Vortex : critique dans l'oeil du cyclone sur France 2

Matthias Mertz | 16 janvier 2023
Matthias Mertz | 16 janvier 2023

C'est le nouveau cador du service public français, son nom ? Vortex . Ce drame de science-fiction aux airs de Retour vers le Futur créé par Camille CouasseSarah Farkas et Franck Thilliez met en scène Tomer Sisley en flic blessé dans une enquête à cheval sur deux époques. Que vous préfériez chausser les crampons et hurler "Zizou" en 1998 ou la dépression technologique de 2025, il est temps de sortir sa pipe et sa loupe pour aller mener l'enquête dans la ville la plus effrayante de l'Hexagone : Brest.

Vas-y mon petit !

Vortex raconte une enquête contre la montre dans deux temporalités différentes connectées par un phénomène paranormal, permettant aux deux protagonistes de communiquer malgré les 28 ans qui les séparent. D'un côté, en 2025, Ludovic Béguin déterre l'affaire classée du meurtre de sa femme, Mélanie. Cette dernière essaye quant à elle d'échapper à celui qui l'assassinera quelques jours plus tard, au lendemain de la Coupe du Monde de football remportée par la France en 1998.

Et c'est une excellente idée déployée par Vortex que de se servir de cet évènement. En premier lieu, cela permet de rendre crédible cette année 1998 en la replaçant au plus près de son évènement le plus marquant dans l'Hexagone. Qui plus est, cette touche nostalgique permet également de rendre le récit encore plus anxiogène. Là où l'entourage de Mélanie est euphorique après les victoires successives de la France, cette dernière est à contre-courant puisqu'obsédée par la traque de son assassin, une façon créative de l'isoler autant que possible. Ce destin cruel, elle devra l'affronter seule, ou presque.

 

Vortex : photo, Camille ClarisUne petite ambiance Candice Renoir, pas pour nous déplaire

 

Mélanie est d'ailleurs l'un des deux personnages à porter la série sur ses épaules. Camille Claris parvient à l'interpréter avec brio dans son rôle de jeune mère à la vie professionnelle chargée devant contenir les insécurités d'un mari (le Ludovic de 1998, donc) soupçonneux . Effrayée à l'idée d'être oubliée par l'enfant qui ne la connaîtra jamais, désireuse de résoudre l'enquête de son propre meurtre, la tâche n'était pourtant pas aisée de parvenir à cocher toutes ces cases en seulement six heures de fiction.

L'autre étoile de la série est Zineb Triki, incarnant Parvana, une réfugiée afghane avec qui Ludovic Béguin se mariera après la mort de Mélanie. Ses parents étant décédés avant son départ d'Afghanistan, la jeune femme donne au récit ses plus grands moments d'humanité, mais aussi ses questionnements les plus acerbes. Elle qui a aussi tout perdu et qui s'est résolue à vivre avec le souvenir de ses proches est un contrepoint parfait à Ludovic, résolu à changer son destin.

 

Vortex : photo, Anaïs ParelloAnaïs Parello est (encore) une bonne surprise du côté des rôles féminins

 

Fausse série de sf 

Malgré un postulat ragoutant qui nous rappellera nos premiers émois devant Retour vers le Futur, Vortex ne saurait pourtant pas se prévaloir d'être une véritable série de science-fiction. C'est en réalité un polar articulé autour d'un élément fantastique, ce fameux vortex permettant à Ludovic et Mélanie de communiquer malgré les 28 années qui les séparent. Il n'est jamais expliqué (un parti pris possible, par exemple dans l'excellente série Misfits, dont on ne vous laissera pas dire qu'elle est trop rapidement partie en cacahuètes), mais pas non plus mystifié.

Quant au futur de Ludovic, celui-ci prend place en 2025. Un futur très proche qui ne s'exprime pas autrement qu'au moyen de quelques joujoux en réalité virtuelle ou de drones pas franchement convaincants. De quoi rester sur sa faim sur un aspect science fictionnel très timide, et surtout très fonctionnel, qui n'est de facto qu'une ficelle pour faire progresser l'enquête (et une excellente raison de donner à Tomer Sisley un look de baroudeur).

