Pose : la série de l'été qui a révolutionné la télévision américaine

Geoffrey Crété | 1 août 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 1 août 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Pose est l'une des séries incontournables de l'année. 

Il a créé ou co-créé PopularNip/TuckGlee, American Horror StoryThe New Normal, Scream QueensFeud9-1-1. A réalisé Courir avec des ciseauxMange, prie, aime, The Normal Heart, en plus d'être derrière des succès comme American Crime StoryRyan Murphy est donc devenu incontournable.

Et il le rappelle avec sa nouvelle série, Pose, co-créée avec son compère Brad Falchuk et également Steven Canals. Une série extraordinaire, qui ne ressemble à aucune autre puisqu'elle est portée par un casting d'acteurs et actrices majoraitement transgenres.

 

 

STRIKE A POSE

La Pose, c'est celles des hommes et femmes au coeur de l'histoire, obligés de prendre des postures à la fois dans le monde "normal", parmi les gens "normaux", mais également dans leur univers parallèle, où les paillettes masquent le temps de quelques soirées l'horreur de la réalité des années 80. 

Pose se déroule dans le New York de 1987. Celui où Wall Street rayonne comme un miroir aux alouettes, refaçonne l'Amérique de Ronald Reagan et Donald Trump, tandis que l'épidémie de SIDA enflamme les communautés LGBT. Alors que les traders et business men se saoulent dans l'argent et l'électroménager, les marginaux ont leur propre terrain de liberté et fantasmes. Ce sont des rendez-vous sous forme de shows, où des maisons dirigées par des Mothers s'affrontent lors de défilés thématiques. Où plus rien d'autre n'existe alors que la victoire, la reconnaissance, la beauté et la démesure.

 

photo, Dominique Jackson Dominique Jackson, impériable en Elektra Abundance

 

STRANGER THINGS

Que ceux qui voient encore là une de ces fameuses preuves de la dictature de la bienpensance, du vivre ensemble publicitaire et de l'horreur du politiquement correct respirent bien profondément : si Pose est la première série avec des premiers rôles interprétés par des acteurs transgenres, c'est bien que ces artistes ont peu, voire pas l'occasion d'exister.

La récente polémique sur le casting de Scarlett Johansson pour incarner Tex Gill dans Rub & Tug l'a encore illustré, même si le message a été tordu - il n'a jamais été question d'interdire à un acteur non transgenre d'en interpréter un. Au contraire, il s'agit de décloisonner l'industrie et permettre à tous les acteurs d'accéder, même de loin, aux rôles, et ce peu importe leur genre.

Pose a donc par nature une valeur incroyable. Laverne Cox dans Orange is the New Black puis DoubtJamie Clayton dans Sense8Elliot Fletcher dans Shameless, ou encore Trace Lysette dans Transparent ont attiré l'attention ces dernières années, et marqué les esprits, mais la série FX est une date à bien des égards. C'est la première fois qu'une grosse série est portée par un casting transgenre si important, et en coulisses il y a la même cohérence. Une centaine de personnes, devant et derrière la caméra. Une centaine de plus que la plupart des projets.

 

photo Ryan Jamaal SwainRyan Jamaal Swain

 

Pose est parti d'un scénario de Steven Canals, qui est parvenu jusqu'à Ryan Murphy en 2016. Emporté par cette histoire d'un apprenti danseur rejeté par ses parents et recueilli par une femme transgenre, il lance la série avec son collaborateur Brad Falchuk, et fait de Canals le co-créateur du show. Le producteur-star n'a pas juste envie de participer à une série avec un casting transgenre talentueux : il veut offrir un miroir à tous ceux qui n'ont aucun modèle dans la pop-culture, et que lui-même n'a pas eu plus jeune. Il veut offrir la possibilité à toutes ces personnes d'avoir une voix qui résonne, et de pouvoir apporter leur regard, sur leur histoire. Il reversera d'ailleurs son salaire à des organisations et associations qui aident cette communauté.

Et à ceux qui accuseraient Pose d'être sectaire : Evan Peters (une muse de Murphy, présent dans chaque saison d'American Horror Story), Kate Mara (au casting de la première saison de l'anthologie d'horreur) ou encore James Van Der Beek sont eux aussi omniprésents. Les deux premiers ont des scènes parmi les plus belles et fortes de la série, tandis que l'ex-Dawson se délecte d'un rôle de salopard.

 

photo, Mj RodriguezMj Rodriguez, grande révélation de la série

 

DE L'AUTRE CÔTÉ DU MIROIR

Ce qui fonctionne parfaitement dans Pose, c'est l'équilibre entre le familier et le nouveau. Car la série marche dans des sentiers battus, avec des intrigues et personnages clairs et stéréotypés. L'adolescent gay renié par sa famille et qui rêve de devenir danseur, la prostituée transgenre qui tombe amoureuse d'un apprenti golden boy hétéro et marié, la compétition entre les deux "mothers" aussi ennemies qu'intimes, la petite vengeance du patron dépassé par son poulain, le choc frontal du SIDA : les enjeux de la saison 1 sont maîtrisés, à défaut d'être très neufs.

