Sex Education Saison 4 : critique d’un final en pleine introspection sur Netflix

Antoine Desrues | 21 septembre 2023
Antoine Desrues | 21 septembre 2023

Parmi les phénomènes de NetflixSex Education a réussi à tirer son épingle du jeu, que ce soit par la modernité de son écriture, sa nature de teen drama piquant ou par son casting rafraîchissant. Maintenant qu’Emma Mackey ou Ncuti Gatwa sont devenus des stars prêtes à voguer vers de nouveaux horizons, la série de Laurie Nunn entame son ultime tour de piste avec sa saison 4. Un final qui pousse à la réflexion, et qui méritait bien la touche personnelle de notre rédacteur.

Chère Sex Education,

J’adore Sex Education. J'adore tellement Sex Education qu’elle est devenue une série de chevet rassurante, que je lance et relance aussi bien lors d’une session vaisselle qu’en pleine gueule de bois. Peut-être est-ce dû à la réussite de ses personnages, qui sont parvenus en quelques saisons à devenir ces amis que l’on croit connaître depuis toujours. Ou peut-être est-ce dû à la malice de son approche, qui a accaparé des archétypes établis du teen movie pour mieux les déconstruire et les développer avec tendresse.

Pourtant, si j’opte aujourd’hui pour l’exercice de la première personne, c’est parce qu’à l’instar de ses lycéens adeptes de la thérapie sexuelle, j’ai changé depuis mes premiers émois devant les débuts de la série. À vrai dire, la quatrième (et dernière) saison de Sex Education m’a bouleversée d’une manière inattendue. Bien sûr, ma nature de névrosé apeuré par le changement – après tout, je me réfugie dans le cinéma – craignait de devoir dire au revoir à Otis, Maeve, Eric et Aimee.

 

Sex Education : photoMa tête après avoir fini la série

 

Mais cet ultime tour de piste m’a surtout obligé à comprendre pourquoi la création de Laurie Nunn était devenue ce cocon de fiction douillet. Un beau programme en somme, jusqu’à ce que la showrunneuse provoque sur ma personne un véritable twist shyamalanien. Non, je n’étais pas mort depuis le début, mais je refoulais les réelles raisons de mon amour pour la série. Et il a fallu attendre ses derniers instants pour que je m’en rende compte.

La raison à cela ? Ma frustration lors de mon visionnage impatient du premier épisode. Pour être clair, ce démarrage est aussi déstabilisant qu’inquiétant, tant il met en exergue ses contraintes d’écriture. Pour rappel, dans la saison précédente, la “clinique” amateure d’Otis était débusquée, Maeve acceptée dans une école américaine et le lycée de Moordale tout bonnement fermé après une révolution de ses élèves.

 

Sex Education : photoC'est la fin

 

De quoi bouleverser le statu quo de la série, qui se doit de retrouver un point d’équilibre. Malheureusement, ce n’est pas l’idéal pour une dernière ligne droite, qui perd du temps à introduire son nouveau terrain de jeu : un lycée aux antipodes de Moordale, dont le progressisme appuyé en vient à perturber ceux qui s'étaient habitués à dissimuler une part d’eux-mêmes.

Comme à l’époque de la toute première saison, Laurie Nunn et ses scénaristes repartent d’un modèle d’écriture où les apparences sont souvent trompeuses. Tandis que les nouveaux venus sont perçus sous un angle presque caricatural, ils trouvent le moyen de se nuancer d’épisode en épisode, même si l’ensemble n’échappe pas à quelques raccourcis lorsqu’il se confronte à des problématiques hautement contemporaines, à commencer par la cancel culture.

 

Sex Education : photoRuby (Mimi Keene) évolue toujours plus (et on l'aime)

 

Sortez les mouchoirs (non, pas pour ça !)

Dès lors, Sex Education profite de ce soft-reboot pour abandonner certains de ses personnages secondaires (Ola, Lily...) et en imposer de nouveaux. De mon point de vue, ce sentiment d’inachevé ne pouvait être dû qu’au contexte de production difficile de la série. À cause de ses retards provoqués par la Covid-19, il est clair qu’elle s’est amputée d’une cinquième saison, alors que ses comédiens ont commencé à ne plus avoir des têtes de lycéens, ou à vouloir quitter le navire.

Ma frustration était d’autant plus grande que la révélation de la série, la rayonnante Emma Mackey, semblait phagocyter ce changement, voire lui imposer son tempo, maintenant qu’Hollywood se l’arrache. Le départ de Maeve aux États-Unis est en soi une bénédiction pour les scénaristes, mais aussi la limite inaugurale d’une saison qui ne sait pas trop comment impliquer ce personnage isolé de la troupe.

