Episodes Saison Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir saison 1 épisode 4 : palantír rime avec ralentir sur Amazon

Lino Cassinat | 19 septembre 2022
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À mi-parcours, Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir commence à crouler sous le poids de son adaptation et livre un épisode 4 lourdaud.

Les Anneaux de Pouvoir : c'est quoi un palantír, et pourquoi Amazon en a fait n'importe quoi

Les deux premiers épisodes de Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir ont divisé la rédaction, avant que le troisième épisode ne douche légèrement l'enthousiasme de la frange plutôt convaincue par cette introduction (représentée par l'auteur de ces lignes). Cet épisode 4 est donc une étape importante, puisqu'il signale l'arrivée de la série à mi-parcours et permet donc de commencer à confirmer définitivement certaines tendances. Confirmons donc : les défauts comme les qualités de la série n'avaient rien d'accidentel, et Amazon livre un produit aussi terriblement spectaculaire visuellement que narrativement pataude.

 

 

bon tu palantír ou tu pointes ?

Comme la semaine dernière, on se rassurera en rappelant que la série n'est pas devenue nulle en un seul épisode. On affirmera même que cet épisode 4 est meilleur que le troisième, même si les deux écopent d'une note identique. C'est que cet épisode 4 redresse la barre, mais mollement seulement, et souffre principalement du même écueil : Amazon est trop gourmand dans ses choix d'adaptation, et croule sous la quantité d'éléments narratifs et d'informations à transmettre à son audience. Parfois mal transmis en plus, les deux plans à l'amateurisme confondant sur Elrond expliquant que les Elfes ont une meilleure vision que les autres races en témoignent.

D'ailleurs, encore une fois, sur les quatre arcs narratifs de la série, seuls trois sont traités ici (Arondir et le Sud, Durin IV et Elrond, Galadriel et Númenor), et quasiment tous les plus gros mystères de la série sont une fois de plus évités. Cet épisode progresse à peine dans les pistes déjà lancées – pourtant plutôt alléchantes –, et se permet en plus d'en lancer de nouvelles. Adar ? Meteor Man ? Sauron ? Aucune réponse, mais au moins autant de nouvelles questions, pas toujours aussi prenantes que les précédentes, et dont parfois même, on connaît déjà les réponses (faut-il vraiment expliquer le mithril ?). Or, comme dit le proverbe, chasse plusieurs lièvres à la fois, tu n'en attraperas aucun.

 

Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir : photo"- Dis-moi Jamy, d'où c'est que ça vient le mithril ? - T'as une heure devant toi ?"

 

On pourrait accorder une largesse à Amazon : il est vrai que l'univers de Tolkien est probablement à la fois le plus vaste, le plus détaillé et le plus rigoureux du corpus heroic fantasy à adapter, et des obstacles de ce type étaient quelque part destinés à être au moins en partie insurmontables. Mais alors, comment expliquer que Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir s'attarde autant, fasse des détours par rapport au matériau originel, et surtout, se rajoute une quantité monstrueuse de détails superflus et de péripéties inutiles ? Quelle est la pertinence de ces déviations si elles remplacent du gras par un autre gras moins inspiré ?

 

Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir : photoOn n'a pas déjà vu ce cadre quelque part ?

 

QUAND J'AVANCE, TOI TU RECULES

Car, afin que les profanes suivent, si la trajectoire globale du Deuxième Âge est respectée, Amazon est partie si loin que désormais à peu près tout ce qui relève du récit (et non de la toile de fond et de l'histoire, attention à la nuance) est désormais inventé. Et donc, nécessairement, Amazon doit, en plus d'expliquer son univers, expliquer ses inventions. Conséquence, là encore nécessaire : chaque scène est une explication. Même la première réplique de la première scène est une explication. Pire encore, l'écriture est tellement explicative qu'elle devient prévisible et va même jusqu'à verser dans l'auto-spoil au détour d'une scène de palantír calamiteuse.

Et ce n'est que lorsqu'un trou d'air se forme que l'intrigue peut enfin avancer, un peu par à-coup et en klaxonnant très fort, comme un automobiliste énervé pris dans un embouteillage après sept heures de route en plein cagnard un 15 août. Quand bien même ce klaxon lance les fabuleuses notes composées par Bear McCreary (sérieusement, il sauve certaines séquences à lui seul), reconnaissons que progresser ainsi n'est pas très amusant. Pas seulement parce que les micro-avancées sont brusques et pompeuses, mais aussi – et surtout – parce que l'avancée globale est lente. Certes, pas autant que dans la soporifique The Witcher, mais on en est presque à regretter le rythme efficace de la trop kitsch La Roue du Temps.