 

Vortex : photo, Tomer Sisley, Anaïs Parello"Tu crois qu'on peut empêcher Largo Winch 2 ?"

 

Plus que sa timidité, c'est aussi sa cohérence qu'il nous incombe de questionner. Il est toujours difficile de sortir les mains du panier de crabes que sont les récits temporels, qui finissent souvent par aboutir à des paradoxes insurmontables. Vortex ne fait pas exception. Lorsque Ludovic change son passé grâce à Mélanie, sa mémoire devrait être altérée (comme c'est le cas avec ses amis ou ses collègues). Pourtant, il parvient à se souvenir d'une réalité qu'il n'a de facto pas pu connaître. Pratique, puisqu’une situation plus cohérente où il aurait oublié sa famille n'aurait pas pu permettre au pathos de ce père qui a tout perdu de s'exprimer.

Le manque de cohérence ne s'arrête pas à ces détails techniques. Empêtré dans une enquête sur la mort de sa propre femme, dans un état de santé mentale préoccupant, sans respecter les procédures (ni ses collègues, sa famille, ou aucune forme d'éthique) et malgré ses disparitions incessantes, il continue de mener de l'enquête tambour battant. De quoi se demander, mais que fait la police ?

 

Vortex : photo, Tomer SisleySi vous vous demandiez, c'est de cette photo que l'affiche est tirée

 

Vrai polar moyen

Si Vortex n'est pas une grande série de science-fiction, difficile d'en dire que c'est par ailleurs un grand polar. L'utilisation du personnage de Mélanie est une béquille qui rend répétitif le scénario. Pour le décrire grossièrement, Ludovic trouve des suspects et des mobiles qu'il soumet à Mélanie, qui peut ensuite vérifier leur culpabilité de façon rétroactive. Une fois le suspect blanchi (puisque sa mise hors d'état de nuire ne change pas l'assassinat de Mélanie, constaté depuis l'année 2025), on passe à un autre et on recommence.

Plus généralement, Vortex s'affirme comme tristement prévisible. En tant que polar, mais aussi en tant que série de science-fiction. Le fait que Ludovic puisse perdre des fragments de sa vie en 2025 à cause des agissements de Mélanie en 1998 ne surprendra personne. La façon dont cette situation se produit, mais aussi sa résolution sont quant à elles un déjà-vu colossal. Une conclusion qui se généralise à l'identité de l'assassin, que nous ne dévoilerons pas ici évidemment. Nous nous contenterons d'en dire que contrairement à l'état de notre planète dans 28 ans, elle se voit venir à des kilomètres.

Vortex est disponible en intégralité sur france.tv et sur Salto depuis le 2 janvier 2023

 

Vortex : photo, Tomer Sisley, Camille Claris

Résumé

La promesse savoureuse d'une série de science-fiction inspirée s'efface devant un polar à l'exécution moyenne, facilitée par des ficelles scénaristiques évidentes. Un caractère feuilletonnant et la présence de quelques très bons rôles féminins permettent à Vortex d'être un divertissement correct.

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Lecteurs

(2.1)

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commentaires
Vicente
31/08/2023 à 16:33

Sorry but I really liked the show and Disagrre with some things
About the science fiction plot, it’s true that we are never given insight on why can the main character see Melanie and it is improbable that we will have this technology in two years but we are talking about a tv series it’s not real life( and I don’t think the show aims to replicate real life)
At least to me I think you need to have a little suspension of desbelief
About the thriller plot, if the identity of the killer was predictable that’s a very personal opinion of yours that you thought it was predictable I agre a little but I was also suspicious of other people in the series
About the show being repetitive with Madeline it would have been with or without her. The plot wasn’t repetitive because Mélanie needed to be saved and needed to jump to another suspect until she was saved the plot was repetitive because like in any other crime the police will only stop investigating the crime until the suspect is caught
So even if Ludo wasn’t meeting Mélanie in the VR the plot would still be ‘’repetitive’’ until they caught the suspect.
I really enjoyed the show and would recommend to anyone it’s really gripping and interesting.

jo la malice
12/06/2023 à 22:45

pas mal, de très bons acteurs, mais terrain glissant! trop d'incohérences! ça patine grave!

