The Guardians of Justice : critique qui réinvente Batman et Superman sur Netflix

Lucas Jacqui | 3 mars 2022 - MAJ : 03/03/2022 12:33
Lucas Jacqui | 3 mars 2022 - MAJ : 03/03/2022 12:33

Passionné de comics, Adi Shankar s'est fait un nom en produisant des fan-fictions puis des longs-métrages comme Dredd ou The Voices. Avec Netflix, il crée et produit en 2017 la série animée Castlevania basée sur le jeu du même nom. Le voici maintenant aux commandes de sa propre série super-héroïque qu'il a produite, écrite et réalisée, The Guardians of Justice avec Denise Richards (Starship Troopers) et Will Yun Lee (Altered Carbon). La série surprend en multipliant les styles visuels donnant lieu à un délire qui réinvente la Justice League de DC en mode série B au risque d'en devenir une.

fan au volant, gare à tes dents

Adi Shankar est un adepte des fans-fictions puisqu'il en a plusieurs à son actif, dont une qui avait fait du bruit sur internet à sa sortie en 2012, The Dirty Laundry. Ce court-métrage suit un homme à la laverie aidant un enfant victime de voyous en les tabassant, le justicier s'avérant être le Punisher de Marvel. Pour incarner le tueur de criminels, c'était Thomas Jane qui avait repris son rôle après le mauvais Punisher de 2004, laissant espérer que l'anti-héros revienne en film tant le court-métrage lui faisait honneur.

 

The Guardians of Justice : photoVous les connaissez tous sans avoir vu la série

 

Avec The Guardians of Justice, Shankar a toutes les clés pour faire ce qu'il a toujours rêvé, réécrire Superman, Batman, Wonder Woman, et même Spider-Man dans un seul projet. Reprenant tous les codes de l'univers DC, essentiellement, avec la Justice League au complet et sa base dans un satellite, des ennemis emblématiques comme le Joker ou l'Homme-Mystère, des organisations criminelles telles que Hydra ou Cobra de G.I. Joe, la série frôle le plagiat en allant jusqu'à mettre des designs de personnages connus dans ses arrière-plans.

Les costumes à peine changés et les noms modifiés de quelques lettres (Laura Louis, la Loïs Lane de Denise Richards) ressemblent à des enfants vous tirant la manche pour vous montrer quelque chose du doigt. Tous ces clins d'oeil font sourire et viennent surtout montrer le décalque de l'univers DC qu'incarne The Guardians of Justice. Ceci sert l'intention de Shankar qui a voulu créer sa propre histoire de la Justice League, faisant de sa série la fan-fiction ultime.

 

The Guardians of Justice : photo

Reconstitution de Batman soutenant Warner

 

Justice league : fan cut

On a donc Superman Marvelous Man, un alien aux pouvoirs surhumains ayant mis fin à la Troisième Guerre mondiale, devenu un dieu vivant aimé de tous. Pourtant, coup de théâtre, l'homme le plus puissant de la Terre se suicide en direct à la télévision avec la seule balle pouvant le tuer. Knight Hawk, le Batman de 65 ans de cet univers incarné par un adepte des séries B Dallas Page, se met à enquêter alors que le monde, sans son protecteur, menace de sombrer dans la guerre nucléaire. Tout le monde est suspect, même les Gardiens.

L'histoire de The Guardians of Justice tient la route principalement parce qu'on établit les parallèles entre cette série policière super-héroïque et l'univers DC. On ne voit pas Awesome Man et Golden Goddess qui s'affronte, mais Shazam et Wonder Woman. La série est un pur délire de fans pour les accros du genre. Le problème est que son intrigue ne vit que par ça. Si on croit en Knight Hawk et son désir de venger son ami, ou en ses capacités d'enquêteur, c'est parce qu'on y voit Batman et son amitié avec Superman. Ainsi, les origines des différents Gardiens et de leurs pouvoirs sont à peine expliquées, voire complètement zappées, car la série considère que l'on connaît le matériau dont elle s'inspire. 

