Les Irréguliers de Baker Street : critique misérablement élémentaire sur Netflix

Camille Vignes | 1 avril 2021 - MAJ : 01/04/2021 17:29
Camille Vignes | 1 avril 2021 - MAJ : 01/04/2021 17:29

Après la série Sherlock avec Benedict Cumberbatch et Martin Freeman, les films de Guy Ritchie avec Robert Downey Jr. et Jude Law, et Enola Holmes avec Millie Bobby Brown, Henry CavillSam Claflin et Helena Bonham Carter (racheté aux salles obscures pour le sauver du naufrage pandémique), Netflix tourne une nouvelle fois autour du célèbre détective et des âmes qui croisent sa route avec Les Irréguliers de Baker Street. Une série en huit longs chapitres, plongeant dans un Londres victorien fantasmé grâce à des intrigues fantastiques aussi nombreuses que bancales.

DOCTOR WHO ?

À part son nom très évocateur, repris effrontément au canon holmésien, certainement dans l’unique but d’attirer quelques clics rémunérateurs, il n’y a que de maigres points d’accroche qui rapprochent réellement les enquêtes des Irréguliers de Baker Street à celle de Sherlock et de son cher Watson. En fait, outre les noms de deux fameux lurons enquêteurs, de Mycroft (évacué de l’intrigue aussi rapidement qu’il y avait été intégré) et du 221 B Baker Street, il ne reste à peu près rien de l’œuvre bien connue d’Arthur Conan Doyle.

De la vivacité d’esprit agaçante du célèbre détective, ne subsiste plus qu’un esprit fumeux, endormi par les vapeurs des drogues ingurgitées à longueur de journée pour oublier son amour perdu, disparu dans un portail interdimensionel lors d’une enquête foireuse, son auto-flagellation légendaire née d’avoir abandonné ses filles (adoptive et naturelle), ainsi qu’une queue de cheval, dans les flashbacks, une tête rasée et quelques tatouages dignes des meilleurs punks à chien. Après moult teasing étouffe-chrétien, on en viendrait presque à regretter les premiers épisodes, certes dénués de Sherlock, mais n’abîmant pas son image au point d’en faire ce chien rampant sans cervelle.

 

photo, Royce Pierreson, Henry Lloyd-HughesTrinquons à notre amour, tu veux ?

 

Et si vous vous demandez où est l’intérêt d’un tel assassinat, n’attendez pas de pouvoir retrouver l’équilibre avec le reste des personnages, à commencer par le Docteur Watson. La recette de son ratage était apparemment élémentaire : il suffisait de mettre en toile de fond un amour caché (qui masque mal la raison de son existence…) et le tour était joué. Ainsi, vous vous retrouvez devant un compagnon transi d’amour pour son colocataire et qui nourrit une jalousie toute destructrice pour sa femme, un homme dépourvu lui aussi de tout esprit d’analyse et présenté comme le bad guy pendant une partie de la saison (mais bon, comme on ne sait pas trop quoi faire de ça, on l’évacue rapidement aussi).

Devant ce duo de folie, rarement incarné avec autant de fougue et de passion que par Henry Lloyd-Hughes et Royce Pierreson, se pressent cinq adolescents en déroute. Quatre manants, abandonnés, battus, des délaissés de la société, obligés aux larcins et aux travaux dégradants pour pouvoir survivre. Et puis il y a un prince, Leo, héritier hémophile de la couronne anglaise, couvé, surprotégé et enfermé à Buckingham depuis sa naissance, qui rêve de la « vraie vie ». Le destin fait bien les choses, en fugue, sa royale majesté va croiser la route de Bea, Jessie, Billy et Spike, et en avant Guingamp.

 

photo, Darci Shaw, Harrison Osterfield, McKell DavidRepère secret : une immense cave londonienne 

 

BATCAVE ET CLUB DES 5

Dès le départ, l’évolution de ce petit groupe est l’opportunité de capturer tout ce qui peut mal se passer quand manque d’expérience et mauvaise direction d’acteur et d’actrice se combinent. Pour beaucoup, Les Irréguliers de Baker Street est une première « grosse » apparition — que ce soit devant la caméra pour Thaddea GrahamDarci ShawJojo MacariHarrison Osterfield ou Meckel David, ou derrière pour Tom Bidwell (showrunner et scénariste) ou Sarah Simmonds (scénariste).

Le résultat, ce sont malheureusement des dialogues d’une pauvreté à pleureur, des interactions et physiques entre les personnages incompréhensibles de fausseté et des interprétations qui ne font pas dans la demi-mesure. Difficile de ne pas décrocher de la série dans ces conditions.

Or quand le socle de départ, à savoir la caractérisation des personnages, n’est pas solidement installé, le reste de l’édifice est presque immanquablement branlant. On passera sur le manque de budget certain qui oblige bien souvent la caméra à resserrer son action dans des lieux clos pas très intéressants et qui ne permet pas vraiment à la production de servir une reconstitution notable du Londres du 19e. On passera sur les effets visuels plutôt moches, voire affreux quand il s’agit de mettre en scène ce qui a attrait à la magie, l’ambiance sonore qui n’a aucun sens et le manque de vision dans la réalisation ou la mise en scène (coucou les dialogues en champ-contrechamp, hyper factuels)…

 

photo, Darci Shaw, Jojo Macari, McKell DavidInterprétation en une nuance de froncement de sourcils 

 

Le problème est ailleurs. Jamais Les Irréguliers de Baker Street ne semble cacher son véritable but : remplir le catalogue Netflix de cette fin du mois de mars, s’accrochant à un nom connu, le dérivant d’un point de vue (pré) adolescent pour que les parents bloqués avec leurs jeunes à la maison n’aient pas à réfléchir avant de les caler devant un écran. Le problème de cette technique, c’est que, certes elle attire du monde, mais elle ne propose à peu près rien de vraiment charmeur.