Arnaud59
23/01/2023 à 13:05

J'ai vu l'intégrale de la mini-série ce week-end.
J'ai trouvé cela très réussi. Je n'avais pas pensé aux incohérences des souvenirs du protagoniste par rapport aux changements effectués. Pour le coupable, hélas oui on le voit venir à des kilomètres, mais on doute tout de même sur quelques autres avant.
Ce n'est pas LA série de l'année mais ça nous parle beaucoup car chacun rêverait je pense à pouvoir changer le passé. Et pour une série diffusée sur le service public, d'habitude assez plan plan, je trouve que c'est assez audacieux.

Jen
19/01/2023 à 10:47

Je suis en général aussi assez critique à l’égard des séries françaises: cependant, Vortex m’a énormément plu, au delà des incohérences ou du côté prévisible que vous décrivez.Tout simplement parce que ce sujet parle à tous: qui, se sachant condamné, ne tenterait pas tout pour être sauvé, et qui encore, n’a pas un jour perdu un être cher pour qui il donnerait tout pour échanger avec rien que 5mn encore.Et la maman que je suis n’a en outre pu qu’être émue, à l’idée de s’imaginer comme Mélanie, ne pas pouvoir voir grandir ses enfants.Plus qu’un polar, c’est davantage l’aspect sentimental et dramatique qui nous prend aux tripes dans Vortex.Et si les rôles féminins ont été merveilleusement interprétés, celui de Ludo l’a été tout autant: il suffit de voir le comportement du personnage jeune et celui du plus âgé: le bon ton est mis, le jeune est plus fougueux, désinvolte, l’autre a la voix de la sagesse.Moi ils m’ont émue, et j’ai repensé à l’histoire durant plusieurs jours.Pour moi, c’est que c’est réussi.

leduk
17/01/2023 à 17:15

pas besoin de gros effets spéciaux pour faire de la SF, ,dépendant de la sf que tu veux faire.

Prisonnier
17/01/2023 à 14:17

Lost a un final parfait. Oui je suis le seul a le dire et le penser. Mais c'est pas grave lol

Dirhavel le Conteur
17/01/2023 à 07:19

Globalement d'accord avec votre critique, même si je nuance un peu votre agacement sur les incohérences. Comme vous, je fatigue devant les séries avec paradoxes temporels (Manifest...), qui s'emmêlent d'autant plus les pinceaux que les producteurs ont systématiquement pour projet de tirer le bazar sur autant de saisons que possible, avant de finalement jeter l'éponge avec un épisode final annoncé comme grandiose, mais forcément piteux (Lost...). À cet égard, Vortex évite l'écueil, moyennant quelques partis pris qui permettent aussi de concentrer l'action. Si les deux personnages principaux ne gardaient pas leurs souvenirs à chaque étape, l'enquête serait impossible ; et en même temps, si l'intrigue était vraisemblable, il n'y aurait pas de vortex, pas de paradoxe temporel, bref, pas d'histoire, n'est-ce pas ? Pour tous les autres petits détails irritants, cf. le budget, on connaît la chanson. J'ajoute mon poil à gratter à moi : je supporte aussi peu l'intonation traînante de Tomer Sisley que celle de Vincent Delerm et ce n'est pas peu dire. Mais bon, ça, c'est perso.

Ethan
16/01/2023 à 23:27

Très bien que vous en parlez car c'est vraiment une très bonne série.
De bons acteurs.
Le personnage de Mélanie est super.

Coralie
16/01/2023 à 23:26

J'ai adoré cette série.

Pleine de suspens et d'émotion.

Dire que Ludovic garde sa mémoire initiale est incohérent est impossible à affirmer, puisque personne n'a voyagé dans le temps pour le confirmer ou le démentir.

Aurélien
16/01/2023 à 23:07

Il faut donner plus de rôles à Anais Parelló, c'est une comédienne prometteuse.

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