 

Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir : photoPolice des cadres, vous êtes en état d'arrestation pour photocopie

 

Rappelons tout de même que nous sommes à mi-parcours de la série. Patrick McKay et J.D. Payne en sont pourtant encore à faire de l'exposition, tout en nous faisant l'affront de nous infliger un début de romance (dont le caractère manipulateur est d'ailleurs cousu de fil blanc) entre Ëarien et Kemen, deux personnages non seulement inventés, mais en plus subtertiaires. En bref, c'est une distraction, et à ce rythme-là, on en sera encore à jouer à cache-cache avec Sauron au bout des cinq saisons promises par le studio, ce qui risque d'être fort lassant. Pour rappel également, l'enjeu principal de la série est les anneaux de pouvoir (c'est dans le titre bon sang), et jusqu'ici, le mot "anneau" n'a même pas été prononcé une seule fois.

 

Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir : photoVite, retrouvons l'intrigue mon fils imaginaire

 

t'es GLUCOSE

Peut-être s'agit-il du revers de l'une des principales qualités de Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir, à savoir sa grande générosité, jusque dans la durée de ses épisodes (plus de 70 minutes ici). À laquelle le spectateur a régulièrement envie de répondre en hurlant à son écran : "C'est gentil, mais on s'en fout". D'autant plus que l'essentiel passe à la trappe : si l'intrigue est déjà étouffée par sa propre mise en place, qui n'en finit plus de commencer, les personnages sont purement et simplement écrasés – en particulier sa protagoniste, Galadriel, qui confirme ici qu'elle n'a qu'un seul trait de caractère, celui d'avoir le QI d'un enfant de trois ans capricieux en pleine montée de glucose.

 

Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir : photoNouvelle stratégie diplomatique : beugler sur une dirigeante, c'est sûr que ça va marcher

 

Bien sûr, il y a toujours ça et là quelques interactions plus naturelles (merci à Elrond et Durin IV d'exister), et cet épisode a le mérite de procéder à de nombreux déblocages narratifs qui font espérer que la machine est enfin définitivement lancée. Par ailleurs, rien de tout cela ne se suit avec douleur, ce n'est même pas si désagréable que cela quand on y pense, malgré les renvois extrêmement hasardeux à notre temps. Si les thèmes du racisme et de la colonisation étaient jusqu'ici bien traités, on est beaucoup plus circonspects devant cette histoire de grand remplacement des Númenóréens trumpistes par de Elfes chômeurs qui leur volent leur travail.

La série rend ses défauts plus sensibles que ses qualités, et dès lors, donne plus envie de critiquer que de féliciter. Même les moments d'action paraissent cette fois-ci mous du genou. Les vives séquences consacrées à Arondir, grâces salvatrices du précédent épisode, sont désormais sous calmants, anesthésiés par une séquence ralentie étirée plus que de raison et montée en dépit du bon sens. Un dispositif d'ailleurs répété mais en pire à la fin de l'épisode lors d'une autre séquence ralentie sur les quais de Numenor, où là, ce sont carrément les raccords qui s'avèrent si désastreux que l'on croirait voir un mauvais hommage funèbre involontaire à Jean-Luc Godard.

La frustration naît d'une chose : la série la plus friquée et la plus ambitieuse du monde est juste sympathique au lieu d'être extraordinaire. Et c'est amplifié par le fait que cette appréciation molle est due aux bâtons qu'elle s'est elle-même mis dans ses roues, alors qu'elle est ostensiblement (sur-)équipée pour réussir.

 

Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir : photoTout l'or du monde Nain-porte peu

 

Le casting ? Excellent. La photographie ? Un régal. Les designs ? À un ou deux effets spéciaux, irréprochables. La musique ? N'en parlons même pas, on va encore lâcher une larme. Mais combien de temps la technique parviendra-t-elle à ventiler l'âme asthmatique de la série, embourbée dans sa propre matière première, obligée de recourir à des facilités et raccourcis grossiers (Arondir qui se téléporte pile à côté de Theo), à quelques passages obligatoires clichés pour se donner un souffle de plus en plus souffreteux (Pharazôn et Elendil face au peuple de Númenor) ? On ne saurait le dire.

Mais ce que l'on sait, c'est que l'on vit dans un monde où un spin-off de Game of Thrones passionne plus que Tolkien, qu'il reste quatre épisodes seulement à Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir pour se sortir les doigts, et que ça commence à sentir la marmelade.

Un nouvel épisode de Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir est disponible tous les vendredis sur Amazon Prime Video depuis le 2 septembre 2022

 

Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir : affiche personnage

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commentaires lecteurs votre commentaire !
Patate4
20/09/2022 à 23:12

Tout ce que tu as dit est vrai, mais surtout, bravo pour le langage apporté! Je pouvais pas m'arrêter, tellement c'était un régal.

Nono45
19/09/2022 à 20:12

Il faut laisser un peu le temps au temps. C'est bizarre de critiquer chaque épisode d'une série. Vous imaginez si on avait fait ça à l'époque de Starsky et Hutch ?
J'aime bien le show, perso. Oui, ça bifurque de style après Bayona, mais ça marche bien. Un peu dark, presque moorcockien par endroits. Ce style de narration suinte la longue fresque, typique de la fantasy.