Mais c'est grâce à ce cadre dramaturgique simple et efficace que Pose peut tendre la main vers le public, et l'inviter à pénétrer dans un univers probablement inconnu pour beaucoup. Un univers longtemps secret et opaque, rejeté et ignoré, craint et moqué, mais qui a été depuis adopté par tout un pan de la pop-culture, bien au-delà de la communauté LGBT - voir le succès phénoménal de RuPaul Drag Race, disponible sur Netflix jusqu'en France.

 

photo, Indya MooreIndya Moore, une autre révélation

 

BALLROOM DANCING

L'autre grand attrait de Pose vient de ces scènes de "balls" irrésistibles, bouffées d'airs pour les personnages et pulsations presque épiques pour la saison. Souvent légers, parfois graves, ces moments de paillettes, de musique, d'affrontements et d'egos surdimensionnés, sont des moments grandioses, qui font tout le sel de la série.

"C'est un rassemblement de gens qui ne sont les bienvenus nulle part ailleurs, c'est la célébration d'une vie qui ne le mérite pas pour le reste du monde", explique Blanca. Et c'est dans cette antre insoupçonnée que toute la folie, la démesure, la beauté, l'extravagance et la pulsion de vie absolue, s'exposent sous les cris, les applaudissements, les huées. 

Ailleurs, la vie est une lutte permanente, mais le plus souvent subie - pour payer son loyer, pour échapper aux fléaux qui ravagent la communauté, pour simplement aller boire un verre et exister. Mais dans cette grande salle, la lutte est assumée, embrassée, et utilisée comme un carburant pour vivre plus fort que jamais.

 

photo, Pose Dancing queen

 

Et pour donner vie à ce théâtre incroyable, Pose se repose sur des interprètes fantastiques, aussi talentueux et étourdissants sous les boules à facettes que dans les appartements lugubres. Il y a d'abord Dominique Jackson, parfaite et divine en queen insatiable, insupportable et imbue d'elle-même, qui se pavane avec un plaisir manifeste. Drôle, cruelle, elle se révèle dans la dernière ligne droite de la saison, et offre quelques-uns des moments les plus déchirants. Et la fin de saison n'en manque pas.

Il y aussi Indya Moore, excellente et magnétique, et certainement le plus mélancolique des visages de la série derrière ses allures de grande poupée. Et si Ryan Jamaal SwainBilly PorterCharlayne WoodardEvan Peters et Kate Mara sont tous fantastiques, même ceux qui n'ont qu'une poignée de scènes, toute la série se repose vite sur Mj Rodriguez, alias Blanca. Féroce, forte, maladroite, déterminée, elle porte l'histoire sur ses épaules. Et Pose peut se vanter d'avoir réuni un fabuleux casting, d'une cohérence et d'une diversité (des visages, des énergies, des couleurs, des voix) enivrantes. 

La série a beau parfois tomber dans les facilités (le cadeau de Noël à Angel), elle offre de nombreux moments absolument magnifiques, que ce soit dans les grands effets dramatiques, ou par de petites touches plus subtiles ("Si vous voulez savoir qui je suis, c'est pas là que vous devez regarder"). Indya Moore a résumé la série comme "une histoire de famille, pour des gens que certains pensent être incapables d'en avoir", et c'est une phrase aussi belle que triste, qui pourrait servir de motif à Pose - à l'écran, mais également en coulisses.

 

photo, Mj Rodriguez, Ryan Jamaal Swain Mama Blanca et son fils Damon

 

Alors que Ryan Murphy s'envole pour Netflix avec un contrat incroyable (300 millions de dollars, cinq ans, et des séries et des films), qui va logiquement l'éloigner un peu de FX qui était sa maison depuis des années, Pose fait figure d'adieux spectaculaires. Le producteur superstar restera officiellement impliqué sur American Horror StoryFeud, et autres, mais sera bien occupé ailleurs.

Mais c'est aussi l'histoire de Pose : celle de Murphy qui, en reconnaissant qu'il pouvait "faire plus", a mis son pouvoir au profit de ceux qui n'en avaient pas et en avaient tellement besoin pour exister. Cette série, c'est leur série. C'est pour cette raison que Steven Canals en est le co-créateur. C'est pour cette raison que Janet Mock, première femme transgenre noire à rejoindre une équipe de scénariste sur une série, a eu l'opportunité de devenir productrice, puis réalisatrice d'un épisode de la saison.

Pose, avec ses qualités (éclatantes) et ses défauts (mineurs), relancera de nombreux débats, et sa valeur sera sûrement tordue ou détournée par certains. Mais peu importe : elle est là, elle existe. Et elle le sera encore, puisqu'une saison 2 a été commandée.

Pose a été diffusée en France sur Canal +.