 

Sex Education : Emma Mackey"Pitié, Dieu, on veut encore une saison"

 

Il faut donc imaginer ma tête déconfite face à cette dynamique bâtarde. Non, impossible. L'une des séries les plus inventives et engageantes de Netflix ne peut pas se conclure en eau de boudin. Comment pourrais-je m’amuser à la relancer pour la centième fois en sachant que je progresse vers une évidente déception ? (C’est donc ça être fan de Lost ?) Fort heureusement, la saison n’a cessé par la suite de me ravir, tout en conservant ce cap, et sans flagrante amélioration. M’étais-je juste mis sur la défensive trop rapidement ? C’est là que ça m’a frappé : quelle que soit la réalité de sa fabrication, la série est parvenue à faire de ses contingences une force et, paradoxalement, à revenir à la sève de son concept par la réinvention.

Si Maeve est moins présente à l’écran (du moins dans la première partie de la saison), elle n’en reste pas moins le cœur émotionnel du récit, d’autant que sa relation avec Otis est forcément impactée par cette distance. Jusque-là, Sex Education dépendait principalement de ses associations de personnages, de ses rencontres qui formaient des groupes improbables, à la manière d’expérimentations de chimiste.

 

Sex Education : photoAh, les cours de conduite accompagnée, que de bons souvenirs en famille...

 

Chacun apprenait à se découvrir au contact des autres, et la clinique d’Otis ne devenait que le coup de pouce essentiel à cette ouverture. Or, la saison 4 nous fait comprendre, non sans une certaine violence, qu’il faut savoir passer à l’étape supérieure. Et cette étape supérieure implique une forme de solitude.

Cette fois, la plupart des protagonistes évoluent seuls, et sont contraints par le scénario à l’introspection. Adam essaie d’affronter sa peur de l’échec et de l’humiliation. Jackson est en quête de ses origines. Aimee se reconstruit à travers l’art et Eric (qui a droit au plus bel arc de la série) interroge sa foi chrétienne en tant qu’homosexuel.

 

Sex Education : photoL'occasion de dire une dernière fois à quel point Maeve est un merveilleux personnage

 

Les copains, d'abord et toujours

L’idée pourrait être un contresens. Elle est en réalité brillante. Car Sex Education ne doit pas uniquement son succès à son drama adolescent (aussi jubilatoire soit-il). Derrière son humour, voire son côté vachard, elle s’est toujours présentée comme une main tendue, incitant chaque personnage à trouver l’aide nécessaire à son bien-être. En faisant de la sexologue Jean Milburn (géniale Gillian Anderson) une figure de proue de cette politique, dont le fils devient naturellement l’héritier, Laurie Nunn n’en a jamais oublié le plus difficile : accepter cette aide, et avant cela, accepter que quelque chose ne va pas.

Cette réalisation ne peut être que solitaire, et ce saut dans l’inconnu (ou plutôt dans le refoulé) est par essence terrifiant. Comme si la showrunneuse avait toujours eu ce plan en tête, ce développement offre un sens tout particulier à l’un des meilleurs motifs visuels de la série : ces champs-contrechamps qui isolent les visages dans un bord du cadre, pour mieux enfermer les personnages dans leur logique, avant de les ouvrir au dialogue.

 

Sex Education : photoToujours le meilleur duo !

 

Il faut donc en revenir à la frustration que j’ai ressentie en début de saison. Pourquoi ? Parce que la série voulait que je la ressente, afin d’être en accord avec ses personnages. Cette saison 4 est frustrante, comme l’est toute constatation d’un travail sur soi. Le plus dur, c’est encore le premier pas à franchir, et qui devient ici le moteur narratif de ce grand final émouvant. Chacun doit accepter cette introspection pour mieux revenir au collectif et à la solidarité, ce que le dernier épisode illustre de la plus belle des manières.

Si cette interprétation est des plus personnelles, c’est que j’ai moi-même longtemps rechigné à demander une aide nécessaire pour une santé mentale qu’on délaisse trop souvent. Sans doute qu’inconsciemment, les premières saisons de Sex Education m’ont attiré pour leur bienveillance, et leur discours éclairant sur les natures diverses de la thérapie, même si je n’y voyais à l’époque que la qualité de leur écriture, et le génie de leur casting.

 

Sex Education : photoGrandir, tous ensemble

 

La déflagration de cette dernière salve d'épisodes s’est donc imposée comme un miroir essentiel, qu’il m’aurait été impossible d’appréhender sans mon propre voyage. Une belle occasion de constater qu’à l’image de ses personnages que j’aime tant, j’ai aussi fait un bout de chemin.

Là où de nombreuses séries ne cherchent que la stagnation, voire l'éternité illusoire et rassurante de leur univers, Laurie Nunn a réussi à penser, jusqu’au bout, à la valeur symbolique de son sujet au cœur de sa narration. En plus de se permettre ici certains set-pieces aussi efficaces que dévastateurs (dont une séquence d’enterrement qui passe par tous les registres), Sex Education assume de se conclure avec une douceur teintée d’amertume. On pourra, là encore, en être frustrés, mais la notion d’évolution ne nous amène pas toujours dans la direction attendue. Et peut-être qu’au fond, Sex Education m’a appris à l’accepter.

