Alger confidentiel : critique de barbouze sur Arte

Lino Cassinat | 17 février 2022
Lino Cassinat | 17 février 2022

Figure aussi crainte pour ses prises de positions tranchées que reconnue pour la qualité de ses productions, le scénariste Abdel Raouf Dafri revient avec une nouvelle création : la mini-série Alger confidentiel. Mais l'auteur derrière les deux films sur Jacques Mesrine et césarisé pour le scénario d’Un Prophète peine à convaincre.

L'HISTOIRE SANS DÉBUT

Alors qu'une vente d'armes doit avoir lieu entre l'Allemagne et l'Algérie, le vendeur allemand est enlevé à Alger par un groupe rebelle, qui le tient en otage quelque part dans le maquis algérien. Ralf Elley, inspecteur de police rattaché à l'ambassade d'Allemagne en Algérie, mène tant bien que mal son enquête sur fond de corruption, manipulation, trafic d'armes, amours interdites et vengeances personnelles.

Si l'on admet une distinction entre récit et histoire en définissant le premier comme "de quoi on parle" et le second comme "qu'est ce que l'on raconte", le problème principal d'Alger confidentiel devient saillant : c'est une mini-série qui parle beaucoup - trop même -, mais ne dit ou ne raconte pas grand-chose voire rien. Emberlificoté dans une intrigue plus classique tu meurs et pourtant rendue difficile à suivre par l'abondance de personnages, de dialogues et le manque de clarté de l'exposition et des enjeux, le spectateur ne mettra pas plus d'un épisode à s'ennuyer.

 

Alger confidentiel : photoDans les rues d'Alger

 

C'est un exemple tout bête, mais qui n'en demeure pas moins parlant : au coeur du scénario et tenant lieu d'incident déclencheur principal, on trouve un groupe de rebelles en lutte contre le pouvoir en place. Soit. Mais quelles sont exactement leurs revendications, en dehors de vouloir renverser le pouvoir ? On sait juste qu'il ne s'agit pas d'un groupe islamiste et qui a donc un but politique, mais quelque part cela vient renforcer le problème d'Alger confidentiel : c'est un thriller qui se veut politico-pamphlétaire sur les magouilles maquillées en raison d'état et les idéaux souillés par le sang, mais ne fait jamais de commentaire au-delà du simple "tous menteurs, tous pourris".

Peut-être est-ce un manque de la part d'Alger confidentiel, peut-être est-ce au contraire une volonté d'universaliser son récit qui la pousse à ne jamais détailler son contexte, ni jamais ô grand jamais verbaliser, montrer ni même évoquer les causes pour lesquelles les personnages se battent. Mais toujours est-il que l'effet est le même dans les deux cas : impossible de s'investir dans un récit sans point de vue ni sujet clair, qui se veut aussi politique, mais ne présente jamais les motivations des multiples camps en présence, et qui sont éminemment politiques.

 

Alger confidentiel : photoAu service de l'Algérie

  

ENNUI CONFIDENTIEL

Comment dès lors faire ses choix en tant que spectateur ? Comment ressentir une quelconque émotion ou émettre une quelconque réflexion si l'on ne sait pas si l'on doit se réjouir ou s'attrister de la mort ou de la victoire d'untel parce que l'on ne sait pas précisément pourquoi ils se battent et que tout le monde a recours aux mêmes méthodes peu scrupuleuses ? Tout le monde se retrouve à égalité dans cette histoire sans sujet, et donc, tout nous devient égal.

Alger confidentiel tentera bien vainement de raccrocher les wagons dans une ultime image faisant référence directement à Abdelaziz Bouteflika, mais c'est bien trop tard pour commencer à formuler un début de propos ou prendre une position quelconque. Alger confidentiel est écrasé par son cynisme blasé aussi inoffensif que gratuit, mais on pouvait espérer se rabattre sur l'appréciation d'éléments plus matériels du polar.

Malheureusement, le travail d'ambiance et la tension d'Alger confidentiel ne font jamais mouche, la faute à une réalisation molle et atone, comme si chaque plan avait été travaillé pour livrer l'image la plus neutre et la moins dramatique possible. 

 

Alger confidentiel : photoÀ la recherche du sens

 

Alors, ce n'est certes pas inregardable, loin de là, mais c'est terriblement factuel et fade, le tout mâtiné d'effets spéciaux et de séquences d'actions bancales, en plus de faire ressurgir l'indigence totale des personnages qui composent ce récit sans vie, tous racontés au travers de flashbacks aussi lourdingues qu'intrusifs.

