A découvert : critique d'un Harlan Coben pour adolescents neurasthéniques sur Amazon

Harlan carbonisé

À découvert reprend la trame du roman Shelter publié en 2011 par Harlan Coben, monstre sacré du thriller contemporain et premier auteur à avoir compilé trois prix majeurs de la littérature policière. L'histoire est articulée autour de Mickey Bolivar, neveu d'un personnage phare du romancier et lui-même héros d'une trilogie sur laquelle Amazon semble décidé à capitaliser.

C'est une prise de choix pour la plateforme : Coben était jusqu'à présent affilié à Netflix, à qui il a confié en 2018 quatorze de ses écrits. L'auteur a de surcroît l'expérience de la télévision puisque, outre les innombrables adaptations de ses œuvres, il a personnellement transposé The Five en 2016. Si À découvert est crée par Edward Decter, rompu aux projets à destination de la jeunesse mais sans références majeures (non, le film Lizzie McGuire ne compte pas), Coben occupe le poste de showrunner tandis que sa fille Charlotte est productrice

Save the cheerleader, save the worst

Sur le papier, cette signature semble constituer la promesse d'un scénario haletant, avec son postulat qui convoque le genre codifié de la petite communauté assise sur une montagne de secrets, quelque part entre Pretty Little Liars et Riverdale. Dans les faits, les ficelles du jeu de piste sont grossières et ses points de passage parfois risibles, entre indices trop évidents et investigations au piffogramme le plus absolu. Amazon a fait le choix d'une diffusion hebdomadaire depuis le lancement de la série mi-août mais les éléments de mystère, disséminés de manière balourde, peinent à secouer véritablement le palpitant.

Dans un très vague écho à Stranger Things, l'intrigue s'efforce de flirter avec le fantastique en mobilisant une maison de sorcière tirée tout droit d'une attraction Disney. Hélas, ses pistes les plus attrayantes se révèlent au final assez superficielles, à l'image de cette connexion avec les camps de concentration qui aurait mérité plus d'approfondissement. Plombé par un rythme d'une langueur indigne, le battement d'aile du papillon ne se convertit jamais en tornade narrative.

Ne le dis à personne si tu veux pas Canet

Colin en transparence

Si Harlan Coben surfe sur la dynamique classique des enquêteurs en herbe qui se soudent d'amitié, leur caractérisation manque singulièrement de relief. Les deux comparses de Mickey répondent à des stéréotypes d'outsiders intelligents et mal-aimés, souffre-douleurs revanchards heureusement dotés d'une certaine répartie.

Les deux acteurs se débattent du mieux qu'ils peuvent avec leur absence totale d'aspérités, alors qu'une écriture plus incisive aurait pu leur permettre de se montrer franchement attachants. D'autant que même en l'état, ils demeurent plus intéressants à suivre que le héros fadasse. Jaden Michael, révélé par Colin in Black & White, joue de manière trop restrictive pour susciter une quelconque empathie, et ni son trauma introduit avec de très gros sabots ni les flash-back lourdingues sur son bonheur familial perdu ne nous aident à entrer en résonance avec lui.

Take (away) Shelter

Inutile de compter sur les seconds rôles pour doper la formule, entre une cheerleader dont la crédibilité est portée disparue avant le personnage ou des méchants et adjuvants engagés dans un jeu de leurre simpliste. Le scénario tente de se donner une contenance mature avec ses enjeux sordides (maltraitance, traite humaine...), mais le manichéisme global évoque plutôt une adaptation officieuse du Club des cinq, ce qui a son charme et ses limites.

Reste à voir si les plus jeunes, à qui la série comme le livre s'adressent en priorité, trouveront matière à y jeter un œil distrait entre deux TikTok. Mais qu'on ne s'y trompe pas : cette étiquette young adult n'excuse en aucune façon la mollesse de l'ensemble ni la mise en scène aussi platement illustrative qu'un abécédaire.

À découvert est disponible en intégralité sur Amazon Prime Video depuis le 22 septembre.