The Handmaid’s Tale saison 5 : critique d'une insurrection sur OCS

Chloé Chahnamian | 14 novembre 2022 - MAJ : 14/11/2022 18:14
Chloé Chahnamian | 14 novembre 2022 - MAJ : 14/11/2022 18:14

Après l'immense première saison, forte de ses thèmes et de sa mise en scène, The Handmaid’s Tale s'est peu à peu essoufflée jusqu'à devenir une sorte de caricature d'elle-même. Adaptée du roman de Margaret Atwood et créée par Bruce Miller, la série nous plonge dans un enfer dystopique et foncièrement patriarcal que le personnage de June, campé par Elisabeth Moss, a réussi à quitter dans la quatrième saison. Après le pari risqué de quitter le lieu principal de l'intrigue, The Handmaid's Tale a redistribué les cartes en se séparant de son antagoniste. Ces sacrifices ont-ils été bénéfiques à cette saison 5 ? Peut-être bien que oui.

toujours la même histoire

Après deux premières saisons passionnantes, la dystopique The Handmaid's Tale, ou La Servante écarlate, a perdu de sa superbe alors même qu'elle avait tout pour plaire. Dans ce récit de science-fiction, le taux de natalité n'a jamais été aussi faible et la République de Gilead, État créé sur le sol étasunien, semble être la solution. C'est après ce coup d'État qu'on retrouvait June dans la saison 1, alors que sa fille lui avait été enlevée et que, sous la contrainte, elle était devenue une servante : une femme féconde dont le seul but est de donner naissance à un enfant pour le couple chez qui elle a été affectée, en l'occurrence le commandant Fred Waterford et sa femme, Serena.

Une fois la mécanique posée et les enjeux relevés, la série s'est malheureusement perdue en chemin et a commencé à se caricaturer elle-même. C'est donc avec lassitude qu'on découvre que la cinquième saison s'ouvre presque immédiatement sur un des fameux regards caméra de June, un gimmick incessant qui revient plusieurs fois par épisodes depuis quelques saisons, pour nous signifier la rage du personnage et son envie de révolution. Une révolution qu'on attend maintenant depuis cinq longues saisons.

 

The Handmaid’s Tale : Photo Elisabeth MossCe regard qui nous hante

 

Comme on pouvait s'y attendre, ce regard caméra n'est que le premier d'une longue liste et cette saison 5 de The Handmaid's Tale ne s'est pas débarrassée d'autres défauts récurrents. Encore une fois, les personnages secondaires sont inexploités. Moira et Rita semblent désormais faire partie du décor et leur temps d'écran est presque ridicule.

Le duo formé par Tante Lydia et Janine est bien présent, mais ces deux personnages complexes, aussi bien dans leur rapport à Gilead que dans leur étrange relation, sont relégués au second plan et leur présence devient assez anecdotique. Depuis quelques saisons, ces deux personnages en particulier semblent connaitre des sortes de "remises à zéro" d'une saison à une autre. Leur personnalité, leur avis et leurs ambitions changent constamment, comme si on retrouvait chaque nouvelle saison de nouveaux personnages. La relation toxique qu'elles entretiennent ne fait plus avancer le récit, au contraire, elle l'encombre.

 

The Handmaid’s Tale : Photo Madeline BrewerPersonnage trop secondaire

 

The Handmaid's Tale a encore et toujours du mal à se resserrer sur le nouveau cœur de son histoire, la relation entre ses deux grands personnages féminins, June et Serena. En refusant de se séparer de ces personnages devenus trop encombrants, la séquence du suicide raté en est la preuve irréfutable, la série nous perd avec tous ces personnages inutiles à l'avancée du récit et avec des intrigues secondaires sous exploités.

Esther, personnage joué par la jeune et surprenante Mckenna Grace, dont l'histoire tragique rappelle celle de June, est expédié malgré son grand intérêt. Entre accorder plus d'importance à ses intrigues secondaires et se focaliser seulement sur June et Serena, la série n'arrive pas à choisir.

  

The Handmaid’s Tale : Photo Ann Dowd, Bradley Whitford, Ever CarradineLe trio malaisant 


un nouveau souffle

Malgré la déception engendrée, la saison 4 a tout de même redistribué plusieurs cartes, notamment en extirpant June de Gilead, un pari risqué qui finit enfin par être récompensé. Après la fin presque grotesque de cette dernière saison, qui s'est conclue sur l'assassinat de Fred Waterford, l'antagoniste principal a disparu. La mort du personnage a été bénéfique puisqu'il a donc fallu trouver de nouveaux enjeux.