Que les décisions et les dynamiques de groupe ou que les déplacements dans la ville soient crédibles, que les enjeux sociaux de lutte des classes, émotionnels ou magiques soient traités avec un tant soit peu de profondeur n’a alors plus aucune importance. L’objet final est un pur produit de son industrie : des costumes sympathiques à regarder (la mode avant tout), et un scénario tartiné à la truelle sur une planche de bois vermoulu.

Le tout est de tenir en haleine et d’agrémenter son histoire de quelques citations de pop culture allant des Oiseaux d’Alfred Hitchcock au tarot marseillais (seul épisode où l’on a vraiment l’impression de suivre une enquête), en passant par la créature de Frankenstein ou encore le mythe de la sirène. 

 

photo, Harrison OsterfieldAvant les douze coups de minuit Cendrillon

 

Pourtant, quelques pistes lancées par la production auraient pu sortir le tout de ce capharnaüm ambiant. Le personnage de Spike aurait pu apporter sa dose d’humour et de dynamisme à l’ensemble. Combiné à l’histoire d’amour naissant entre Bea et le prince, la série aurait pu raconter le Londres victorien, l’impossible porosité des classes avec un brin de cynisme ou, simplement, de recul sur la situation. Jessie, porteuse en grande partie de la dimension fantastique de la série, aurait pu insuffler un peu d’effroi vintage à la série, comme pouvait le laisser penser le générique et sa typo, et non pas aller voguer du côté du vomi numérique.

Bref. Les irréguliers de Baker Street auraient pu être et développer plein de choses et au lieu de ça, elles sont restées bien au chaud dans le bain des sous-productions Netflix, sans cachet ni envie.

Les Irréguliers de Baker Street est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 26 mars 2021

 

Affiche

Résumé

Les Irréguliers de Baker Street est un pur produit Netflix : une série qui manque de logique, de vision, d'originalité et de talent, qui met à mal un des personnages les plus connus de la pop culture et qui restera en mémoire pour la laideur de certains choix. 

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commentaires
Fitamine
26/04/2021 à 03:42

Ou comment chier sur un mythe fondater de la littérature aux profit d'un feminism cretin et boeuf

Lalarose
05/04/2021 à 09:12

Et bien personnellement j’ai bien aimé cette série et j'attend la saison 2 impatiemment. Malgré toutes les critiques (bien fondées sur certains points) elle est agréable à regarder.

SM
05/04/2021 à 02:57

Super série ! J’attend la saison 2 perso.

Konick
03/04/2021 à 14:48

Un point qui, si j'ai bien lu, me semble manquer à cette analyse, c'est le fait que cette série soit l'adaptation d'une série de BD (The Baker Street Irregulars) dessinée par Dan Boultwood et écrite par Tony Lee. Ce dernier est un auteur britannique assez connu dans la culture pop, pour avoir été scénariste sur de nombreux projets (de Dr Who à X-men en passant par Star trek next gen, Spiderman et j'en passe).
Donc au final tous les arguments qui critiquent cette oeuvre à travers le prisme de celle de Conan Doyle sont assez peu pertinents. Alors oui, ça n'enlève rien à la qualité discutable du jeu des acteurs ou de certains plans, du manque de profondeur général, et on est libre d'accrocher ou pas au "lore" assez particulier imaginé par Tony Lee, Mais qu'il s'agisse du côté teen, ou de la manière dont sont traités les personnages emblématiques de Conan Doyle, tout provient de la BD.
Au final les deux premiers épisodes ont vraiment attisé ma curiosité, et malgré toutes les faiblesses déjà énoncées, c'était divertissant, mais l'ennui s'installe assez vite avec les épisodes suivants.

GTB
03/04/2021 à 12:24

@Boris> Non. Si Netflix propose indéniablement pas mal de contenus pour ados (qui ont normalement beaucoup plus de temps libre que les adultes, donc est-ce étonnant?), il y a pléthore de films/séries/docus qui ne les ciblent pas spécialement. Par exemple, la série Le Serpent qui vient de sortir.

Boris
03/04/2021 à 11:43

Y'a pas grand chose à espérer de Netflix de toute façon, ils ont cibles le segment adolescent à partir de là...

Grazi
03/04/2021 à 09:38

Critique injuste! J ai adoré les personnages l intrigue et le cadre je mettrais 4 étoiles sur 5

Paf
02/04/2021 à 22:00

Une série que j'aime de ouf, alors arrêtons les critiques inutiles et très impatiente pour les prochaines saisons, on est nombreux!

Serge
02/04/2021 à 19:53

Moi j ai bien aimé peut être un peu simple mais agréable avec de jeunes acteurs en devenir

Hélène
02/04/2021 à 18:23

Une série pour ados comme il y en a tant sur Netflix mal ficelée et assez mal interprétée

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