Le Continental : critique d’un John Wick qui fait la sieste sur Amazon

Mathieu Victor-Pujebet | 9 octobre 2023
Mathieu Victor-Pujebet | 9 octobre 2023

D'abord série B de luxe, puis blockbuster sanguinaire à l'ampleur assez folle, la saga John Wick a pris une place rare et précieuse dans le cinéma de divertissement américain contemporain. Et après quatre opus tous plus généreux et fous les uns que les autres, la franchise menée par Keanu Reeves est de retour, mais sans Keanu Reeves, avec la série Le Continental, créée par Greg Coolidge, Kirk Ward et Shawn Simmons. Ce prequel retrace l'aventure qui a mené le personnage de Winston Scott (Colin Woodell) à la tête du fameux hôtel introduit dans les films, avec aussi un peu de Mel Gibson, sur Amazon Prime Video.

Grand New York Hotel

Après un premier opus déjà techniquement très abouti, la saga John Wick n'a fait que gagner en ampleur et en puissance formelle au fil de ses épisodes, de quoi attendre un minimum de cassage de bouches de qualité pour cette première incursion sérielle de la franchise. Hélas, malgré son budget de production par épisode de plus de 20 millions de dollars (soit le budget hors inflation du tout premier John Wick), Le Continental est une énorme déception côté divertissement.

La série créée par Greg Coolidge, Kirk Ward et Shawn Simmons se découpe en trois parties, d'environ 1h30 chacune. Dans son premier épisode, d'une durée donc presque équivalente à celle du premier John Wick (1h41), la série n'offre que deux pauvres séquences d'action à se mettre sous la dent. Ne parlons même pas du deuxième segment qui, sous prétexte de préparer l'affrontement final, ne livre que quelques miettes de cascades et de bastons.

 

The Continental : Photo Colin Woodell"Pas terrible le service ici."

 

Seul le troisième chapitre corrige laborieusement cette avarice, malgré un manque d'ampleur et d'efficacité. En effet, la plupart des séquences d'action de la série, bien qu'admirablement chorégraphiées, font pâle figure face à la technicité de la mise en scène de celles des John Wick. Malgré quelques effets et mouvements de caméra qui distinguent Le Continental du tout-venant marvelien, l'ensemble reste finalement peu incarné et superficiel, surtout vu son budget.

Une artificialité qui prolonge celle de l'esthétique générale de la série qui tente désespérément de distiller une tonalité rétro pour coller à la temporalité de son action, à savoir les années 70. Cependant, si la direction artistique du Continental remplit convenablement sa mission, le bât blesse du côté de son inégale photographie, parfois élégante et feutrée, mais souvent très plate, et de sa bande originale insupportable d'opportunisme, enchaînant à outrance plus d'une quinzaine de tubes des années 60/70 par épisode.

Son déficit d'action et sa flemmardise esthétique empêchent ainsi Le Continental d'assurer un spectacle ne serait-ce que correct et généreux.

 

The Continental : Photo Jessica AllainLa dérive du Continent(al)

 

Les 7 salopards

Mais à défaut de séduire nos rétines, Le Continental arrive-t-il à intéresser, émouvoir et/ou divertir avec son récit ? Spoiler : non. Quête superficielle d'un frère disparu puis saga de vengeance inoffensive, la série avec Colin Woodell impressionne par son inconsistance à grands coups de personnages aux maigres motivations, de caractérisations lacunaires et d'enjeux narratifs dilatés jusqu'à liquéfaction.

La palme revient au protagoniste de la série, Winston Scott, dont la supposée ambiguïté mute bien trop souvent en incohérence. Le Continental peine ainsi à emporter, faute de véritable moteur émotionnel. Par ailleurs, l'accumulation de poncifs d'écritures éculés au possible – de la mystérieuse méchante masquée à un MacGuffin sans intérêt – finit d'étouffer le peu d'émotion et d'implication du spectateur.

Si les récits des John Wick n'ont jamais brillé par leur originalité, ils avaient au moins le mérite de jouer la carte du ludisme et de la générosité. C'est simple, Le Continental ne fait ni l'un ni l'autre. Ceci étant dit, soulignons tout de même la présence d'une poignée de personnages féminins inégaux, mais badass, parfaitement incarnés par Jessica Allain, Nhung Kate et Mishel Prada. Autre mention spéciale à Mel Gibson, qui livre ici une délicieuse performance physique et survoltée.

