In the mood for Cannes - épisode 11
Le Festival de Cannes n'est pas qu'un lieu de luxure, de stupre et d'hormones répandues dans la frénésie la plus totale. C'est aussi le temple d'insondables mystères. Le premier d'entre eux est la programmation des films en compétition, souvent sujette à controverse, pour ne pas dire à une sidération polie. Certes, on se doute bien que les raisons qui président à la répartition des différentes œuvres ne sont pas purement artistiques, et que tous les auteurs, producteurs, et distributeurs doivent s'écharper dans le champagne et la bonne humeur pour négocier qui sera diffusé le matin, qui montera les marches en début de soirée, et qui les descendra dans l'indifférence polie des autochtones en marcel.
Pour la presse, ces problématiques relèvent une importance fondamentale, puisque de l'heure et de la date à laquelle sont projetées les œuvres dépendent grandement la capacité du public (même professionnel) à les recevoir. Si la question est soulevée en ce lieu, c'est que la répartition des films nous a parue particulièrement étonnante et contre-productive en cette année 2012. On comprend sans mal pourquoi De Rouille et d'os fut parmi les premiers dévoilés, ce qui lui permit de bénéficier de l'indulgence d'une presse encore fraîche, et de préserver son scénario d'une comparaison avec la concurrence, qui aurait nécessairement tourné à son désavantage.
On est beaucoup
plus circonspect quant à la “confrontation“ entre un véhicule à
stars tel que Killing Them softly et le modeste Grand
Soir de Delépine et Kervern, quand tout le monde s'attendait
à un show de gangsters historique entre Lawless et les
mésaventures de Cogan. Les deux productions auraient pu bander leurs
muscles sans se parasiter, et ne pas écraser au passage leurs petits
camarades. On s'étonne également de voir le très exigeant
Cosmopolis présenté
à 8h30, dans la dernière ligne droite des festivités, soit quand
les hémisphères cérébraux de la presse ont une densité
comparable à celle d'une portion standard de barbe-à-papa. Et l'on
n'osera même pas s'attarder sur le cas de Mud, une des œuvres les
plus prometteuses du festival, reléguée à l'ultime samedi,
surnommé la pré-Bérézina, où elle côtoiera le déjà fumeux
fameux doc de BHL.
Il n'est pas ici question de mettre en doute l'évidente bonne volonté des organisateurs, mais plutôt de s'interroger sur ce qui peut amener à agencer de la sorte les présentations de films difficiles, requérant un minimum de fraîcheur et d'allant. La réponse demeure aujourd'hui encore un mystère.
Journaliste 24h avant la clôture du festival