 

The Guardians of Justice : photo, Will Yun LeeSuper-pas-la-forme

 

The Guardians of Justice s'écarte ainsi d'une partie du public peu connaisseur de Shazam ou Flash. Malgré tout, cela permet à la série de soulever des points sur ces super-héros cultes. Par exemple, le fait que Superman culpabilise de ne pouvoir aider des personnes en danger s'il dort, ou de s'intéresser à l'idée que les justiciers côtoient la violence au quotidien, les conduisant à chercher refuge dans la drogue. Cependant, trop de personnages restent à la place de figurants ne servant qu'à incarner une nouvelle référence. Un choix décevant quand on voit que des scènes de flashbacks reviennent pour raconter plusieurs fois la même chose.

Le récit donne cette impression d'une histoire issue d'une conversation de fans imaginant une vie à leurs héros. Déstructurée, hachée, l'histoire principale est bourrée pour tenir en sept épisodes passant petit à petit de 20 minutes à plus de 30 minutes. Les enjeux sont là, les rebondissements aussi, mais le tout est épileptique et obligé d'utiliser à outrance des extraits de faux reportages et interviews (parfois les mêmes quand il s'agit de présentateurs étrangers à qui des sous-titres différents sont attribués) pour raconter l'escalade des événements. La série ne se repose que trop rarement pour laisser souffler les super-héros dans des scènes plus calmes.

 

The Guardians of Justice : photoKnight Hawk prenant sous son aile son futur sidekick

 

le youtube poop des comics

Ce qui fait que Guardians of Justice est un pur ovni dans le catalogue Netflix c'est sa direction artistique qui peut se résumer à "tout mettre jusqu'à ce que ça déborde". Il suffit de voir la bande-annonce pour se demander ce qu'on vient de voir. Est-ce que la série tient ce rythme tout du long ? Oh que oui ! Pas une scène n'est similaire à celle qui précède et lui succèdera, donnant lieu à un montage complètement délirant appuyé par des bruitages cartoonesques. Le créateur de la série a voulu mettre tout ce qui l'inspirait, peu importe si cela fait sens.

On se retrouve ainsi avec des séquences en pixel art, puis de l'animation japonaise reprenant les visages de Dragon Ball Z, de la 3D, des maquettes, de la pâte à modeler, du montage d'images d'archives, tout y passe, souvent avec beaucoup de réussite et de soin. Les combats affichent des barres de vie, tandis que certains affrontements font apparaître des impacts façon comics, alors que d'autres ajoutent des effets d'animations imitant les Looney Tunes sur les acteurs. Le tout dans un déluge de gore montrant toute la liberté créative qu'a eu la série. Si la narration est sous coke, le montage et les visuels sont sous acide.

 

The Guardians of Justice : photo, Dallas PageQuand ton casque a fondu au micro-ondes

 

À l'image de son montage, le casting offre des performances en roue libre. Dallas Page donne tout en ersatz de Batman vieillissant et donneur d'ordres, au point d'être régulièrement dans le surjeu. C'est de toute façon le cas de beaucoup des acteurs et actrices venus de films oubliés qui peinent dans des décors pauvres ou des fonds verts. Will Yun Lee est l'un des plus justes en Marvelous Man cachant ses failles derrière les muscles hypertrophiés de son costume. La plus grosse surprise du casting est de voir RJ Mitte (Walter White Jr dans Breaking Bad) dans le rôle d'un anti-héros aux scènes parmi les plus réussies. Dans l'ensemble, le casting ressemble au rassemblement des guests de conventions.

Pour autant, si on rentre dans le délire, The Guardians of Justice est amusant, mais frustrant. Sachant que vous ne savez pas à quelle sauce sera mangée la prochaine scène, on peut avoir une bonne surprise avec une animation dynamique et épique, comme tomber sur une séquence en mode première personne mal filmée et dans un décor vide. Terriblement inégale, l'image de la série de Adi Shankar pèche surtout dans les scènes de dialogues avec des acteurs.

 

The Guardians of Justice : photoNe jamais mélanger les drogues

 

tarte au kitsch

Faite dans des décors assumés comme étant en carton, avec des acteurs dans des costumes en papier machés, la série revendique son côté fan made et kitsch. Cependant, des scènes inondées dans la fumée et la lumière de néons peuvent faire suite à des incrustations de qualité ou de bonnes idées de montage. Volontairement nanar par moment, mais mettant les moyens dans d'autres, la différence d'attention à la qualité fait surtout ressortir ce que la série n'a pas pu se permettre. Enchainer la représentation d'un personnage stylisé façon comics avec un plan d'un acteur maquillé par arrosage de peinture, ça vous brise la rétine et l'émotion d'une scène.

