:27

Bon ben, je suis le seul que ces deux films précédents m'aient laissé totalement froid et dans un état d'ennui profond. je sais, je sus un imbécile.

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