Episodes Saison The Last of Us saison 1 épisode 5 : la partie de Left 4 Dead commence

Antoine Desrues | 11 février 2023 - MAJ : 24/02/2023 17:04
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Pedro Pascal, Bella Ramsey

Joel et Ellie font la rencontre de deux personnages attendus dans l'épisode 5 de The Last of Us... mais la série n'en oublie pas l'action.

ATTENTION SPOILERS

Alors que l’épisode 4 de The Last of Us a montré le premier acte de violence commis par Ellie dans le but de protéger Joel, ce cinquième chapitre commence là où le précédent s’est terminé : avec un enfant armé. On savait les échelles de valeur morales bouleversées par cet univers sans foi ni loi, mais cette seule image renforce l’idée d’une innocence incapable d’y prospérer.

Là réside la brillante stratégie de la série depuis ses premiers épisodes : en supposant qu’une bonne partie de son public a déjà joué aux jeux de Naughty Dog, The Last of Us manipule une certaine ironie dramatique, et s’affermit thématiquement pour mieux amorcer les événements à venir, voire même tâter le terrain pour les enjeux dramatiques de sa saison 2.

 

 

Lan Party

En coinçant ses deux protagonistes dans la ville de Kansas City, la narration a l’opportunité de montrer comment le système rodé mais fascisant de la FEDRA amène inévitablement à de violentes révolutions, sans pour autant que ces dernières soient plus enviables. En bref, en laissant temporairement de côté ses infectés, la série façonne un cycle perpétuel de violence et de vengeance, magnifiquement incarné par le personnage de Kathleen (Melanie Lynskey), rongé par la douleur.

Au milieu de cette mixture déjà savoureuse, The Last of Us y ajoute un bien bel ingrédient : Henry et Sam (Lamar Johnson et Keivonn Woodard), deux frères survivants que les fans attendaient de pied ferme. S’ils ne font que croiser par hasard la route de Joel et Ellie dans le jeu, la série prend le temps d'approfondir leur apparition dans le récit. Après l'aparté du flamboyant épisode 3 de LTOU, la caméra s’éloigne de nouveau (mais plus succinctement) de ses protagonistes principaux pour développer des figures qui auraient pu rester à l’état de simples PNJ.

Par cette multiplication des points de vue, non seulement cette saison parvient aisément à croquer des nouveaux-venus dans ce monde post-apocalyptique, mais elle fuit le piège d’un adaptation trop littérale, collée aux baskets de ses avatars comme la caméra du jeu. A l’inverse, on sent que ce passage en série permet à The Last of Us de sublimer d’une manière inattendue son propos sur le poids de la survie, et les raisons qui poussent chaque humain à agir de telle ou telle façon, quitte à engendrer toujours plus de violence et de morts.

 

The Last of Us : photo, Lamar Johnson"On n'est pas venu ici pour souffrir, ok ?"

 

C’est d’autant plus beau ici que le spectateur connaisseur ne peut qu’appréhender le sort d’Henry et Sam, alors que l’épisode fait tout pour construire avec efficacité leur relation et l’amour indéfectible qui les unit. A noter que contrairement au jeu, le jeune Sam se distingue par sa surdité ; une manière élégante pour la série d’illustrer l’enfance comme quelque chose d’enfoui, d’éteint dans cet univers à la dérive, mais toujours prompt à ressurgir tel un langage universel, dès lors que le garçon entre en contact avec Ellie.

Lors d’une pause faussement enchantée, où les vestiges d’une humanité innocente s’inscrivent sur des murs décrépis, cette parenthèse que constituent ces façades encapsule un passé qu’on ne voit pas, un hors-champ qui, néanmoins, ne peut être effacé. En liant les destins d’Henry et de Kathleen, The Last of Us se repose sur une rancœur qui rend plus que jamais impossible l’idée même de survie (même si on aurait aimé que le concept soit encore plus poussé).

 

The Last of Us : photo, Pedro Pascal, Lamar JohnsonCalme avant la tempête

 

Sniper Elite

Et grâce à ce crescendo rondement mené, cet épisode 5 se termine en fanfare en confirmant tout le bien qu’on pouvait penser de sa démarche d’adaptation. Si les joueurs se souviennent de la tension insoutenable dans cette rue où un sniper vise le groupe de survivants, il était très casse-gueule de retranscrire aussi frontalement une telle phase de gameplay, surtout lorsque Joel se retrouve en possession du fusil de précision.