 

The Guardians of Justice : photo

Les plus folles théories entourent la présence du figurant torse nu

 

Adi Shankar n'est pourtant pas un manche pour faire preuve d'inventivité malgré le manque de moyens. Il suffit d'aller regarder son court-métrage Truth in journalisme qui reprend l'idée du film belge C'est arrivé près de chez vous. Le personnage de Benoît Poelvoorde y est remplacé par Eddie Brock, l'hôte du symbiote Venom, se faisant filmer par une équipe de tournage alors qu'il intervient sur des scènes de crime. Malgré le budget serré, Venom apparaît dans une mise en scène de qualité jouant sur le hors-champ et le noir et blanc.

Cette créativité n'existe pas dans les scènes en live action de The Guardians of Justice qui ne cherche pas à cacher que tout tient avec du scotch, empêchant de rentrer dans cet univers. La frontière entre le nanar voulu et les rattrapages en post-prod est ténue, et on se demande de quels côtés se trouve la série quand on est face à des scènes réutilisant trois fois le même plan. Heureusement, la roulette russe des variétés des styles visuels donne envie de continuer de regarder, même si on reste déçu qu'il n'y ait pas plus de créativité dans le style home-made.

 

The Guardians of Justice : photo, Adi ShankarAdi Shankar

 

The Guardians of Justice reste une proposition complètement folle dans le catalogue Netflix et rappelle l'excellent et tout aussi barré court-métrage Kung Fury et le traitement des super-héros dans Kick-Ass, Brightburn et The Boys. La série est une lettre d'amour à l'univers geek qui montre bien à quel point le terme ne veut plus rien dire tant il englobe de médias. Manga, jeux vidéo, nanars, comics, séries, dessins animés, toute la culture des années 80 à nos jours s'y trouve.

Pourtant, bien que copie low-budget de DC et Marvel, la série offre dans ses derniers épisodes des moments forts sur des sujets trop peu traités dans les films super-héroïques. Contrairement à ses modèles, le show de Adi Shankar va jusqu'au bout de son idée et n'est pas bloqué par un besoin de retourner à un statu quo pour ses personnages.

The Guardians of Justice est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 1er mars 2022.

 

Saison 1 : Affiche officielle

Résumé

The Guardians of Justice est la fan-fiction ultime, libre et sans retenue. Cela en fait autant ses forces que ses faiblesses, car les intentions sont bonnes, raconter une Justice League like en péril, mais l'exécution rend un milkshake grumeleux qui déborde de choses à montrer et à dire. Adi Shankar a sûrement réalisé avec passion un rêve qui risque d'être vu que par ceux prêts pour ce trip geekesque.

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commentaires
mansé
28/05/2022 à 00:12

on veut nous en mettre plein la vue. mais c bidon et pathétique. tout le monde veut réaliser la même chose en s'affirment authentiques, faites autre chose que repomper les années 80 90 00.
avec tant de nullité en plus. à quand un remake de hotshot où y'a t'il un pilote dans l'avion où encore alerte à la moussaka géante (ouais!vous connaissez j'espère )où encore mieux une nouvelle trilogie Austin Power, enfin bref un truc marrant. Jim Carrey fait quelques chose.

Omegaton
18/03/2022 à 23:19

c'est d'une nullité....lourd, total série b, les acteurs ont les sent pas sérieux, le côté cartoon toutes les 30sec c'est plus que relou, et ça plagiat à fond tout le long, non mais même Watchmen à fait mieux...

Gundark
13/03/2022 à 16:01

Je suis étonné que dans l'article à aucun moment il y a la référence watchmen qui est pompé au niveau de l'intrigue et du style, un héros meurt une enquête est mené et finalement le méchant agi pour le bien de l'humanité... C'est dommage il y avait possibilité de faire des milliers de scénarios différents .. et non ce n'est pas juste un clin d'œil !!
...Après oui c'est un fan film très amélioré.. et ça m'a fait plaisir de le voir car contrairement aux licences Marvel et DC.. on rentre dans le vif du sujet sans se taper 3 films pour expliquer les origines d'un seule personnage,..

