Les Fleurs sauvages : critique du Alice au pays des traumas sur Amazon

Geoffrey Fouillet | 1 septembre 2023 - MAJ : 04/09/2023 10:11
Geoffrey Fouillet | 1 septembre 2023 - MAJ : 04/09/2023 10:11

Adaptée du roman éponyme signé Holly Ringland, la mini-série australienne Les Fleurs sauvages débarque sur Amazon Prime Video, auréolée du prestige de son actrice vedette, Sigourney Weaver. Et pour honorer le credo 100% féminin de l'oeuvre d'origine, c'est Sarah Lambert, déjà aux commandes de Lambs of God (autre mini-série portée essentiellement par des femmes), qui en assure l'adaptation. Résultat : on tient l'une des très jolies surprises de cet été, même si le voyage est loin d'être de tout repos.

LA FINE FLEUR DE L'AUSTRALIE

Dès le premier épisode, les hostilités sont lancées. La jeune Alice Hart (Alyla Browne) est battue par son père, à l'instar de sa mère, et toutes deux souffrent en silence. Mais un jour, Alice provoque l'incendie qui tue ses parents, et c'est sa grand-mère, June (Sigourney Weaver, dans un de ses meilleurs rôles récents), qui la recueille au sein de Thornfield, une ferme florale isolée abritant une communauté de femmes éprouvées par la vie. Et on vous le donne en mille, l'endroit regorge de très lourds secrets.

 

Les Fleurs sauvages : photo, Alyla BrowneOuh, le regard qui en dit long

 

Plutôt que de tout raconter noir sur blanc, la mini-série a le bon goût de privilégier un langage avant tout poétique, sans pour autant éluder la violence du récit. Une approche souvent adoptée au sein de la production australienne, même récemment dans The Nightingale de Jennifer Kent, où la sauvagerie et l'onirisme existent parfois simultanément. Et ici, les fleurs du titre, qui ornent chaque parcelle, chaque pan du mur de la ferme, représentent un mode d'expression à part entière.

Entre l'acacia qui signifie "Toujours près de toi", le lys des marais "Amour caché", ou le chêne du désert "Résurrection", c'est tout un lexique floral qui s'offre à nous au gré de quelques sous-titres bien placés. Si bien que chaque fleur devient un moyen de dialoguer sans avoir à prononcer un seul mot. C'est l'objet notamment d'une très belle scène où June compose, à l'attention de sa fidèle amie Twig, un bouquet signifiant textuellement : "Pardonne-moi, sans toi, je ne suis rien". Grâce à cette simple astuce, la mini-série évite les discours à rallonge et crée une atmosphère où chaque prise de parole est une prise de risques.

 

Les Fleurs sauvages : photo, Sigourney WeaverDes fleurs rose bonbon, y a que ça de bon !

 

AU MALHEUR DES DAMES

Trêve de poésie malgré tout, la violence, bien réelle, ne se fait jamais prier pour éclater, et ce dès le premier épisode où la jeune Alice reçoit les coups de son père. Mais au lieu de verser dans des débordements graphiques un peu gratuits, Les Fleurs sauvages trouve le juste équilibre entre la frontalité et la suggestion, et la balance penche plus ou moins d'un côté ou de l'autre selon le point de vue adopté et l'âge de la victime. Quand c'est Alice, enfant, qui est violentée, la caméra se contente d'épouser son regard, et lorsque June, adulte, se fait cogner, on assiste à la scène d'un œil extérieur.

  

Les Fleurs sauvages : photoIt's raining (bad) men

 

Cet ajustement constant de la mise en scène est la preuve d'une intégrité morale exemplaire de la part de Sarah Lambert. Lors de son passage dans le podcast Sky News Backstage, la créatrice de la mini-série se prévalait justement d'avoir été très vigilante à ce sujet, mais aussi vis-à-vis de la description du père : "Il n'est pas entièrement mauvais, vous voyez ce que je veux dire ? Il adore Alice […], il est incroyablement romantique avec sa mère, mais il y a aussi cette part horrible chez lui qui peut surgir de nulle part, et nous voulions vraiment explorer cette tension".

Alors bien sûr, la mini-série n'essaie jamais de justifier une telle violence, mais là encore, la visée fémino centrée, voire féministe, à l'oeuvre ici ne vient jamais accabler l'ensemble de la gent masculine. Autrement dit : "Not all men". Certes, seuls quelques-uns ont le beau rôle, comme l'ami d'enfance d'Alice, Oggi, ou l'officier de police du coin, John, mais ils sont aussi, au moins un temps, garant de la reconstruction des femmes qu'ils côtoient. Eh oui, on n'est pas contre un peu de nuance, et Les Fleurs sauvages n'en manque pas de toute évidence.