 

Affiche

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commentaires
jhudson
10/08/2019 à 01:18

@La redaction

Déjà désolé pour la réponse tardive.

En faite ma réaction n'était pas contre vous particulièrement, mais est venu a cause du nombre un peu trop élevé de sites chantant les louanges de FX, comparant la chaines a HBO ou Showtime, alors que pour moi ça n'a pas lieu d’être,.

On ne compare pas une chaine qui a une forte auto censure a des chaines qui n'en ont aucune, la censure influe autant sur les dialogues que sur la façon de filmer .

Désolé , parfois on s'emporte et on s'explique mal.

Il y a de bonne séries sur FX qui essayent d'oublier le mauvais gout de certaines de leurs productions, comme Thrust qui a été mal reçu alors que c'est une série de qualité qui n'a pas a pâlir a coté la version de Ridley Scott.

Ou la premiére saison de American crime story , la 2ieme saison par contre est plus que moyenne, mal construite a l'aide de retours en arrière inutiles , et surtout l' acteur principal est mal choisi , jamais on ne croit que ce type ai pu duper qui que ce soit.

Oui oui
08/08/2019 à 21:17

Ryan Murphy ❤️

Geoffrey Crété - Rédaction
23/08/2018 à 09:17

@jhudson

On ne chante pas les louanges de FX, dont on a déjà critiqué pas mal de productions. On parle de Pose ici, pas de la chaîne. Mais du coup, ne pas oublier que FX est aussi derrière The Americans, Fargo, Atlanta, Legion et des séries prestigieuses, aimées pour leur intelligence, leurs partis pris, et leur exigence.
Par ailleurs, étant donné que The Shield est par une réussite éclatante pour beaucoup de monde (dont nous), faut garder en tête qu'on peut avoir des avis différents, sans que ce soit bizarre.

Et bien du monde critique l'utilisation jugée gratuite et provoc facile de la nudité sur HBO, par ex.

jhudson
22/08/2018 à 22:03

J'ai du mal a comprendre les articles qui porte au nues FX une chaine qui s'est fait connaitre pour sa provocation facile et son mauvais gout : Nip & Tuck avec ses opérations chirurgicales souvent crades ou The Shield et ses crimes les plus sordides les uns que les autres , mais ou la nudité est proscrite .
Car FX ce n'est ni HBO, ni Showtime , ni Starz , l'auto censure y règne en maitre comme sur toutes chaines du cable basic .

Si Murphy est parti pour Netflix c'est surement la raison, sur Nip /Tuck on sentait que toute cette provocation venait de ce qu'il ne pouvait pas filmer a cause de cette censure.

Geoffrey Crété - Rédaction
19/08/2018 à 02:18

@...

On explique pourtant clairement en quoi c'est concrètement et objectivement une révolution dans les faits : jamais une série n'a donné une place si grande à des artistes transgenres. Qui sont sinon relégués au troisième plan, lorsqu'ils sont là.
Ce n'est même pas un avis sur la série, mais un constat sur la nature même de Pose.

....
14/08/2018 à 12:06

J'ai lu votre article, et bien que je sois curieux et regarderait surement cette série, j'ai du mal à voir une révolution.
Va falloir arreter avec cette manie d'ado de mettre des superlatifs à tous les étages....

Toto à eu 10/20 à son controle... C'est MAGNIFIQUE !!!!!!

Geoffrey Crété - Rédaction
02/08/2018 à 15:32

@mikegyver

Ca tombe bien : on a descendu Scream Queens, Mange, prie, aime, la plupart d'AHS, et on s'en est d'ailleurs pris dans la tronche pour ça.

Il suffisait de lire le titre et l'article pour comprendre que la "révolution" dont on parle, concerne uniquement Pose. Pas la filmo de Ryan Murphy. Pourquoi on utilise ce mot ? C'est expliqué dans l'article.

mikegyver
02/08/2018 à 15:14

le mec n'a absolument rien revolutionné, il n'a meme pas inventé l'eau chaude. Alors ok vous pouvez aimer mais faut revenir sur terre.

Popular est un soap ado, glee une comedie musicale, mange prie aime une adaptation d'un bouquin, 9-1-1 un enieme soap medical, scream queen non plus rien d'original,

bref faut pas non plus deconner, on peut aimer mais faut rester lucide.

Apres je parle meme pas de la qualité des trucs, les gouts et les couleurs, mais beaucoup de ses series sont faiblardes (scenario et mise en scene)

The socialite sea cucumber
02/08/2018 à 14:37

Je n'ai pas encore vu cette série mais après avoir lu ce super article, j'en meurs d'envie !

Shagon
02/08/2018 à 12:33

Fresh cette série pour l'été et que de nombreux nouveaux talents révélés ! Ryan Murphy est un maître incontestable en cette époque de l'âge d'or des séries. Sexy, drôle ou déchirant, il n'a pas son pareil pour faire des rollercoasters émotionnels. Hâte de dévouvrir ses créations pour Netflix !

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