Fort heureusement, les enjeux dramatiques construits sur la durée permettent de donner du liant à ce jeu de tir au lapin, d’autant que la caméra ne fait pas que rester clouée à Joel. Certes, elle accentue sa maîtrise évidente de l’arme (ce qui renverrait presque à la sensation de flow que peut faire ressentir le maniement d’une manette), mais elle embrasse le chaos ambiant, et donc l’incapacité du personnage à contrôler le champ de bataille.

 

The Last of Us : photo"Bonjour, vous auriez une minute pour parler de notre Seigneur Cordyceps ?"

 

Là réside d’ailleurs la plus belle idée de ce chapitre, qui fait débarquer les infectés des sous-sols de Kansas City, après avoir été cachés littéralement sous le tapis de la ville. The Last of Us a beau réduire les apparitions des monstres pour mieux façonner ses relations entre personnages humains, la série sait se garder des moments impressionnants de terreur. C’est même en saupoudrant de la sorte les échauffourées qu’elle évite la lassitude inhérente aux phases de combat dans les jeux.

L’introduction d’un Colosse ne se montre pas seulement efficace dans ce contexte, elle est cohérente avec le propos de l’épisode. Pas question ici de défoncer un boss de fin de niveau, mais bien de refléter l’impuissance de ses héros tragiques, jusqu’à la conclusion inévitable et terrible de cette bascule. Le point de non-retour est atteint, et The Last of Us s’est engagé sur une route plus qu’alléchante.

Un nouvel épisode de The Last of Us est disponible chaque lundi sur Amazon Prime Video depuis le 16 janvier 2023 en France.

 

The Last of Us : Affiche française

 

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commentaires lecteurs votre commentaire !
J0N
16/02/2023 à 17:36

@Francis Opel

Hélas en matière d'engouement général comme de l'inverse, on a bien souvent vu ce qu'il se produit. L'aveuglement, le sentiment d'évidence... J'ai vu tellement de fois le "de toute façon avec HBO, c'était la qualité assurée". Autant nombre d’œuvres cultes le sont devenues bien après leur sortie,certaines même bashées puis réhabilitées (peut être un emportement général ?), autant je ne suis pas convaincu que celle ci le reste longtemps.

J0N
16/02/2023 à 17:06

@Vulfi

Tu parles de la scène du piano comme de l'élément déclencheur de ton implication émotionnelle pour le reste du récit. Chez moi, ce fut un tir à blanc, je n'ai pas été touché et ce surement car j'en trouvais les intentions bien trop évidentes autant que le déroulé des événements me parait affreusement superficiel. La mise en scène en délicatesse, d'accord, mais j'ai vu trop souvent autant ce genre de scène que son traitement pour que je puisse la prendre au sérieux lorsqu'elle se prend autant au sérieux. Puis Nick Offerman au bout de ses capacités (d'accord, la technique ne fait pas tout mais je ne l'ai pas du tout senti à l'aise, je l'ai senti bloqué, et c'est cela qui pose soucis dans ce que cette scène voulait raconter). Mais surtout c'est ENCORE une facilité dans cet océan de fainéantise. Maintenant, cela ne te donne pas tort de t'être laissé embarquer, tu es tombé sous le charme et a passé un bon moment, c'est très bien. Ce qui m’ennuie c'est juste qu'encore une fois, les créatifs derrière tout cela témoigne de ce que j’interprète comme de l'hypocrisie. Ils veulent un habillage de tendresse mais s'ils avaient eu de la tendresse pour leurs personnages, ils auraient certainement prit le temps de les écrire. Toujours ce foutu paraitre.

Vulfi
16/02/2023 à 15:54

@Francis Opel

Je te trouve assez dur dans le jugement de l'épisode 3 mais tes arguments se tiennent carrément. C'est vrai qu'il y a une incohérence entre le Bill présenté au début, survivaliste, parano, cruel et le Bill tendre qui apparaît dans la foulée. Dans l'écriture, c'est un problème de timing je dirais, pour qu'on puisse vraiment croire à l'évolution.

J'avoue que cela ne m'a pas posé de problème (la scène du trou est ratée, c'est vrai) notamment parce que le moment au piano est d'une rare beauté. A ce moment, je me suis fait embarquer jusqu'à la fin et je ne jette plus rien. La scène du déjeuner à 4 avec Joel et sa copine n'est pas une grande réussite non plus, c'est vrai, et, oui, l'écriture de Franck est très clichée à ce moment-là. Mais ça n'efface pas pour moi tout ce qui est réussi par ailleurs et ce qui fait de leur rencontre quelque chose de très doux et tendre. Encore une fois, c'est rare qu'on prenne le temps et qu'on mette les moyens pour ce genre de récit.