La saison 4 de Sex Education est disponible sur Netflix depuis le 21 septembre 2023.

 

Saison 4 : Affiche officielle

Résumé

Le final de Sex Education ne plaira peut-être pas à tout le monde. Mais il a le mérite d’oser, et d’assumer sa direction. Personnellement, on trouve ça merveilleux.

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commentaires

12/11/2023 à 14:28

Je suis entièrement d'accord avec votre critique, à l'image de la série bienveillante et éclairée, et je me demande si "Sex Education" n'aurait pas du s'accompagner du sous-titre "Une éducation sentimentale", tellement la notion de cheminement personnel y est importante.
Qui pourra oublier Maeve?

Arch
08/11/2023 à 15:55

J'aime beaucoup cette série mais la dernière saison est en demi teinte.
On a vraiment de l'inclusif à outrance au point que ça en devient faux et superficiel.
L'épisode de l'enterrement est le meilleur de cette saison (et de loin) et une scène illustre parfaitement mon propos :
* hétero tick
* lesbienne tick
* gay tick
* bissexuel tick
* trans tick
* handicap tick
* incest tick
* partenaire toxique tick
* assexuel tick
* ...
Bref, on fait la liste de tout pour être sûr de tout avoir et de n'oublier personne mais au final, on ne parle réellement de personne ou presque.
A vouloir trop en mettre, on reste en surface sur tout et c'est franchement dommage.

Gérard
09/10/2023 à 01:29

Une série qui a le mérite d'exister et qui ose parler librement de sujets qui pour certains seront très tabous. Cette dernière saison par contre est moyenne. Les dialogues ressemblent en effet à des consultations d'Otis et la fin n'en est pas vraiment une. Ils auraient dû créer un dernier épisode permettant de savoir ce que faisait les personnages après au lieu d'envoyer ça comme ça dans les 5 dernières minutes à la va vite... Je m'attendais à mieux... Déçu !

Cloclo
30/09/2023 à 17:22

Dernière saison nul pas assez de sexe et se termine un peu en que de poissons

ZANE
25/09/2023 à 08:39

J'ai eu quelques difficulté avec certains épisodes/passages, qui me paraissait un peu trop "inclusif pour être inclusif" sans réellement aller chercher plus loin que ça alors qu'il y aurais eu matière à débattre
C'est principalement ça qui m'as déranger avec le cadre du lycée Cavendish, le côté trop "lisse" ou tout est acceptable, j'aurais personnellement &aimé voir un peu plus de profondeur, de débat
Malgré tout, j'ai quand même apprécié cette dernière saison, j'était heureux de voir une conclusions au différentes relations entre certain personnages, même si j'avoue avoir souhaiter un résolutions différentes pour certains d'entre eux (Otis et Maeve *koff koff*), ces différentes fin d'histoire, certaines dans le "neutre ++" sont malgré tout très bien réalisé, on sent un côté réel à tout ça, en sortant des codes classique du cinéma avec un "tout ne se passe pas forcement bien, mais ça ne veux pas dire que c'est mauvais non plus"

Bref, tout ça pour dire que malgré les quelques point qui m'ont fait glousser, j'ai apprécier cette saison finale

Kleef
22/09/2023 à 14:18

Merci infiniment pour cette critique.
Sex Education a su véhiculer des émotions crédibles qui ont résonnées et résonnent toujours en moi comme peu d’œuvre d’art avant elle.
Que la fin soit bonne ou pas ce n’est pas la question, la série anime quelque chose chez moi de doux amer même si je n’ai pas vécu ce que vivent ses personnages.
Une série qui aura été comme un ami, me conseillant, me réconfortant et me montrant ce qui est parfois dur à accepter.
Ça fait mal mais c’est beau.
Envie de pleur sur « I can change » maintenant.

Kirito99
22/09/2023 à 10:07

Série nul et sans intérêts, bon après moi le sexe sa m'intéresse pas donc logique que sa n'a aucuns intérêts pour moi cette série.

EducationSexual
22/09/2023 à 09:38

Lol la ca tourne a la psychothérapie cette critique.

Nathan Lane
22/09/2023 à 06:49

Bof :
Un peu d'humour, oui. Mais faut t'il être un minimum douée dans le domaine...
Que diable.
Ensuite si c'était une boutade autant pour moi. Mais ça ressemblait plus a une critique facile qu'autre chose... bref.

bof
22/09/2023 à 00:43

@Nathan Lane
J'adore Lost et la pique m'a fait sourire, un peu d'humour que diable...

Merci pour cette critique peu habituelle, l'impatience est à son comble!

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