Adar joue un double jeu amha. C'est peut-être un Severus Rogue's like. Le risque est donc que ça finisse par bouffer à +ieurs râteliers, voilà, - en plus de manquer de cette unité de ton qu'un seul cuisinier aux fourneaux sait donner - mais sur un tel show aussi rutilant, c'est très agréable. Et nettement plus digeste que le Silmarillion & les Contes et légendes inachevées, mais là j'imagine que je blasphème ^^

Zapan
19/09/2022 à 18:01

Ça occupe mon dimanche soir et m'aide bien à m'endormir et c'est déjà pas mal.
Bien à vous.

yellow submarine
19/09/2022 à 17:54

Merci Geoffrey d’avoir pris le temps de me répondre. En fait plus que la critique c’est surtout votre article sur le palantir qui me fait tiquer. Ça me fait tellement penser à des débats interminables en 2001 entre fans des romans de tolkien sur tel ou tel choix de l’adaptation qui ne leurs convenaient pas.

Geoffrey Crété - Rédaction
19/09/2022 à 17:26

@yellow submarine

Oui, chacun ses goûts. On le répète et l'exprime sur le site au quotidien. Exemple ? Les premiers épisodes des Anneaux de pouvoir : on a publié la critique très enthousiaste de Lino, et l'avis beaucoup plus modéré de Mathieu. Le même jour. Donc oui, la diversité des opinions, c'est important. Personne n'a tort ou raison, et ça commence dans l'équipe.

"Je suis persuadé que vous n’auriez pas été tendre avec la version de Jackson si nous étions en 2001"
Libre à vous de croire et imaginer ce que vous voulez. Je suis pour ma part convaincu que non (j'ai personnellement écrit sur La Communauté de l'anneau dans notre récent dossier, et j'ai parlé de mes émotions de l'époque, en salles, où j'avais été complètement subjugué, en 2001), et je pense que ces étiquettes imaginaires ne servent qu'à fermer les débats. Pour rappel, dans l'équipe on a de vrais grands débats sur les trilogies de Peter Jackson, et ses autres films, principalement King Kong. Dès la sortie du Hobbit, on était divisés d'ailleurs. On en fait des articles entiers.

"résumer un épisode de 1h a une œuvre scène c’est franchement injuste" : et j'ai envie de dire que résumer un article de presque 9000 signes à ça, c'est un peu injuste aussi.

Depuis le début de la série, on nous reproche (pour ne pas dire : insulte) sous prétexte qu'on aime trop ou pas assez. Preuve qu'en réalité, une "guerre" se joue au-delà de nous, et que pas mal de gens tracent des lignes selon leurs sensibilités et points de vue.

Vous aimez plus la série que nous ? Tant mieux. On n'est pas là pour vous dire quoi voir, aimer ou penser. On partage des opinions, et on apporte notre petite pierre à l'édifice des débats. Pour les gens qui aiment débattre et échanger.

yellow submarine
19/09/2022 à 17:17

Chacun ses goûts mais je suis persuadé que vous n’auriez pas été tendre avec la version de Jackson si nous étions en 2001. À l’époque les fans pur et dur n’avaient pas du tout apprécié la version de Jackson. Votre article sur le palantir en est un exemple.
J’aime beaucoup personnellement l’adaptation qui nous est présenté.

Oui la scène de l’évasion est maladroite mais résumer un épisode de 1h a une œuvre scène c’est franchement injuste.

En tout cas je prends mon pied à chaque épisodes comme j’ai pris mon pied au Normandie en 2001 lors de la projo presse de la communauté de l’anneau.

Geoffrey Crété - Rédaction
19/09/2022 à 16:25

@io

Rien oublié. On adore La Communauté de l'anneau.
https://www.ecranlarge.com/films/dossier/1443679-le-seigneur-des-anneaux-le-hobbit-on-a-classe-la-saga-du-pire-au-meilleur-film

Et si donner un avis avec lequel vous n'êtes pas d'accord, c'est être toxique, c'est un bien triste monde.

io
19/09/2022 à 16:22

La redac d'écranlarge a apparemment oublié la lenteur patentée de "la communauté de l'anneau" qui est pourtant non pas une série mais un film. J'ai failli m'endormir la première fois que je l'ai vu (avant d'avoir lu le livre) mais son côté chef d'oeuvre se démarque après revisionnage. Une lenteur donc pourtant bienvenue en comparaison par exemple du mauvais shoot à l'adré qu'était la trilogie "le hobbit".

Bref les journalistes peuvent être comme les fans de franchise : très toxiques.

Ilsauront
19/09/2022 à 16:05

Moi ce qui me choque c'est la coiffure des elfes, normalement de très beaux cheveux longs.
plus d argent pour le coiffeur...

Millg
18/09/2022 à 22:22

Quel film est plagié à ce point pour valoir un tel cadrage-bashing dans cet article ? (Bien cool à lire, cela étant dit)

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