Livre : Les comédies à la française

Sandy Gillet | 1 novembre 2011
Sandy Gillet | 1 novembre 2011

Voici un titre de bouquin qui fait saliver rien qu'à le lire. Car bien malin celui qui dénichera chez nous un ouvrage qui traite de la chose. Ou s'il a existé, il est épuisé depuis des lustres avec la frustration de ne pas y trouver la mention de films récemment sortis. C'est que traiter de nos comédies les plus populaires via un livre, est-ce vendeur ? Quand la mode aujourd'hui est d'essayer de porter à la connaissance du public cinéphile ou non des découvertes, des exclus, des genres de cinéma jamais ou peu abordés. Bref de se faire le chantre d'une cinéphilie pointue ou déviante plus à la « mode » et qui permet à son auteur de monter sa science. Tant mieux si cela plaît et tant mieux si ses auteurs sont catapultés du jour au lendemain « spécialistes » qui n'oseront jamais s'avilir à parler de ces bonnes vieilles comédies bien de chez nous. Que notre génération est belle ! Mais heureusement, deux auteurs qui quelque part ne font pas parties de ce sérail on va dire un peu nécrosé, se sont lancés dans l'aventure avec passion, sérieux et gourmandise.

 

 

 

 

Christophe Geudin et Jérémie Imbert (souvenez-vous, c'est à lui que l'on doit le formidable doc sur Pierre Richard, L'art du déséquilibre, présent dans le coffret DVD « Pierre Richard réalisateur » où l'on y trouvait Le Distrait et Les malheurs d'Alfred) sont donc parti du constat que de livre sur la chose, il n'y avait point et qu'il fallait donc remédier à ce manque déshonorant pour un « genre » qui est, qu'on le veuille ou non, l'âme de notre cinéma. Celui qui le fait vivre économiquement et qui le fait souvent rayonner (en bien ou en mal) à l'étranger.

Ceci étant il ne s'agissait pas de lister ici tous les films mais d'en prendre 250 qui ont marqués de leur empreinte l'histoire du cinéma français. Utilisant le plan fonctionnel de la chronologie par décennie, le premier film a avoir l'honneur d'une pleine page est Les Casse-pieds de Jean Dréville avec Noël-Noël datant de 1948. Elle est précédée d'un long texte introductif qui permet de souligner l'importance matriciel d'un Max Linder (dont Chaplin se réclamait l'élève) ou d'un Louis Feuillade puis quand le parlant arriva, des figures incontournables des années 30 comme déjà Fernandel et Sacha Guitry sans oublier Marcel Pagnol. Il est vrai que tous ces cinéastes et cette période bénéficient d'une large publication (plus présentables, plus cinéphile d'en parler), ce qui a certainement décidé les auteurs à ne pas trop s'y appesantir.

 

 

 

 

L'ivresse était ailleurs. Dans la volonté de parler de Tati, du phénomène Don Camillo, de la gouaille d'Audiard, de l'indémodable Mocky, de la vraie guerre des boutons, de Louis de Funès et de ses gendarmes, de l'énorme Bourvil, de Belmondo et ses associations du tonnerre avec Philippe de Broca, de se replonger dans La grande vadrouille, de mesurer une nouvelle fois tout le génie de Gérard Oury, de l'apport qui ne cesse de trouver une nouvelle jeunesse d'un Pierre Richard... Sans oublier la franchise des Bidasses, des Sous-doués et de La 7ème compagnie (et oui Stef ce livre est pour toi / NDLR), les chefs-d'œuvre de Lautner (est-il besoin de donner les titres ?), le trublion Jean Yanne, la causticité de Bertrand Blier, l'indéniable génie de Francis Veber, le formidable diptyque Un éléphant ça trompe énormément / Nous irons tous au paradis, la déflagration causée par l'équipe du Splendid, Jean-Marie Poiré (Le père noël est une ordure c'est aussi lui sans oublier Papy fait de la résistance mais surtout Mes meilleurs copains), le Viens chez moi j'habite chez une copine de Patrice Leconte, Les Ripoux de Zidi, Les Nuls... Et sans oublier Toledano / Nakache qui avec Nos jours heureux et surtout Intouchables qui sort ce mercredi (présent dans une mise à jour du livre à n'en pas douter) ont déjà bien le droit de faire partie de cette grande famille prestigieuse.

Les textes qui accompagnent chacun de ces films sont érudits. Point d'envie pourtant ici de refaire le monde en donnant un avis forcément vain et nombriliste. L'idée est plutôt d'apporter des informations sur la production, sur l'histoire du film. Comme par exemple la volonté de Tati, impressionné par Les Dents de la mer de Spielberg, de tourner une scène en 1978, esquissée dans le script original mais jamais filmée, et de l'intégrer dans un nouveau montage des Vacances de Mr Hulot. Il s'agit de la scène avec le kayak qui se casse en deux donnant l'impression aux baigneurs qu'une énorme mâchoire de requin se dirige vers eux.

Le tout est présenté au sein d'une très belle maquette à la fois aérée et très colorée. De quoi avoir la banane en tournant chaque page. Sans oublier une très belle préface signée Pierre Richard. En guise de cerise sur le gâteau on a accès tout à la fin, au box office des comédies françaises de 1945 à 2011. Une compilation impressionnante et à la présentation inédite de chiffres qui montrent s'il était encore besoin de la place prédominante de la chose chez nous. À noter que sur chaque film mis en avant, on retrouve sa performance au BO via sa fiche signalétique sur la gauche.

Allez, si l'on devait émettre un regret, c'est qu'il n'est mentionné nulle part de la disponibilité ou non des films cités en DVD et/ou Blu-ray. Que cela soit chez nous ou à l'étranger avec mise en avant de la meilleure édition quand il y en a plusieurs. Déformation ecranlargienne, on sait !

 

Quoiqu'il en soit, voici à n'en pas douter d'un ouvrage plus qu'indispensable !

 

Les comédies à la française est éditée aux Editions Fetjaine

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