Jack Ryan saison 4 : critique pressée d'en finir sur Amazon

retraite anticipée

Lorsque Jack Ryan, héros inventé par l'auteur à succès Tom Clancy, revient sur Amazon en 2018, cela fait quatre ans que l'on n'a pas revu le personnage, mais cela fait surtout plus de 15 ans que l'on n'a pas vu une adaptation un minimum réussie de l'une de ses aventures. C'est assez dommage puisque, depuis 2002 et le très imparfait La Somme de toutes les peurs, la face du monde et surtout des menaces terroristes ont bien changé. Et l'oeuvre de Tom Clancy, bien que notoirement patriotique et militariste, aurait pu permettre de mieux apprécier les contours de l'imbroglio géopolitique grâce à sa précision et sa finesse d'analyse.

Encore aurait-il fallu que quelqu'un s'attèle sérieusement à la tâche comme a pu le faire un certain John McTiernan avec À la poursuite d'Octobre Rouge. Mais, point : c'est la société de Michael Bay qui s'y est collée avec la délicatesse qu'on lui connaît, et qui s'est plantée dès son abominable première saison violemment concon et aux relents gentiment racistes.

Et vive la CIA

Après tout, c'est un choix. Mais un choix qui n'a cependant pas fait mouche deux saisons durant, avant que la saison 3 ne corrige un peu le tir et ne suscite enfin un petit enthousiasme critique. Tout cela pour dire que la sauce n'a jamais vraiment pris avec cette itération de Jack Ryan, et que cette ultime saison 4 a tout de l'aveu d'échec.

Six épisodes au lieu de 8, plus aucune scène d'action de grande ampleur, aucun gunfight chorégraphié, à peine quelques petits bourre-pifs pour se dire bonjour et même plus d'antagoniste vaguement mémorable ou de complot clairement identifié, juste une opération anti-terroriste de routine... C'est tout ce que Jack Ryan trouve à faire pour son dernier jour au boulot : la routine. Jack Ryan pointe à 9h, boit son café (à la paille pour ne pas tâcher son sourire Colgate), trie ses mails, colle une bastos dans la caboche d'un vilain *insérer nationalité non-américaine*, prend ses cartons, recoiffe sa mèche impeccable et se tire à 18h tapante en lâchant un vague "bon bah salut hein" à ses anciens collègues.

Allez, ciao

SO LONG, SUCKERS

Pas de grand final explosif ni de mort dramatique en gros plan larmoyant, Jack Ryan le personnage sort par la petite porte sur une blagounette politique, et Jack Ryan la série se contente de cocher les cases de son cahier des charges. Malgré la vague promesse d'un spin-off consacré à Domingo Chavez, personnage chéri des lecteurs de Tom Clancy, l'introduction, ou plutôt, l'absence complète d'introduction de ce personnage par la série ne laisse place à aucun doute : plus personne n'y croit. Ni au présent ni au futur.

Visiblement lassés, ou peut-être aux pièces, l'équipe de production et les scénaristes se contentent d'accumuler les clichés du thriller d'espionnage géopolitique sans se soucier de renseigner un tant soit peu ou d'essayer de raconter quelque chose de notre époque. Tout l'inverse de ce qu'essayait de faire Tom Clancy en somme (d'ailleurs impossible pour nous de discerner quel roman est ici adapté).

Laissez moi vieillir en paix

Et à une époque où on peut compter sur Mission : Impossible pour en prendre plein les yeux ou sur La Diplomate pour appréhender les mécaniques de la diplomatie internationale, Jack Ryan n'est plus seulement archaïque, elle est tout simplement, indubitablement, spectaculairement ringarde.

Mais si l'équipe créative a troqué la flamme pour la flemme, personne n'a l'air de se faire aussi royalement chier que le casting. Si l'on excepte une certaine implication émotionnelle de Louis Ozawa Changchien, tout le monde a l'air d'être de corvée. En particulier John Krasinski, qui s'est sans doute demandé s'il n'avait pas reçu par erreur le script de Johnny English, et Michael Peña, qui prononce chacune des douze misérables répliques qu'on lui a filées avec l'entrain d'un standardiste de Pizza Hut.

Non mais sortez-le de là c'est plus possible, il va se suicider

la somme de toutes les erreurs

Dire que Jack Ryan est inregardable serait pour autant malhonnête. Bien qu'aussi divertissante qu'une salle d'attente chez le dentiste et à peine moins bête qu'un Call of Duty, Jack Ryan n'a pas de problème flagrant. Du moins, si ce n'est une espèce d'ahurissante opération de réhabilitation de la CIA pendant le climax final du dernier épisode en forme de procès, qui souligne mieux que jamais le patriotisme neuneu de toute cette entreprise. Ce qui n'est pas vraiment une surprise, moins à cause de Tom Clancy que d'une production apparentée au cinéaste coupable de 13 Hours ou Pearl Harbor.

Mais cela n'empêche pas Jack Ryan de souffrir d'un manque de caractère, de saveur, d'intérêt. Il n'y a aucune raison de se pencher sur cette série désespérément quelconque, dont la principale utilité nous semble être sa propriété soporifique en cas d'insomnie. De quoi la rapprocher encore un peu plus de la catégorie des Experts, de NCIS ou de Cold Case.

Gris sur gris sur gris

Ce qui ne manque pas de sel sachant qu'on nous présente à longueur de journée les plateformes de streaming comme la télévision du futur, avec des séries plus cinématographiques que jamais. Entre cette anomalie qui n'aurait pas fait tache dans les années 90 et le retour de la pub, le futur ressemble méchamment au passé.

Ainsi s'achève donc Jack Ryan, née dans l'opprobre et morte dans l'indifférence. Quatre saisons et cinq années pour rien, si ce n'est gâcher une belle opportunité de mettre à jour le travail d'un auteur minutieux qui avait à coeur de mettre ses vastes connaissances à profit du public. Certes pour lui raconter des histoires palpitantes, mais aussi pour lui révéler la délicate fragilité des équilibres d'un monde où rien ne peut se résoudre en tirant bêtement dans le tas. Bref, Hollywood, si vous nous lisez, c'est quand vous voulez pour donner les droits de Tom Clancy à Kathryn Bigelow.

La saison 4 de Jack Ryan est disponible en intégralité sur Amazon Prime Video depuis le 13 juillet 2023