Mais sur le fond, je reconnais volontiers mon emballement pour cet épisode 3 :D.

Francis Opel
15/02/2023 à 21:20

@J0N
Oui. Totalement d'accord avec ce que tu ecris : Rien ne tient. Tout est bancal, opportuniste, faussement profond... Je m'étonne encore de ses bons retours...
Mais je tenais à souligner à Vulfi, qui estime cet episode comme une réussite notamment de part l'écriture de ses personnages (et c'est bien entendu ton droit le plus strict. Aucun problème avec ça), que pour moi, c'est tout le contraire, et surtout pourquoi c'est tout le contraire... Bref, rien ne m'y apparaît plausible et digne d'intérêt.

J0N
15/02/2023 à 20:04

@Francis Opel

Les soucis d'écriture sont nombreux et je pense que le problème c'est que les scénaristes écrivent les scènes comme une suite de scénettes qui racontent ce qu'ils veulent raconter sur l'instant et qui amènent où ils veulent aller, sans se soucier de la cohérence globale. Pour exemple, en restant sur la rencontre de Bill et Franck, avant que ce dernier débarque, Bill assiste sur un de ces écrans de contrôle à l’exécution d'un infecté par un de ses pièges mortels. Bon, déjà son installation en soit n'est pas crédible une seconde, le type pose des pièges partout mais ne barricade pas, on sent que les mecs ne se sont pas posé de questions, mais le point que je voulais souligner c'est que Bill n'a pas créé un piège mortel à infecté, il a créé un piège mortel tout court. Donc, il est prêt à tuer, sans négociation préalable, toute personne s'aventurant dans le périmètre qu'il garde. Ok, je prend l'info. Ah, en fait non, c'est bon, tu peux rentrer, je vais de te préparer un homard grillé, sabayon au champagne. C'est toooout le temps comme ça, la scène du piège est là pour te dire "Bill est ingénieux et préparé"mais ne se soucie pas de tout ce que ça peut impliquer en dehors, et de toute façon ce sera évacué par une scène qui te diras son contraire plus tard avec cette fusillade ridicule, puisque le scenario avait besoin, de la façon la plus simple et immédiate, d'un Bill blessé donc il n'est plus capable du moindre trait de comportement que l'on lui a attribué précédemment. Mais le pire c'est que tous ces éléments pourraient coïncider s'il y avait un minimum d'effort d'écriture. Bill doit paraitre ingénieux et préparé ? Tiens ne pourrait il pas barricader les lieux avant que l'on le lui propose des années plus tard ? Franck doit rentrer coute que coute ? Pourquoi ne pas nous montrer sa détresse et son désespoir, expliquer qu'il est prêt à tout risquer, plutôt que de lui faire dire qu'il a faim depuis hier et de le présenter comme léger et plaisantin ? Ah, il fallait qu'il soit sympathique pour que Bill baisse sa garde immédiatement ? Oh, bref, je vais pas réécrire la série.

Francis Opel
15/02/2023 à 18:55

@Vulfi
Quand à Franck, son écriture est d'une naïveté confondante :
Il se balade sans arme dans un monde ultra dangereux. Le gars voit une ville bunker, il se dit "aller, je tente"... Evidemment, il tombe dans un piège mais ne stresse pas plus que ça, et se permet même de négocier un repas et une douche avec le propriétaire des lieux qui pointe une arme sur son nez...
Ensuite, après sa douche, il constate de la poussière sur la commode (j'attire ton attention sur ce détail totalement débile, mais j'y reviens).
Quelques année plus tard, Franck à des envies de déco, et veut rendre sa ville bunker jolie... Lors du repas avec Tess et Joël, il prend la première par la main, ainsi que la bouteille de vin, pour aller papoter loin des deux autres taiseux trop serieux... Lorsque Bill se prend une balle (car Bill est un gars prudent mais ne connaît pas le principe de se mettre à couvert...), notre valeureux Franck s'invente infirmier... Il fait pousser des fraises parce qu'il a la main verte et veux surprendre son homme... Il adore peindre des portraits et des natures mortes pour occuper son temps...

Bref tu l'auras compris, je sous-entends que Franck est un véritable stéréotype sur pattes : D'ailleurs c'est le genre de caractérisation typique qu'on retrouve dans les soap ou les films à l'eau de rose pour des rôles féminins mojoritairement : une appétence pour le ménage (la poussière, tu te rappelle... que c'est retrograde!)...n'aime pas les conversation sérieuse de bonhomme et préfère passer du bon temps avec une copine... en revanche, dans les urgences, sait être un atout indispensable... est artiste... fleur bleue... positif...
Ce personnage aurait mérité d'être là encore bien plus nuancé. Franck est tellement lisse et pure, qu'il n'a aucune epaisseur... Il est d'une mièvrerie confondante et n'est pas realiste pour un sou! Et le pire dans tout ça, c'est que son personnage m'apparait particulièrement réducteur pour la communauté gay.