Jemmy
09/03/2022 à 21:36

J'ai regardé jusqu'au bout, ou plutôt, je me suis forcé à subir jusqu'au bout.
On dirait que c'est fait par un groupe d'étudiants dont les idées ont juste été jetées en vrac un soir de boisson tellement ça n'a ni queue ni tête. Je ne sais pas ce qui m'a le plus gâché l'intéret, entre
- le visuel qui ne sait pas se décider et qui transitionne n'importe comment entre du pixel art ou de la claymation en passant vite fait par des animations 2D et 3D très inégales
- les "clins d'oeil" aux super héros aussi subtils qu'un massage avec 100 kilos de parpaings pour ne strictement RIEN EN FAIRE ni de narratif, ni de comique ou même a peine interessant
- la pauvreté du scénario global qui est du vu et revu, mais en plus mal fait.. sincèrement, j'ai vu mieux même dans les pires fanfics que j'ai croisé sur le net.
y'a que quelques rares scènes à peu près bonnes a sauver, mais ça fait pas une série. Aucune irrévérence là dedans, juste du mauvais name dropping sans envergure.

Melta
06/03/2022 à 19:11

À tous ceux qui pensent que The Boys est irrévérencieux vous vous trompez. c'est une bonne série mais clairement c'est propre, calibré pour les bobos qui trouvent les films Marvel Fast Food parce que c'est dans l'air du temps. (Oublié pas quelle entreprise est derrière cette série hein). Bref tout ça pour dire que vous avez 40 ans de retard environ:
Cf : Watchmen et The authority (à peu près 20 ans pour ce dernier).

bibi15855
05/03/2022 à 20:30

"Hermine a tort" commentez la série au lieu de chercher les fautes des gens qui n'ont pas aimé.
certes série a petit budget ça part dans tout les sens les acteurs ont le charisme d'une huitre pas fraiche, ça essaye de faire du the boys mais en version YouTube dans le fond la série a des idées intéressantes mais devient très vite ennuyeuse et trop bordélique
Trouver ça sur une chaine YouTube a la limite je comprend tout a fait mais sur Netflix (en payant un abonnement) NON
et franchement les clichés ça me soule vite
bon le point positif le coté retro année 80 que j'ai bien aimé

Johndoe
05/03/2022 à 13:45

J'ai arrêté également de regarder cette série à la moitié du 2ème épisode. Comparé à The Boys, The Guardians of Justice ne vaut pas un clou à mes yeux et on s'ennuie ferme.... La narration, les effets spéciaux, le mélange des genres cinématographique et jeux vidéos (Watchmens, Mortal Kombat, DC Comics et j'en passe), tout ça mélangé dans un joyeux bordel avec un budget ultra limité j'imagine, à moins que ce ne soit un parti pris... A mon avis, il n'y aura probablement pas de saison 2 parce que à mes yeux, cette série est une bouse qui essaie juste de tenter de marcher sur les plates bandes d'Amazon (The Boys) mais sans y réussir.

ypikaye
04/03/2022 à 16:52

PS : comparer cela à l'excellent The BOYS, ne me semble pas totalement pertinent du point de vue du budget et du staff technique et scénaristiques. TGOJ c'est une fan-fiction déconnante qui dézingue les classiques dans un plagiat ultra-irrévérencieux pour un budget bien moindre. C'est un autre "concept" qui ne joue à armes égales. The Boys égratigne proprement avec une sophistication bourgeoise là ou GOJ fait dans le trash punk crasseux. Je dirais presque que cela se complète.

ypikaye
04/03/2022 à 16:18

C'est rare que je prenne la clavier.
Mais j'avoue que j'ai passé un excellent moment, à la saveur geek décomplexée, avec ce The Guardians of Justice. J'ai adoré le mélange des styles, le côté "fait à la maison" qui permet de nous faire travailler notre imaginaire personnel, le fond irrévérencieux mais finalement presque original, le traitement presque réaliste des surhommes, l'inventivité qui surpasse avec talent la platitude par facilité bancaire d'un Disney, ainsi que l'hommage rock'n roll aux grands mythes.
Finalement, le fonds punk et la forme fauchée l'emporte sur le CGI à grand coup de dollars et le fonds sans envergure ni audace des productions hollywoodiennes. Alors bien évidemment difficile de voir cela au cinéma, mais la pépite iconoclaste, à double fons de lecture, s'avère parfaite au format d'un Netflix.
Ca pique mais ça REVEILLE !

Rod
04/03/2022 à 00:37

j'ai adoré :) (pas le temps d'écrire, balek de convaincre)

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