La grande idée de cette saison 5 a été de faire du Canada, terre d'accueil des réfugiés nord-américains, un nouveau lieu de persécution. Cette idée scénaristique forte est nourrie par une mise en scène maligne qui consiste notamment à constamment opposer les réfugiés et les habitants dans l'espace. Les termes de "no man's land" et de "zone neutre" font désormais partie du quotidien et les anciens de Gilead sont petit à petit confrontés à une nouvelle autorité, celle imposée par les Canadiens, gênés de leur présence. Partout où ils vont, ils sentent qu'ils ne sont plus les bienvenus. Insultes, manifestations contre les immigrés, émeutes, la menace s'est déplacée sur le sol canadien.

 

The Handmaid’s Tale : Photo O.T. Fagbenle, Elisabeth MossTôt ou tard, il faudra partir


Si la saison précédente avait souffert du départ de June de Gilead pour le Canada, cette nouvelle saison réussit à montrer les deux côtés de la frontière grâce aux personnages restés sur place. Le cœur de la série étant Gilead et les horreurs qui s'y trament, il était nécessaire de retrouver des connexions avec ce lieu et d'y amener de nouveaux enjeux, comme le nouveau Bethléem, une zone imaginée par le commandant Lawrence, dans laquelle les règles et lois de Gilead sont assouplies dans l'optique de rassurer la population mondiale et de convaincre les plus réticents.

La persécution du personnage d'Esther, ancienne épouse devenue servante, ainsi que sa résilience, rappelle celle de June. Il était nécessaire de retrouver un personnage interne à Gilead pour retrouver l'essence même de la série, malgré le départ de June.

 

The Handmaid’s Tale : Photo Mckenna GraceJune 2.0

 

Serena contre le monde

Cette nouvelle poignée d'épisodes permet surtout au personnage de Serena, toujours campée par Yvonne Strahovski, d'enfin prendre la place qu'elle mérite. Même si June reste le personnage principal de la série, comme le montre d'ailleurs le très bon premier épisode réalisé par Elisabeth Moss elle-même, The Handmaid's Tale rend enfin honneur à Serena, le personnage le plus passionnant et complexe de la série.

Comme d'autres personnages, Serena change souvent d'opinion et ses intentions sont rarement claires. Parfois compréhensive, parfois horriblement vicieuse, sa position par rapport à Gilead n'a jamais été très précise et son avis sur June non plus. Au départ toujours aussi endoctrinée, son rôle d'ambassadrice de Gilead semble lui convenir à merveille. Mais au fil des épisodes, la femme va enfin réaliser qu'elle a toujours été manipulée et que cette nouvelle responsabilité n'est qu'un nouveau moyen de la tenir à l'écart.

 

The Handmaid’s Tale : Photo Yvonne StrahovskiLa veuve noire

 

Si June et Serena gardent leurs distances au début de la saison et cultivent de leur côté la haine qu'elles entretiennent l'une pour l'autre, elles vont finir par s'affronter. Après avoir été montrées à plusieurs reprises de part et d'autre d'une vitre, pour insister sur leur appartenance à deux mondes bien différents, les deux femmes se confrontent de manière frontale dans le poignant épisode 7.

Il faudra attendre un événement aussi puissant qu'un accouchement pour que Serena prenne enfin conscience de la dangerosité de la société qu'elle a toujours défendue et dont elle a été le visage. Enfermée dans une nouvelle configuration restrictive, Serena va petit à petit devenir une servante, ou presque. Comme June à l'époque où elle vivait chez elle, Serena est contrainte, enfermée et exploitée.

 

The Handmaid’s Tale : Photo Yvonne StrahovskiTout pour son bébé

 

Si le spectateur peut éprouver une sorte de satisfaction à voir Serena dans ce nouveau rôle qu'elle a tant défendu, on se réjouit surtout de la voir enfin se rendre compte de la position infâme imposée aux servantes par Gilead. Enfin, Serena promet de changer de camp et de se battre contre la société qui l'a endoctrinée et abusée depuis tant d'années. Anciennes ennemies, June et Serena pourraient enfin s'allier et anéantir Gilead, une promesse qui, on l'espère, sera tenue.