En revanche, si Alger confidentiel n'est pas inregardable, elle n'est pas loin d'être inaudible, la faute à des dialogues extrêmement littéraires et sonnants plus faux qu'un meeting de Valérie Pécresse, comme si chaque réplique était un vers de poème dont il fallait prononcer toutes les lettres bien distinctement et sans faire aucune contraction.

Cette remarque ne vaut évidemment que pour les dialogues en français, l'auteur de ces lignes ne parlant pas l'arabe et très mal l'allemand, mais cela en dit long sur le problème : ça passe mieux quand on ne comprend pas ce que les acteurs se disent ou quand ils se taisent, surtout quand en plus ils jouent aussi mal. À l'exception des seconds rôles excellemment tenus par Dali Benssalah, Hammou Graïa et Raphael Acloque, tous les trois intenses, sombres et menaçants, la prestation du casting est franchement limite.

Alger confidentiel : photoFallait pas voyager en American Airlines

 

Il faut ajouter par-dessus ce manque criant de naturel quelques personnages justement proches de la stupidité crasse et quelques péripéties si grossières qu'on hésite entre la facilité d'écriture et le manque de relecture. Difficile de croire qu'on ne regarde pas une scène d'OSS 117 ou Au service de la France quand un personnage - qui ne sait certes pas écouter à ce moment précis, mais se sait tout de même surveillé en général - beugle dans son téléphone l'heure exacte et le lieu précis de son prochain rendez-vous top secret à son interlocuteur... qui le savait déjà.

Pourquoi dire "je serai bien à tel endroit à telle heure" alors que n'importe qui d'un minimum discret dirait "je serai bien au rendez-vous prévu" si ce n'est pour que le protagoniste entende une info cruciale absolument fortuitement ? D'où vient ce manque de rigueur ? 

La tradition française du polar a longtemps été la dernière place forte du genre - même s'il vaut mieux chercher les Melville modernes en Espagne - mais Alger confidentiel apporte une preuve de plus que l'audiovisuel français n'a toujours pas retrouvé son savoir-faire. La prochaine fois on ira à L.A. ou au Caire confidentiel.

Les deux premiers épisodes d'Alger Confidentiel seront diffusés à 20h55 sur Arte le 17 février. La série est déjà disponible en intégralité sur Arte.tv

 

Alger confidentiel : photo

Résumé

Évasif, cliché et fade, Alger confidentiel parle beaucoup pour ne rien dire. Une mini-série pas insupportable, mais clairement ennuyeuse et techniquement bancale, dont la principale qualité est de n'être composée que de quatre épisodes.

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commentaires
Jacouille
21/02/2022 à 01:50

Arte qui est chaîne sérieuse se rabaisse au plus avec cette série plus médiocre !!!!

Evy
20/02/2022 à 18:26

Pas d'accord.
J'ai trouvé cette série assez courageuse et vivante avec des acteurs excellents.
Contrairement aux séries francaises banales et habituelles balancées sur la 2 ou la 3

GERO
19/02/2022 à 10:15

Il ne faut quand même pas exagérer, le téléfilm n'est quand même pas mal, et les acteurs se distinguent, excepté peut être les terroristes dans les monts de Kabylie, mais ce ne sont que des acteurs certainement employés sur le tas, des figurants, moi je trouve que les principaux personnages ont étés parfait, l'histoire effectivement commence a prendre forme lorsque l'on voit le président encadré , mais la critique est un peu abusive.

Oss117
19/02/2022 à 00:04

Nul a chier

Amara
18/02/2022 à 23:31

Pourquoi chercher un ver dans le fruit. Je ne vois qu'une simple série cinématographique et rien d'autre. Alors assez de polémiquer sur tout.

Tizinoble
18/02/2022 à 10:59

on ne peut pas parler de l'Algérie quand on y pas vécus, ce film ne reflète pas la réalité du pays c'est de la fiction .
c'est dommage pour ceux qui ne connaissent pas l'Algérie.
la date choisit pour diffusé le film a une intonation Très politique à creuser!

Vision
18/02/2022 à 05:25

game of throne a lancé la mode des scènes porno dans les séries.
Mais ici le sexe ne sert qu'à dissimuler l'absence de cohérence de cette série.

Faurefrc
18/02/2022 à 00:59

À mon (très) humble avis Abdel Raouf Dafri est simplement un mec talentueux qui a besoin d’être encadré, drivé . Un Prophète y a quand même Audiard derrière...
Quand Abdel gère Braquo... on va pas se mentir, c’est la cata.

Titi
18/02/2022 à 00:20

Très belle série

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