 

Les Fleurs sauvages : photo, Sigourney Weaver, Alyla Browne"Un toast aux belles plantes que nous sommes !"

 

FAMILY BUSINESS

En sept épisodes seulement, la mini-série traverse les époques pour mieux explorer l'Histoire de Thornfield et de la famille Hart d'une génération à l'autre. Fidèle à la mémoire traumatique des personnages, le récit progresse à coups de flashbacks parasites. Des bribes de souvenirs dont la finalité n'est révélée parfois que bien plus tard, d'où un mystère qui demeure longtemps intact, quitte à abuser légèrement de la patience du spectateur.

  

Les Fleurs sauvages : photo, Sigourney WeaverTelle grand-mère, telle petite-fille

 

Et à force de vouloir en garder sous le coude, Les Fleurs sauvages piétine, le ventre mou à mi-saison ne passe clairement pas inaperçu. On regrette alors l'intensité, mais aussi la grâce des premiers épisodes qui tenaient essentiellement au point de vue et à la sensibilité d'Alice enfant, là où la deuxième moitié de la mini-série la suit alors qu'elle est adulte. Et si l'on compte encore quelques envolées lyriques, comme des scènes très dures, le conte vénéneux du début n'est plus.

Reste ce chassé-croisé familial complexe et particulièrement émouvant. Quand vient le dénouement, les femmes de la famille Hart, June, Alice, mais aussi sa mère Agnes, semblent tout à coup parler d'une même voix, là où les non-dits et les secrets les avaient jusqu'ici divisées. Cet héritage s'étend alors aux autres femmes de Thornfield, Twig et Candy en tête, autres très beaux personnages de la mini-série, l'histoire intime recouvrant in fine une portée plus universelle.

Les Fleurs sauvages est disponible en intégralité depuis le 1er septembre 2023 sur Amazon Prime Video en France

 

Saison 1 : Affiche officielle

Résumé

Malgré quelques errances regrettables à mi-parcours, Les Fleurs sauvages est bien la fresque promise sur la résilience et la condition féminine. Une mini-série à la fois sombre et poétique, au sommet de laquelle trône la toujours impeccable Sigourney Weaver.

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commentaires
Marj72
11/09/2023 à 16:34

Je vous rejoins complètement dans cette analyse...Cette série détonne dans la production actuelle par la psychologie poussée des personnage et sa finesse poétique, en ce qui concerne la première partie...Effectivement, il y a une latence et une faiblesse scénaristique? dans sa seconde partie traitant d'Alice adulte...Certaines de ses réactions sont assez improbables, mais le thème général reste très accrocheur et joliment traité...La magie tient effectivement au jeu très convaincant des acteurs et aux décors, grandioses...

Sériejt’m
06/09/2023 à 09:26

J’ai adoré la série ,je trouve que tous les rôles sont bien joués et intéressants.Sigourney Waever est extraordinairement juste et touchante ,je comprends tout à fait ses choix même si je ne les aurais pas forcément fait .mais je ne comprends pas Alice qui après ce qu’elle à vécu fait les mauvais choix .

Saturne
05/09/2023 à 14:45

@ efirit. Tu as du te perdre Tu n es pas sur le bon site pour déverser la haine. Va voir sur Twitter tu trouveras ta place

Miss M
04/09/2023 à 12:37

Une série découverte par (un heureux) hasard et j'en suis bien ravie. C'est juste, sublimement porté et sobre. A voir absolument.

Cidjay
03/09/2023 à 19:46

@Efirit : pour deverser sa haine, ca se passe sur Twitter.

Efirit
02/09/2023 à 17:09

Une nouvelle série ? Bon, ça va être quoi cette fois-ci ? Du me too, du lgbt, du "l'islam, cette religion de paix et d'amour", du fourre toutes minorités ? Tout ça à la fois ?

Soso 850
02/09/2023 à 16:44

J ai littéralement adoré. Actrices magnifique, decor grandiose .

Moderngeek
02/09/2023 à 15:37

Je viens de finir la mini-série, j'ai trouvé ça très émouvant et je n'ai pas trouvé de ventre mou . Tout les acteurs étaient très bien surtout Alice adulte que j'ai beaucoup aimé.

Motoji
02/09/2023 à 13:14

Petite coquille dans l'article, le roman d'origine est de Holly Ringland.

Hâte de découvrir la série !

Sascha
02/09/2023 à 12:02

Bon... Sigourney Weaver... Obligé de regarder

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