 

The Continental : Photo Mel GibsonHeureusement que Mel est là

 

John pouic Cinematic Universe

Reste donc la promesse d'étendre l'univers développé par Chad Stahelski, David Leitch et Derek Kolstad, entre tueurs professionnels et mythologie néo-féodale. Mais si les John Wick portaient une attention toute particulière au ludisme et au renouvellement de leur lore, Le Continental prend tout juste le temps de réinvestir les éléments introduits dans les films, sans variation et (presque) sans ajout.

Pour faire simple : si vous vous attendez à ce que Le Continental élargisse quoi que ce soit de la mythologie John Wick, vous allez être déçu. À la place, la création de Coolidge, Ward et Simmons n'offre au spectateur qu'une anecdotique histoire de gangsters qui n'a de l'univers de John Wick presque que le nom, la monnaie, le décor et quelques répliques bêtement volées aux films pour superficiellement raccrocher les wagons.

De là à dire que la franchise John Wick ne sert que d'excuse au Continental pour raconter et filmer tout autre chose, il n'y a qu'un pas... mais à l'issue du visionnage, la question reste à savoir quoi ?

Les trois épisodes du Continental sont disponibles sur Amazon Prime Video

 

The Continental : Affiche française

Résumé

Énervant de fadeur, la série Le Continental n’a pas la délicatesse d'être profondément ratée, mais n’est ni un divertissement d’action satisfaisant ni un prequel excitant à l'univers John Wick, ni… quoi que ce soit d’autre finalement.

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Lecteurs

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commentaires
Satan LaTeub
27/11/2023 à 17:13

Je viens de finir la série et ... ZZZZZZZZZZZZZZZZZ
Bon somnifère tellement il ne se passe pas grand chose, à part la baston finale. Mais j'ai bien aimé les Jumeaux tueurs.


03/11/2023 à 15:23

Une musique extraordinaire qui rythme bien la série. Du coup, on regarde avec plaisir.

Yannick Simon
11/10/2023 à 08:06

Et bien moi, j'ai bien aimé

Ma scene préférée reste celle de la cabine telephonique
La musique est vraiment cool, et les femmes sont bien mises en valeur. Elles sont belles et badass

Gaudet au gadget
11/10/2023 à 05:15

"Les gens mal fourré sont souvent frusté" Pépé et ça guitare, j'imagine que tu as jamais baiser pour être aussi frustré sur cette série incroyable qui offre beaucoup plus que juste des scènes d'action comme dans John wick. C'est un bijoux.

Morcar
10/10/2023 à 09:20

En même temps, les John Wick sont de base des films très simples qui ne doivent leur succès qu'à la mise en scène des combats, donc si on retire le réalisateur, il reste quoi... On peut deviner que si la franchise avait changé de mains, il y aurait eu de fortes chances que ça devienne aussi bon que "Piège à grande vitesse", donc rien d'étonnant à ce que la série soit ainsi. Et le spin-of à venir sera sans doute du même niveau.

Necroko
10/10/2023 à 02:26

juste pour info c'est pas une série Amazon mais Peacock.

Faurefrc
09/10/2023 à 22:44

En même temps, John Wick, au delà de la sympathie qu’on peut avoir pour Keanu Reeves et quelques scènes d’actions torchées proprement… c’est loin d’être du Scorsese ou du Kubrick… ou d’un bon vieux MCTiernan des familles pour être moins élitiste… ou même d’un Gareth Evans pour se la jouer fan d’action bien filmée.
John Wick c’est quand même con comme ses iep… après c’est sympatoche mais le scénario il mettrait en PLS tout fan de Steven Seagal. Faut donc pas s’étonner du manque de « profondeur » d’une série dérivée d’un truc déjà aussi teubé où des mecs s’entretuent tranquille à coup de flingues et de couteaux au milieu d’une teuf tandis que tout le monde continue de danser l’air de rien.
Bon ciao, tel un vieux con je vais attendre tranquille dans mon coin la sortie de Killers of thé Flower Moon.

Rastan999
09/10/2023 à 21:07

Bien d’accord avec cette critique. Bande son facile et vite fatiguante, une histoire avec asssez peu d’intérêt et invraisemblable. Un frère qu’on nous présente comme un John Wick bis mais qui meurt sans vraiment combattre, etc, …. Beaucoup oublié ce qui a fait le charme du premier John Wick: la mort de sa femme, de son chien et le vol de la voiture . 3 éléments qui posent les bases émotionnelles du retour de Baba Yaga.

Jaunie Weak
09/10/2023 à 20:59

Décidément, Amazon Prime c'est la poubelle des prod refusées ailleurs.

Kyle Reese
09/10/2023 à 20:36

Fan de tous les John Wick bah c'est donc une douche tiède voir froide. Même pas envie d'y allez faire un tour pour le moment, trop de série de qualité en retard.

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