Cannes 2016 : pourquoi The Neon Demon peut faire scandale sur la Croisette
Deux films semblent tout indiqués pour scandaliser la Croisette. Elle de Paul Verhoeven et The Neon Demon de Nicolas Winding Refn. Retour sur le second, qui pourrait bien défriser une partie du public.
Soif de scandale
Le début de polémique, rapidement étouffé, provoqué par le discours de Laurent Laffite, l’a rappelé avec évidence : Cannes adore les scandales. Parce que pendant 15 jours, tous les médias du monde sont focalisés sur l’évènement, parce que la moindre déclaration (rappelez-vous Lars Von trier, éjecté à cause d’une phrase malheureuse et volontairement mal traduite) est scrutée puis amplifiée, parce que l’excitation, l’alcool, la fatigue et les formidables enjeux qui ont cours démultiplient tout.
Et enfin, parce qu’un bon scandale peut devenir une sacrée publicité.
Sexe et violence
Crash, Irréversible et bien d’autres l’ont montré, nul besoin de projeter un film où des licornes daltoniennes récitent en verlan un discours de Donald Trump pour scandaliser le public Cannois. Il lui suffit parfois d’un brin de trash, ou tout simplement d’un mélange un peu corsé de sexe et de violence. Deux ingrédients que The Neon Demon contient probablement en quantités industrielles.
Trop jeune pour toi
Autre source possible de scandale, l’âge de sa comédienne, Elle Fanning, fraîchement majeur, qui n’était donc pas adulte lors du tournage. Nul doute que si le film recèle quantité de situations explicites ou moralement « condamnables », il trouvera des contempteurs pour crier à l’abomination et au proto-détournement de mineure.
Attention sexisme
Le cinéma de Nicolas Winding Refn n’est pas réputé pour laisser une grande place aux femmes. Du coup, on se demande quel regard il portera sur ses personnages, ceux-ci étant quasi-exclusivement féminins. Pas dit que le réalisateur ait la même sensibilité qu’un Pedro Almodovar. Ajoutons à cela le fait que The Neon Demon devrait ouvertement faire référence à tout un pan du cinéma de genre qui, s’il a iconisé la femme, a parfois été décrié comme sexiste, ou participant de son objectivation.
Le retour du petit Nicolas
Nicolas Winding Refn, en plus d’être un réalisateur de talent, est aussi connu pour son ego et sa personnalité parfois clivante. De là à dire que l’artiste serait ravi d’ajouter un scandale cannois à son CV, il n’y a qu’un pas. Après tout, il n’est peut-être pas ami avec l’excellent Gaspar Noé pour rien, et on l’imagine très bien se féliciter de secouer un peu le bourgeois.
Pour toi public
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la réputation sulfureuse ou scandaleuse des films présentés ne vient pas toujours de la critique, mais bien souvent du public de la projection nocturne, celle que vous voyez à la télévision. Y sont invités moult people, l’équipe du film, mais aussi tous ceux qui sont venus profiter du Festival, à qui la mairie, un bon copain, l’office du tourisme, le conseil d’administration ou un concours de circonstance a pu offrir une ou des places.
Un public bienvenue et évidemment légitime, mais qui ne sait pas toujours à quelle sauce il va être mangé et peut réagir très violemment à ce qui lui est montré. A l’heure des réseaux sociaux, c’est un cocktail parfois explosif, comme en a fait malheureusement les frais le Lost River de Ryan Gosling.
13/05/2016 à 09:59
A priori EL ce sont des fanboys de Refn, ils ne disent pas du tout qu'il est sexiste, juste qu'il pourrait y avoir des gens pour le penser. Et vu comme est traité le cinéma de genre de par chez nous...
12/05/2016 à 23:50
Les interviews de Refn sont intéressantes sur la (fausse ?) question du sexisme dans ses films. Il a souvent confié être plus attaché aux personnages féminins qu'aux personnages masculins.
Pour The Neon Demon, il a eu l'idée de base, mais le scénario a été en grande partie écrit par deux femmes : Mary Laws et Polly Stenham. Il a aussi tenu à ce que ce soit une femme au poste de directeur de la photographie.
En somme, The Neon Demon n'a a priori rien de sexiste dans l'intention.
12/05/2016 à 22:38
Je comprends, mais la tournure de votre phrase permet cette interprétation :)
12/05/2016 à 20:35
On ne dit pas du tout qu'il dénigre la femme, mais que certaines interprétations faciles sont à craindre.
Il suffit de se souvenir des commentaires qui ont accompagné la prestation de Thomas dans Only God Forgives...
12/05/2016 à 20:26
Je vous renverrai à "Only God Forgives" et Kristynn Scott Thomas dans le rôle de cette mère carnassière vampirisant l'écran à chacune de ses scènes, prouvant que Refn ne dénigre pas la femme dans son cinéma..
Ces précédents films dépeignaient des milieux d'"hommes, de gangsters, c'était normal de ne pas avoir de femmes au premier plan, ils étaient beaucoup plus ancrés dans la réalité par rapport à "Only God Forgives".