La saison 5 de The Handmaid's Tale est disponible en intégralité sur OCS depuis le 14 novembre 2022

 

The Handmaid’s Tale : affiche française

Résumé

Les nouveaux enjeux de la saison 5 insufflent un nouveau souffle à The Handmaid's Tale qui, malgré de grandes promesses, a encore du mal à recentrer son récit sur l'opposition entre June et Serena et s'embourbe donc dans des sous-intrigues aussi inexploitées que les personnages secondaires.

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Lecteurs

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commentaires
Vévé
29/03/2024 à 14:42

Gros et seul reproche que j'aurais à faire à cette série, c'est le choix de l'actrice qui incarne le personnage principal: Trop âgée.

Nonanar
28/01/2024 à 09:19

Vrai aussi que les doctrines sont des caricatures d'elles-mêmes,
Série qui rappelle à quoi sert les frontières et sur quoi elles reposent...

Chacha
14/06/2023 à 07:41

Purée le regard d'Élisabeth Moss je ne le supporte plus. Je ne la supporte plus. Elle qui était magistrale au début. Là on sombre dans le grotesque, avec des rictus sur joués. Ça sonne faux. On l'a voit trop en gros plan. En effet on regrette que les persos secondaires soient inexistants. Like a le charisme d'une huître. Seule bonne surprise le couple wheeler avec l'acteur de Raising hope qui est très bien ! Bref l'intensité dramatique n'est plus à la hauteur c'est lassant. Il faut savoir arrêter les séries hein...

pop
17/11/2022 à 16:01

@Hazel un fan des accouchements ?

pop
17/11/2022 à 15:59

Saison 5 du visage à mimique dégouté et dégoutant. Du réchauffé.

Miss M
16/11/2022 à 15:39

Le regard qui vous hante au début de cet article est ce qui m'a définitivement lassée de l'actrice Elizabeth Moss.... Elle ne sait faire que ça depuis plusieurs séries et film où elle campe invariablement une femme bafouée et pétrie (à des nuances et degrés divers) de haine des hommes. Ouais, bon, bof... Je n'ai même pas encore mis un pied dans la saison 5, tant les longueurs incessantes des 2 dernières saisons m'ont échaudée.

Pinote
16/11/2022 à 11:49

Les saisons 2 et 3 n'auraient du faire qu'une seule saison. Sinon, comme toutes les séries, c'est inégal. C'est trop long une saison de 10h, le format commence à me gonfler.

Jusko
16/11/2022 à 09:47

Saison décevante, une fois de plus. Je suis d'accord avec la critique de EL, cette série n'est plus du tout au niveau des deux premières saisons. Si la mise en scène reste soignée, le scénario est devenu médiocre par son aspect caricatural (June qui, telle une Michael Myers sous stéroïdes, résiste à tout sans broncher, et qui est à la limite de commander les opérations militaires des USA ; Lawrence qui ne cache plus tellement ses machinations à ses ouailles, qui s'en foutent complètement d'ailleurs ; Serena, qui était pourtant une prisonnière de guerre au début de la saison, décide tranquillement de rester à Gilead...), et inconstant (où passe Esther pendant la saison ? Et Moïra ? "L'intrigue" entre janine et lydia n'a représenté que 4 scènes environ). En définitive, il est dommage que la série ne sache plus quoi faire de ses personnages et qu'elle se repose sur ses acquis au lieu de continuer à explorer les rouages de Gilead, alors que c'est ce qui faisait en grande partie l'intérêt des deux premières saisons (c'est d'autant plus dommage que les apports des Testaments ne soient pas mobilisés).

Tom’s
15/11/2022 à 21:22

Décrochage pour moi depuis au moins deux saisons, devenue poussif, et je trouve le jeu de Moss en est le symptôme, il faut qu’elle arrete de jouer les victimes revanchardes, sachant qu’il y’a aussi Invisible Man qui exploite ça aussi ça fait too much.

Hazel
15/11/2022 à 15:38

Par ailleurs, cette saison contient une scène d'accouchement très réaliste, ainsi qu'une vraie scène d'allaitement. C'est très suprenant de voir Yvonne se prêter à cet exercice, mais c'est absolument génial!!! Bravo au réalisateur!

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