Francis Opel
15/02/2023 à 16:15

@Vulfi
L'écriture de Bill souffre bel et bien des même lacunes que celle de Kathleen :
Un survivaliste qui aurait pris le soin de se créer une pièce secrète et indecelable dans son propre chez lui, remplie d'écrans de surveillance, est par essence quelqu'un de méfiant, d'anxieux, avec des tendances paranoïaques... Donc, si, bien au contraire, la série nous montre dès le départ un côté assez sombre : C'est pas quelqu'un de très sain notre Bill quand tu l'observe dans son QG lorsque les militaires évacuent sa ville...
Et pourtant, quelques scènes plus loin... le voilà ouvert à la compagnie (la scène de rencontre quand Franck est dans le piege est par ailleurs entierement ratée : rien ne marche)... puis à l'amour...
Et cela pour les mêmes raisons qu'une Kathleen passe de fragile à impitoyable : de grosse faiblesses d'écriture...

J0N
15/02/2023 à 12:28

@Vulfi

Je te rejoins concernant l'anti-manichéisme de façade. Je trouve l'ensemble très prétentieux, pompeux quant à ses intentions au vu du résultat. Pour moi, la prétention, c'est de l'ambition non assumée et cette série passe son temps à dire qu'elle se démarque pour mieux se conformer, à afficher sa supériorité supposée pourtant empaqueté dans sa banalité. Ma pensée, au fond, c'est que le phénomène est bien plus important que l’œuvre ne le sera jamais.

Vulfi
15/02/2023 à 11:42

@TheLastOfMe

Ce n'est peut-être pas très clair mais je n'ai pas dit que la série était manichéenne. J'ai dit qu'elle n'avait rien d'anti-manichéen (ce n'est pas soit l'un soit l'autre) malgré une claire volonté de l'être. C'est juste raté car mal écrit. L'anti-manichéisme, c'est dire ET montrer la complexité. TLOU ne fait que la première partie, ce qui a la fâcheuse tendance à tout aseptiser.

Kathleen va assassiner froidement un otage ? On ne voit rien. Un tir de loin, du contre-champ, pas de visage effrayé avant la mise à mort, pas de corps sans vie, pas de conséquence de l'acte en lui-même, sur elle, sur ses collègues, sur d'éventuels proches.

Kathleen fait exécuter froidement une vingtaine d'otages ? Idem, on ne voit rien. Elle demande l'exécution dans une écriture assez attendue et pas très bien interprétée et... c'est tout. Cette terreur, pourtant très importante dans la construction du personnage, est totalement masquée.

Résultat ? Le personnage de Kathleen n'apparaît absolument jamais crédible dans sa facette cruelle alors que l'anti-manichéisme n'a jamais eu pour but de la cacher. L'anti-manichéisme est censé avoir le courage de tout montrer (le blanc et le noir), de faire voir et faire comprendre les logiques et les raisons des actes humains. Ce n'est pas "tout lisser" et c'est malheureusement ce qu'il se passe dans TLOU.

Encore une fois, loin de moi l'idée d'en faire un programme de mauvaise qualité. Je dis qu'il est très perfectible. J'apprécie quand même son visionnage et j'irai sans difficulté jusqu'au bout.

Vulfi
15/02/2023 à 11:27

@Francis Opel

Je ne connais pas le jeu, comme je disais, mais je conçois que la série ait gommé le côté sombre du dénommé Bill. Pas de problème ici, selon moi, puisque la série ne fait pas semblant d'en faire quelqu'un qui a sa part de cruauté, en disant sans montrer.

On est effectivement sur un "archétype" de personnage doux et tendre, mais je le trouve très crédible : j'en vois des pareils dans la vie et qui sont trop rarement visibilisés, qui plus est quand il se joue une relation avec un autre homme (amoureuse ou amicale).

Le dernier exemple que j'ai en tête c'est le très beau film First Cow qui propose là une histoire d'amitié entre deux hommes, très tendre, loin des stéréotypes du macho viril. Dans TLOU, ce "Bill bougon" est réussi pour moi, il écrit avec finesse et parfaitement interprété. Idem pour son partenaire. Donc l'émotion carrément au rendez-vous.

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