Bargain, le prix à payer : critique d'un donneur universel

Mathieu Jaborska | 12 octobre 2023
Mathieu Jaborska | 12 octobre 2023

Jeon Woo-sung et Choi Byeong-yun adaptent le court-métrage de Lee Chung-hyun (dont le Ballerina vient d'arriver sur Netflix) en série, avec au casting Jun Jong-seo (vue dans Burning) et Jin Sun-kyu (le diptyque The Outlaws / The Roundup). Diffusée en France sur Paramount+, Bargain, le prix à payer a beaucoup fait parler d'elle à l'édition 2023 de Canneséries, grâce à son pitch aguicheur et ses choix de mise en scène affirmés.

Organes officiels

Au coeur d'un hôtel reculé, No Hyung Soo rencontre Park Joo Young, dans l'optique de lui prendre sa virginité en échange d'un million de yens. Sauf que l'endroit en question abrite une énorme organisation criminelle, spécialisée non pas dans le proxénétisme, mais dans le trafic d'organes. Ni une, ni deux, le pervers est attaché à une civière et condamné à assister à la mise aux enchères de ses propres entrailles. Contre toute attente, la situation dégénère encore plus, puisque la séance est interrompue par un violent séisme qui fait s'écrouler une bonne partie du bâtiment.

On a rarement vu un pitch plus alléchant que celui de Bargain, qui nous propose ni plus ni moins qu'un jeu de massacre dans les débris d'un empire de la charcuterie non consentie... le tout en plan-séquence ! Et le scénario respecte scrupuleusement cette promesse, exposant très simplement les faits dans le premier épisode, avant de suivre en temps réel le chaos qui suit la catastrophe.

 

Bargain, le prix à payer : photoLa côte est à combien ?

 

Un postulat qui renoue presque d'ailleurs avec le subtil nihilisme social de certains films coréens post-2000 parvenus en France : le récit balance dans un shaker une belle collection de pourritures – flics vicieux et stupides, marchands de chair cyniques, boursicoteurs de la tripaille et même pures brutes écervelées tout droit sorties d'un sous-Massacre à la tronçonneuse – et les force à s'entraider ou à s'entretuer pour notre petit plaisir de spectateur.

Une belle galerie de pourris, rebuts d'une société coréenne qui peine à subvenir aux besoins médicaux de ses concitoyens au point de les rendre fous, entretient une culture sexuelle prédatrice et autorise in fine les pires des trafics, tout en précarisant assez les populations fragiles pour les forcer à y participer. Et quand les fondations s'effondrent, reste un pugilat bête et méchant, très simple dans l'exécution : nos anti-héros sont projetés au sous-sol et ils vont devoir remonter étage par étage pour survivre, comme dans un The Raid... l'action en moins.

 

Bargain, le prix à payer : photoDernier de cordée

 

La bataille du rein

Car malheureusement, bien que les premiers épisodes amusent forcément, la série tourne un peu en rond voire perd en méchanceté passée sa moitié et ses premiers twists. Ceux-ci se chargent d'adoucir considérablement la folie des protagonistes et donc de tempérer la foire à la saucisse (ou "la fête du slip", pour paraphraser Jin Sun-kyu) née de la succession d'évènements inaugurale. Les anti-héros deviennent tout à coup des héros et l'espièglerie un peu sale gosse du scénario perd en intérêt.

D'autant que le carnage est tout de même un poil plus propre que prévu, et pour cause : le réalisateur Jeon Woo-sung est contraint par le choix stylistique du plan-séquence. Bien entendu, la performance est parfois impressionnante et contribue à la réputation de l'ensemble. Toutefois, elle empêche bon gré mal gré de pousser les chorégraphies dans leurs retranchements et de vraiment lâcher les chiens, malgré des personnages hauts en couleur.

 

Bargain, le prix à payer : photoLe vrai héros

 

En effet, la série a beau ne pas complètement être à la hauteur de son pitch jusqu'au-boutiste, elle peut toujours compter sur ses personnages secondaires, les seuls à ne pas subir l'adoucissement du duo principal, entrant et sortant du cadre comme autant d'animaux enragés. C'est particulièrement le cas du fils à papa increvable joué par Chang Ryul, de plus en plus drôle au fur et à mesure de la série.

Si tous les personnages étaient écrits comme lui, Bargain aurait peut-être pu compenser à coups d'humour noir ses quelques défauts. En l'état, c'est juste un shoot d'adrénaline techniquement irréprochable et – Alleluia – long de 6 épisodes à peine. Et c'est déjà pas mal.

Bargain, le prix à payer est disponible en intégralité sur Paramount+ depuis le 5 octobre 2023

 

Bargain, le prix à payer : Affiche

Résumé

S'il ne s'adoucissait pas à mi-parcours et s'il laissait tomber le parti pris contraignant du plan-séquence, Bargain avait de quoi marcher dans les pas de Kim Jee-woon. Bien qu'il ne soit pas à la hauteur de son pitch génial, il n'en demeure pas moins un divertissement dopé à l'humour noir hautement recommandable.

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